Sauve-moi

Chapitre 14

— Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui ?

Ilios haussa les épaules.

— Pas vraiment.

Sacha ne savait pas sur quel pied danser avec lui. Il était tellement différent de tous ceux qu'elle avait connus ; certaines choses apparaissaient comme des évidences à ses yeux et d'autres la laissaient dans le néant complet. Sans trop se louper, elle pouvait affirmer qu'il était peu loquace. Était-ce parce qu'il n'osait pas ? Parce qu'il avait peur ? Ou parce qu'il n'aimait tout simplement pas parler ? Quand ils passaient du temps ensemble, il ne semblait pas s'ennuyer ni vouloir s'enfuir. Elle ne savait pas ce qu'il aimait faire ni comment il occupait ses journées, ce qui lui compliquait la tâche pour faire la conversation. Il n'y avait pas de bibliothèque chez lui, il n'aimait pas la technologie – il n'avait même pas de télévision ! Il faisait bien du sport mais sans que ce soit une passion, plus un exutoire.

De désespoir, Sacha plongea son regard dans sa tasse et admira les volutes de fumées qui s'en dégageaient.

— Et toi ? demanda-t-il après une bonne minute de silence.

Sacha se mordit la lèvre pour retenir un sourire amusé. Elle sentait qu'il essayait vraiment de faire un effort malgré son évident manque de pratique des relations sociales.

— Rien de particulier ! Probablement me remettre de ma gueule de bois en regardant une série.

— Quel genre de série ?

Elle partit dans plusieurs hypothèses qu'elle lui exposa. Rapidement, elle vit la confusion apparaitre sur le visage de son voisin, comme si elle lui parlait dans une autre langue. La jambe d'Ilios se mit à tressauter, faisant remuer la table sur laquelle il était appuyé. L'instinct de Sacha lui souffla qu'un malaise commençait à l'envahir et elle tenta de le distraire en lui racontant le résumé de sa série préférée. Rien n'y faisait, il ne l'écoutait plus que d'une oreille désormais. Elle le voyait tenter de maintenir le contact visuel, ses yeux irrémédiablement attiré par ses mains qu'il triturait.

Une boule se forma dans le ventre de Sacha. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Comment l'aider ? Devait-elle continuer comme si de rien n'était ? Lui poser la question ? Le laisser seul ?

Perdue, elle se tut. Il reporta son attention sur elle et se massa la nuque en détournant le regard. Ses mains se mirent à trembler et sa respiration s'accéléra. Sacha se souvint que la dernière fois, le contact physique l'avait aidé, ou tout du moins, c'est l'impression qu'elle en avait eue. Elle posa alors délicatement ses mains sur la sienne, celle de chaire, avant de croiser leurs doigts ensemble.

— Tout va bien, rassura-t-elle d'une voix douce.

Elle lui offrit son sourire le plus réconfortant lorsqu'il releva brièvement les yeux vers elle.

Ilios détestait perdre le contrôle de la sorte, surtout devant elle. Ça le rendait malade. Il tenta de s'excuser, honteux, mais sa voix cassée l'empêcha de prononcer le moindre mot. Désespéré, il se leva avec force, balayant sa chaise au passage, et prit le chemin de la sortie. Sacha se précipita à sa suite pour l'attraper par le bras et le tirer vers elle. Elle colla son corps au sien dans une étreinte rassurante.

— Dis-moi comment je peux t'aider... supplia-t-elle.

Il ne répondit pas. Il n'avait jamais trouvé de solution radicale à son problème, seul le temps lui permettait de retrouver le calme. Pourtant, le simple contact de son corps contre le sien l'apaisa. Juste un peu. Il serra ses bras autour d'elle et profita de cet échange en silence.

Après un moment trop court à son goût, Sacha se détacha de lui, laissant une vague glacée derrière elle. Elle s'était à peine éloignée, juste assez pour pouvoir le regarder dans les yeux sans se déboiter la nuque.