Sauve-moi

Chapitre 5

— Cela fait plusieurs fois que vous mentionnez votre voisine au cours de nos séances.

— Elle joue un grand rôle dans l'aggravation de ma santé mentale, affirma-t-il avec son sourire le plus faux.

Le Dr Melwis pinça les lèvres mais ne commenta pas. Il disait ça pour la provoquer, mais elle ne mordait pas à l'hameçon. Elle ne le faisait jamais. Il détestait qu'elle le comprenne si bien.

— Parlez-moi un peu d'elle.

— Pour quoi faire ?

Il n'y avait rien de plus inintéressant sur Terre que sa voisine.

— J'essaie de vous pousser à développer vos relations sociales. Comme vous ne sortez pas beaucoup de chez vous, quoi de mieux que de nouer des liens avec vos voisins ?

Il leva les yeux au ciel. Quelle idée débile. Les seuls liens qu'il avait noués avec son précédent voisin auraient pu l'envoyer en prison. Ou lui faire payer une amende. Il ne connaissait pas bien le système judiciaire.

La femme le fixa quelques secondes, avant qu'il se résolve à prendre la parole.

— Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

— Comment s'appelle-t-elle ?

Il voulut répondre mais se rendit compte qu'il n'en avait aucune idée. Il se contenta de hausser les épaules.

— Quel âge ?

— Entre vingt et trente ans ? supposa-t-il. On n'a pas vraiment échangé sur des banalités.

Elle eut un mouvement de tête avant de noter quelque chose dans son carnet.

— Qu'est-ce que vous écrivez ? s'enquit-il en fronçant les sourcils.

— Elle travaille ? ignora-t-elle.

Il hocha la tête.

— N'hésitez pas à ouvrir la bouche, de temps en temps, ironisa-t-elle. Un ou une petite amie ?

Il laissa tomber sa tête sur le dossier du canapé. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ? Il n'avait aucune envie de sympathiser avec elle. Et de toute façon, elle le détestait déjà.

— Solal ?

— Récemment séparé d'un abruti.

— D'un abruti ?

Il lui expliqua brièvement ce que sa voisine et son amie avaient partagé sur lui le samedi précédent. Elle écrit de nouveau quelques mots, et ne pas en connaitre le contenu le rendait fou. Il serra la mâchoire et sa jambe commença à remuer.

— Elle est comment ?

Il fronça les sourcils, ne comprenant pas le sens de la question. Il répondit avec la première chose qui lui passa par la tête :

— Chiante.

La femme sembla retenir une remarque cinglante. Quel dommage, il aurait été ennuyeux de s'amuser.

— Blonde, brune ? Grande, petite ? Mignonne ?

Il haussa les épaules. Il ne savait sincèrement pas quoi répondre, il n'avait pas fait attention. Il tenta de s'en souvenir mais l'image qui lui apparut était très floue. Lui qui, à une époque, était capable de retenir une dizaine de visages en à peine une minute...

Le Dr Melwis nota quelque chose dans son carnet et il ferma les yeux quelques secondes pour accuser la vague d'agacement qui le traversa. Il se pinça l'arête du nez, espérant qu'en étant outrageusement agacé, elle déciderait de partager sur ses notes.