Chapitre 7: Ethanaël

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 Attention, contenu mature dans ce chapitre

Gueule d'Ange se désintéresse de moi. Je trébuche et m'écroule dans mon vomi. Je ferme les yeux. Je voudrais ne plus rien entendre, tomber dans le coma et m'éveiller seulement quand tout sera fini. Mais je n'ai pas le choix. Mon corps a décidé de tenir. Et j'entends la voix claire d'Izoée qui reprend confiance.

— J'ai de l'argent, une belle somme. Je vous donne tout. Et puis on a des fruits là, du Nutella aussi.

Elle sort le pot du sac. Je les entends qui ricanent. Ils s'approchent d'elles, l'encerclent. Je devine leurs sourires baveux et leurs yeux vicieux. Gueule d'Ange lui arrache les billets des mains. Quelques pièces tombent, l'une roule juste vers ma bouche et se stabilise dans la flaque de sang que mon nez abreuve. C'est sur cette pièce que je vais focaliser mon regard, mon attention, mon esprit pendant tout ce qui va suivre.

Elle crie. Elle hurle quand elle comprend leurs intentions. Ils sont trois pour la maintenir. Gueule d'Ange défait sa ceinture lentement. Il fait passer sa langue sur ses lèvres. Je ne vois rien de tout ça. Mais je sais. J'en ai vu des bribes, il y a quelques mois, quand je cherchais à comprendre comment tout allait s'agencer et ce que je pourrais faire pour nous sauver. J'en avais vu assez dans le regard de mon amie pour avoir envie de la serrer dans mes bras, la cajoler comme un nouveau-né. Mais, elle n'aurait pas compris, elle aurait cherché à savoir. Comment aurais-je pu la préserver de cette folie ?

Elle crie. Elle hurle quand ils lui arrachent ses vêtements. Leurs mains sales palpent, caressent, souillent son corps. Gueule d'Ange déboutonne son pantalon et le descend frénétiquement. Il agrippe les cuisses de mon amie. Ses pouces laissent une marque rouge dans sa chair blanche et fragile.

Elle hurle.

Soudain, un chant sourd lui répond, monocorde, régulier, entêtant. Une vibration rauque comme le battement d'un cœur. Un rythme qui s'infiltre partout. Ça vibre ! On sombre, je sombre.

— Allez, lève-toi, aide-moi ! Il faut l'emmener loin d'ici, l'effet ne dure pas.

Un jeune homme habillé de noir me parle. Il ne fait pas partie du groupe de nos assaillants. Il porte le corps d'Izoée. C'est le maillon manquant ! Il fallait passer par toute cette horreur pour le voir apparaître, pour le voir à l'œuvre. Il doit être juste un peu plus vieux que nous. Un regard profond, un front haut et une bouche sensuelle. Je m'attarde sur la courbure de ses lèvres, à la fois tendres et moqueuses. Je voudrais en suivre le contour avec mon doigt, la peau semble douce et chaude.

— Eh ! Oh ! Réveille-toi ! Il faut partir de là ! Tu tiens debout ? Allez, aide-moi à soutenir ta copine.

Je reprends mes esprits. Que m'a-t-il fait pour que je sois dans cet état-là ? Autour de nous, gisent les corps de nos assaillants. Un amas de bras, de jambes. Des dos adossés au mur, un pouce dans la bouche, un bras sous une tête. Ils... dorment ! Quelques ronflements sonores illustrent même cette situation ahurissante.

— Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Comment...

— Pas le temps, allez on se tire. Généralement ça marche cinq minutes, pas plus.

Je l'aide à trainer Izoée loin de cette ruelle sordide. La pauvre est inanimée, sa tête dodeline de droite de gauche au gré de nos mouvements désorganisés. On débouche sur une rue éclairée, plus large. Il n'y a personne. Des pas pressés claquent une centaine de mètres plus loin. Je panique, trébuche, râle. Izoée gémit, ouvre les yeux et se met à sangloter. Elle est réveillée, mais elle ne nous aide pas, elle se laisse trainer comme un paquet encombrant.

Zax, l'OmniscienteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant