Chapitre 16: Michael

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J'ai bien dormi, même si je me suis réveillé à plusieurs reprises, en sueur, la gorge irritée. À chaque fois, j'ai gobé un comprimé de pénicilline laissé sur ma table de chevet par Joséphine. J'espère que je n'ai pas dépassé les doses autorisées. De toute façon, je n'ai pas envie de m'en inquiéter, je n'ai rien vu d'alarmant concernant mon état de santé dans l'œil d'Izoée. Je me lève silencieusement, mes pas font craquer quelques lames de parquet. Un son typique des vieilles bâtisses. Je frissonne dans le couloir glacial et m'apprête à descendre dans la cuisine d'où s'échappe une odeur de café, quand j'aperçois la faïence d'une salle de bain par une porte entrebâillée. De la buée sur le miroir, des gouttelettes d'eau sur le lavabo et le socle de douche. Par quel miracle l'eau courante fonctionne-t-elle encore ici ? Je ne résiste pas. Je m'enferme avec délice dans la pièce fraîche, mais cosy. Mes pieds foulent un tapis moelleux tandis que je me débarrasse de mes vêtements pleins de sueur. La douche me fait un bien fou, la chaleur qui m'enveloppe libère une multitude de tensions lovées dans mon dos, mon cou, mes épaules. L'eau s'écoule et je m'évade.

Madagascar. Le rire de Martie à mes côtés, sous une cascade du Mandraka parc. La seule escapade organisée par l'orphelinat pendant que j'y séjournais. Je crois bien que c'est Gérard qui l'avait planifiée. L'eau fougueuse qui déverse sa vigueur glaciale sur ma tête et ruisselle sur mon corps d'enfant. Les éclaboussures, les cris, les jeux. La soirée au coin du feu et Gérard qui nous raconte la légende de la constellation du Centaure. Un de mes meilleurs souvenirs d'enfance, peut-être le plus fort de toute mon existence. J'ai longtemps rêvé de rencontrer Chiron pour qu'il me prenne sous son aile, me protège et m'apprenne à tirer à l'arc. Je donnerais cher pour revenir à cette époque où je trouvais la vie injuste, mais au cours de laquelle mes joies étaient pures et mon regard sur les autres, innocent.

— C'est toi, Zax ? C'est une douche en cycle fermé. Fais-toi plaisir. Je te laisse des habits propres et une serviette, crie la voix de Joséphine derrière le rideau blanc opaque qui cache mon corps.

Je sursaute et instinctivement croise mes bras sur ma poitrine. Mon cœur tambourine. Ce retour à la réalité est violent.

— Merci, je croasse sans éteindre l'eau.

Je patiente deux bonnes minutes pour être sûre qu'elle est sortie de la pièce avant d'arrêter les jets bienfaiteurs. Propre et vêtue de mes vêtements d'emprunt, un jean slim bleu délavé et une chemise blanche, je quitte la salle de bain.

Joséphine m'attend derrière la porte. Je perçois comme un guet-apens. Elle ne dit rien. Des éclats de voix joyeux résonnent en bas, c'est Izoée et Kézian. Le timbre d'Ethanaël se mêle à leur rire. J'interroge mon hôte du regard ou plutôt je tente une nouvelle fois de lire en elle. Peine perdue.

— C'est beau l'innocence, hein ? Ce moment où tout est possible... Qu'est-ce que tu en penses, Zax ?

Je n'aime pas l'intonation qu'elle prend, j'y décèle une ironie ou une sorte de menace voilée.

— Je... Mais qui es-tu ? je finis par demander complètement démunie face à son assurance.

Une fois encore je me trouve en position d'infériorité, je ne sais plus gérer ma vie quand j'ignore des parties de celle-ci. Je suis devenue dépendante de mes connaissances de l'avenir. Normalement tout m'est dicté. Je décrypte chaque personne et j'agis en conséquence de ce que j'ai lu en elle. Livrée à moi-même, j'ai l'impression de devoir réapprendre des codes de communication.

Joséphine ne quitte pas son petit sourire taquin. Elle penche à peine la tête et me fait un clin d'œil.

— Tu me connais, mais tu m'as oubliée. Ce n'est pas grave, ça me convient. On n'a jamais été très proches toutes les deux et puis on ne s'est pas croisées beaucoup de fois. Souvent trop tôt ou bien un peu tard. Bref, notre timing n'a pas toujours été des meilleurs.

Zax, l'OmniscienteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant