Mariage de Noël ; Partenaires (in)temporels

Chapitre 6

Je laisse Alex seul dans le salon et m'éclipse le temps de troquer mon pantalon humide contre des vêtements secs et confortables. Lorsque je reviens dans la pièce principale, il a ôté son manteau ainsi que ses chaussures et il observe la décoration minimaliste de mon appartement.

Je m'appuie contre le mur qui me sépare de ma chambre et le regarde, quelque peu troublée par la situation. Je crois qu'aucun homme n'a jamais mis les pieds ici depuis que j'ai emménagé dans le coin, excepté Loïc, évidemment. C'est la première fois que j'invite quelqu'un à monter alors que nous nous connaissons à peine.

– Est-ce que je peux t'offrir quelque chose à boire ? demandé-je en me dirigeant vers la cuisine.
– Quelque chose de chaud, s'il te plaît.
– Un thé ? Un chocolat ?
– Un thé, ce sera parfait.

Je remplis ma bouilloire d'eau et sors deux mugs. Du coin de l'œil, je vois mon invité s'installer sur un tabouret, derrière le bar qui sépare la cuisine du salon. Il a l'air d'être à l'aise, bien plus qu'il ne l'était tout à l'heure lorsqu'il s'est mis à me tutoyer. Il semblerait que cet après-midi à la patinoire nous ait rapprochés.

– Alors comme ça, tu es prof de français, souffle-t-il.

J'attache mes cheveux en un rapide chignon avant de m'appuyer contre le meuble derrière moi, et je hoche la tête, surprise qu'il lance la discussion sur ce sujet.

– C'est ma quatrième année.
– Tu as toujours voulu faire ça ? s'intéresse-t-il.
– Non, je trouvais cette matière terriblement ennuyeuse à l'école, confié-je.

Il hausse un sourcil, surpris et je cache mon amusement. Il n'est pas le premier à réagir de cette façon. Mes élèves ne me croient jamais lorsque je leur avoue qu'au départ, je n'avais pas vraiment le profil pour devenir professeure de français.

Alex appuie son menton dans le creux de sa paume et me fixe comme si j'étais une énigme qu'il tentait vainement de déchiffrer.

– Ça sort d'où, alors ?
– Tu vas trouver ça stupide.
– J'ai d'autant plus envie de savoir. Raconte, insiste-t-il.
– Ok... En première, j'avais des vues sur un garçon qui passait tout son temps libre à la bibliothèque. Dès que j'avais une minute, je m'y rendais dans l'espoir de le croiser. J'ai passé d'innombrables heures là-bas, je pensais qu'il finirait par me remarquer. Au début, j'empruntais des livres mais je ne les lisais pas, je préférais observer ce garçon. Puis les jours sont passés, j'étais transparente et j'ai fini par me lasser, alors je me suis occupée en lisant réellement les livres que je prenais.
– Et ?
– Et je suis tombée amoureuse de la littérature à tel point que j'en ai oublié ce mec. J'ai continué à me rendre à la bibliothèque chaque semaine mais je n'y allais plus pour le voir. J'y allais pour lire.

Ses yeux ne me quittent pas une seule seconde durant mon explication. Un peu mal à l'aise, je lui tourne le dos pour récupérer la bouilloire, puis je verse de l'eau dans nos tasses. Lorsque je dépose le mug fumant devant lui, il me remercie d'un sourire avant de reprendre :

– Le mec s'est fait doubler par des livres, c'est affreux.
– Il avait qu'à me remarquer avant, rié-je.
– Parce qu'il a réagi après ?!
– Hum hum, acquiescé-je. À croire qu'il ne me trouvait pas intéressante avant que je ne plonge dans un bouquin.
– Mais tu es sorti avec au final ?
– Non, j'étais trop occupée par ma nouvelle passion littéraire.

Quelqu'un sonne à la porte au moment où Alex éclate de rire. Il est vrai que pendant de longues années, j'ai fait passer mon amour pour les livres avant tout le reste, surtout avant les petits amis. Depuis que je travaille dans un collège, j'essaye de faire des efforts, de m'ouvrir un peu aux autres, pour le plus grand bonheur de ma meilleure amie qui rêve de me caser avec quelqu'un depuis de longues années déjà.