Sauve-moi

Chapitre 1

Sacha ne voyait pas la fin de son emménagement. Déjà deux jours que ça durait, et il lui restait encore tant de choses à faire. Elle s'appuya sur la camionnette quelques secondes, s'autorisant une pause bien méritée. Ses bras et ses jambes tremblaient presque, elle qui avait si peu l'habitude de faire du sport s'en mordait les doigts. Sa meilleure amie Laetitia était venue l'aider la veille pour les meubles les plus lourds mais malheureusement elle travaillait ce jour et n'avait pas pu venir de nouveau.

Sacha en profita pour observer plus en détail l'immeuble qui l'accueillait et déplora une nouvelle fois la médiocrité des lieux. Elle soupira bruyamment. Maintenant qu'elle devait vivre seule et comme elle n'avait pas de garant, ses revenus ne lui permettaient pas de trouver mieux... Ainsi, à défaut de trouver un logement décent, elle s'était focalisée sur sa localisation. Même si elle intégrait le quartier le plus pauvre de la ville, ici au moins, elle n'avait pas à craindre de prendre une balle perdue ou un coup de couteau. Et cerise sur le gâteau : elle pouvait se rendre au travail en prenant le bus, et elle n'avait pas de correspondance ! Elle gagnerait un temps précieux.

Se remettant au travail, elle récupéra un énième carton dans le véhicule, plus lourd que les précédents, et entreprit de monter encore une fois les six étages. Sans ascenseurs, naturellement, ça n'aurait pas été drôle autrement. Elle dut s'arrêter à mi-chemin pour reprendre son souffle. Si seulement elle pouvait repousser la fin de cet enfer au lendemain et prendre une bonne douche... Malheureusement, elle avait dû louer la camionnette, et elle devait la rendre à dix-huit heures si elle ne voulait pas payer de pénalité. En plus de ça, elle n'était pas vraiment en avance...

Des bruits de pas résonnèrent dans la cage d'escalier, se dirigeant vers elle. Un élan d'espoir l'envahit : avec un peu de chance, elle tomberait sur un voisin ou une voisine qui pourrait l'aider à monter ses affaires. Un homme apparut dans la cage d'escalier, pas beaucoup plus vieux qu'elle. Sacha remarqua sa carrure impressionnante et jubila : un homme aussi musclé que lui pourrait porter au moins deux cartons à la fois !

Alors qu'il s'approchait, elle remarqua ses cheveux blonds en bataille et les larges cernes sous ses yeux. Il leva brièvement les yeux vers elle avant de les reporter devant lui.

— Bonjour ! tenta-t-elle avec un grand sourire, tandis qu'il arrivait à sa hauteur.

Pas de réponse. Il passa devant elle en silence, comme si elle n'existait pas. La bouche de Sacha s'ouvrit, déformée par l'indignation d'un tel comportement. Elle ne put détacher son regard de sa silhouette qui disparaissait maintenant, le fusillant des yeux. Qu'il ne propose pas de l'aider était une chose, mais la moindre des politesses était de répondre ! Sacha lâcha un râle agacé lorsqu'il ne pouvait plus l'entendre et reprit sa tâche initiale.

Rassemblant ses dernières forces et tout son courage, Sacha termina finalement de décharger la camionnette. Elle se laissa tomber sur son canapé en soupirant de fatigue, les jambes tremblantes, et eut le malheur de regarder les piles de cartons qu'elle devait ranger. Tout son corps, déjà douloureux, lui promettait des courbatures dès le lendemain.

Elle céda presque à la tentation de ne pas aller rendre l'utilitaire à l'agence de location mais revint à la raison. Comme elle avait payé la caution plus le premier loyer de l'appartement, elle n'avait pas vraiment les moyens de se le permettre ce mois-ci.

— Allez, lève ton cul, feignasse ! s'encouragea-t-elle.

Elle ramena le véhicule à la bonne heure et revint en bus. Monter encore une fois les six étages à pied sembla être la pire torture au monde, et il lui fallut une bonne dizaine de minutes avant d'atteindre son appartement. Elle se jeta sous une douche fraiche, lavant la sueur qui collait sa peau. Elle détestait transpirer, elle avait toujours l'impression d'être sale et de sentir le chacal (c'était la raison pour laquelle elle détestait le sport !). Elle enfila un pyjama et s'écroula dans son canapé, soulagée d'avoir enfin terminé.