Chapitre 13: marche forcée

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Il pleut. Cela a commencé par un petit crachin compatible avec mon humeur, puis une grosse pluie bien lourde a pris la relève. On est trempés. Il n'y a aucun abri ici. On traverse des champs inondés séparés par des murets de pierres sèches. On grelotte tous les quatre, mais personne n'ose se plaindre après avoir assisté à l'agonie de la petite fille.

- Là-bas, c'est bien une route ? demande Kézian, les mains en visière au-dessus de ses yeux pour les protéger de la rigole qui ruisselle de sa frange.

- Oui, je la vois aussi, s'exclame Ethanaël !

Les deux garçons accélèrent le pas. On dirait qu'ils ont vu le Graal. Une simple route remplit leur journée d'espérance. Cela devrait m'attendrir, mais je me renfrogne davantage. J'aimerais avoir encore leur innocence et pouvoir y croire.

Izoée m'attrape la main et me regarde tendrement.

- Ça va Zax ? Tu es toute bizarre ! Tu penses encore à Carolyn ?

Entendre ce prénom me glace un peu plus. Carolyn, un petit ange que j'ai tué ! Je réprime un hoquet et me force à sourire. Mais seules mes lèvres esquissent une petite grimace, mes yeux pleurent.

- Oh ! Zax ! Ne pleure pas, tu n'y es pour rien, me console mon amie. Tu as fait tout ce que tu as pu. Ce n'est pas comme si tu l'avais tuée.

Mais quelle ironie. Pourquoi me dit-elle ça ? Et elle pense me réconforter ?

- Non, je sais, je m'entends répondre, mais elle était si petite. C'est tellement injuste !

Izoée serre un peu plus fort ma main et m'entraine à la suite des garçons. On atteint la route assez rapidement. C'est une voie secondaire, mais ça fait du bien de marcher sur du goudron et de ne plus s'enfoncer dans un terrain spongieux qui, à chaque pas, capture le talon de nos chaussures. Pas un véhicule, évidemment. L'essence est devenue très rare et les barrages pour voler les voitures dissuadent les sorties. De toute façon, plus personne n'a envie de courir les routes, c'est trop dangereux.

Il n'y a que nous pour être aussi fous. Que moi qui guide des inconscients vers leur avenir douloureux.

- Il n'y a rien par là. Rien de rien, soupire Ethanaël. Ça serait pourtant bien qu'on fasse une petite pause. Juste une bergerie, je ne demande pas grand-chose !

Il s'est fabriqué une capuche avec le reste d'un sac en plastique qu'il a trouvé accroché à un buisson. Certains seraient ridicules, lui ça lui confère un nouveau charme, c'est incroyable !

- Mouais, il vaut mieux fuir les villages, mais je suis d'accord avec toi, mec ! Une étable avec du crottin bien chaud, ça serait le top ! fanfaronne Kézian en lançant une œillade à Izoée.

La petite sotte rigole. Elle m'exaspère, elle perd tout son jugement avec lui.

- Mais toi, Zax, tu ne dis rien, tu sais bien si on va trouver un abri, non ? me tacle le beau blond.

Je n'ai pas envie de répondre, je fais la sourde oreille et avance un peu plus vite pour le distancer, mais le bougre m'emboite le pas.

- Oh ! Eh ! Tu pourrais répondre ! T'as pas dit un mot depuis ce matin. Alors, il est où notre Cinq étoiles ?

- Laisse-la tranquille, intervient Ethanaël. T'es chiant Kézian quand tu t'y mets.

Je rêve ou quoi ? Ethanaël a pris ma défense ! Il vient à ma hauteur et me lance un regard inquisiteur.

- Ça va ?

Il n'en dit pas plus, mais je comprends qu'il s'inquiète pour moi. Mon geste de la nuit ne s'effacera pas comme ça. Mais juste de savoir que quelqu'un s'intéresse à mon humeur et me comprend rallume une petite étincelle dans mon cœur. En plus, c'est Ethanaël !

Zax, l'OmniscienteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant