Chapitre 5: Kézian

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— Salut, moi c'est Kézian, lance-t-il d'une voix claire.

— Salut je m'appelle Zax et voici Izoée.

Il me dévisage, ses yeux sont d'un vert incroyable, charmeurs. Je rougis et détourne la tête. Bon sang, il me met mal à l'aise, je ne vois rien en lui, mais lui essaie de lire en moi.

Le temps de reprendre mes esprits et je m'aperçois qu'Izoée a déjà fait mouche. Elle s'est drapée dans une couverture pour lui serrer la main et elle l'interroge de ses yeux de poupée de porcelaine.

— Ça va ? Qu'est-ce que tu faisais dehors et qu'est-ce qu'ils te veulent, ces mecs ?

— C'est pas la fête dehors ! se contente-t-il de répondre. Le monde devient fou. Vous ne devriez pas rester dans cette ville, ça dégénère grave.

Je pourrais lui répondre que je savais bien tout ça et que c'était pour lui qu'on était venues, mais qu'aurait-il compris ?

— On ne sait pas quoi faire, mentis-je. On était de passage ici quand tout s'est dégradé.

J'espère le déconcerter assez pour qu'il nous offre son aide et c'est pari gagné ! Il porte les mains à son visage en inspirant, ses yeux rejoignent le haut de l'orbite. Il réfléchit intensément, mais brièvement et lance :

— Alors, venez avec moi, ce quartier va être invivable d'ici quelques heures et il sera trop tard pour trouver un autre refuge.

— D'accord.

Il s'attendait sans doute à devoir nous convaincre, car ma réponse le laisse sans voix et il finit par sourire pour masquer sa gêne.

Je n'attendais que ça. On devait partir ensemble, je le savais. Mais où ? Ça, c'est lui qui le sait et c'est complètement agaçant.

— Ne prenez que le strict minimum. Il faut que l'on soit discret et que l'on puisse piquer des sprints ! nous conseille-t-il.

Et nous voilà dehors à longer les bâtiments en silence. Izoée tient ma main et elle m'interroge sans cesse du regard. Elle ne dit rien, mais ses yeux me demandent si c'est bien sensé de suivre un inconnu, si c'est normal de fuir la nuit, si je sais vraiment ce que je fais. Je lui souris faiblement, ma pupille commence à se fendre et je la vois dans deux semaines courir main dans la main avec l'Autre, le fameux Kézian. Stop ! Je ne veux pas savoir, pas tout, pas tout de suite.

L'Autre s'arrête brusquement au coin de la rue et nous fait signe de ne pas bouger. Il est grand et élancé. Son corps, quand il se déplace, a quelque chose de reptilien.

— Des casseurs, chuchote-t-il, ils s'en prennent à un distributeur automatique. Il vaut mieux les éviter. Suivez-moi.

On est dociles, on marche dans ses pas. Moi, parce que je sais que l'Autre est notre salut. Izoée, parce que la présence du garçon la rassure. Je le sais, ses yeux n'ont même pas besoin de me le dire.

C'est incroyable le nombre de personnes qui arpentent les rues en pleine nuit. Certains transportent des valises. Il y a beaucoup de voitures, des bouchons se forment. Ils ont peur, ils veulent fuir et ils ont raison. Il ne faut pas rester là. Demain après-midi, ici ça sera l'apocalypse. J'ai vu beaucoup de morts, des rues éventrées. Des bombes vont exploser dans les points clés de la ville et vont faire plus de six mille victimes. Après ça, la population va s'affoler et ni les forces de l'ordre ni les pompiers ne vont pouvoir contenir la vague de panique qui va finir par détruire Rennes.

— Ça, ça fera notre affaire, s'exclame l'Autre visiblement content !

Il désigne deux vélos adossés à une barrière. Le hic c'est qu'il y a un antivol. Mais l'Autre ne semble pas s'en inquiéter. Il s'agenouille à côté et je ne sais pas ce qu'il traficote, mais l'antivol tombe en moins d'une minute. Incroyable, ce garçon est vraiment un mystère pour moi.

Zax, l'OmniscienteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant