Chapitre 17 Le campement

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Nous roulons en silence, la main d'Izoée serre la mienne à la sortie de chaque virage. Je sais qu'elle a peur que l'on fasse une mauvaise rencontre. Joséphine nous a mis en garde avant notre départ. Aucune route n'est sûre. Les gens sont devenus obsédés par les voitures, par la nourriture. Des groupes montent des barrages et détroussent quiconque ose s'aventurer dans leur secteur.


Cela fait moins de six mois que ce désordre a commencé, mais la pagaille est colossale. Partout des clans naissent, se soutiennent et sont capables des actes les plus barbares pour assurer leur subsistance ou leur confort. Balayées les centaines d'années de civilisation ! L'homme est un animal, disait un auteur dont je n'arrive pas à me rappeler le nom. À l'époque, quand mon professeur de français avait cité cette phrase, la moitié de la classe avait rigolé. Je me demande combien d'élèves ont maintenant intégré des groupes barbares et agissent comme des bêtes pour défendre leur territoire et leur famille.


Un nid de poule, plus gros que les autres, fait tressauter la voiture et Ethanaël pousse un juron, derrière. Je crois comprendre que son dos a heurté une barre de traverse du porte-bagage.


— Eh ! Joséphine ! Tu peux pas rouler un peu plus cool, non ! On n'est pas du bétail ! crie-t-il.


— Ça secoue derrière, complète Kézian, qui malgré tout semble s'amuser de la situation et accentue avec son corps les remous du véhicule.


De vrais gosses, je pense en souriant, puis me fige face au visage crispé de la conductrice. Joséphine ne fait fi de la requête des deux garçons, elle accélère même. Elle semble tellement pressée de nous déposer, de se débarrasser de nous. On dirait que sa vie est en jeu. Je ne peux m'empêcher de tenter une dernière fois de percer son mystère.


— Tu es sûre que ta maison est bien sécurisée et que Michael ne risque rien ! Tu l'as laissé tout seul, quand même.


J'ai envie de l'inquiéter pour qu'elle baisse sa garde et se dévoile davantage. Izoée fronce les sourcils et me regarde en coin, elle ne comprend pas à quoi je joue. Joséphine ne se laisse pas prendre à mon piège mesquin et se contente d'une réponse laconique.


— Il est en sécurité, je le sais.


— Tu es comme Zax, toi aussi tu lis la vie des gens ? demande à brûle-pourpoint mon idiote d'amie qui oublie toujours de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.


Elle se rend bien vite compte de l'énormité de sa révélation, car elle devient cramoisie dans la seconde. Elle me regarde, paniquée. Joséphine freine brutalement sans se préoccuper des garçons qui braillent en chœur. Elle soupire, son attention se pose sur Izoée qui sue et n'ose pas me regarder. Je l'entends même déglutir. À cet instant, je suis heureuse de la savoir mal à l'aise, elle m'agace cette tête de linotte. La vie est devenue un enfer et chacun doit être capable de se contrôler. Notre conductrice se racle la gorge, puis choisit de faire celle qui n'a rien entendu.


— Je vous laisse ici, descendez.


Sa voix claque, elle s'est fermée. Ses traits sont tirés, ses mains crispées sur le volant.

Zax, l'OmniscienteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant