ÉPISODE 03 - 1/2
— Ça fait des heures que je poireaute, tu sais.
— Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ? grogna Jeremiah.
Faye refusa de se vexer pour cet accueil morne.
— Ç'aurait été contraire au principe fondamental de la surprise. Le jour où ton visage exprimera la joie que tu éprouves à me voir – et je sais qu'elle est là, quelque part, au fond de ce qui te sert de cœur – sera le premier jour de ta nouvelle vie, mon cher ami. Tu vivras enfin en harmonie avec tes sentiments.
— Pourquoi faut-il toujours que tu racontes des idioties ?
— Monsieur n'a pas son manteau ?
Jeremiah se tourna vers son majordome, sentant poindre la remontrance. Richter faisait ça : lui remonter les bretelles au sens propre comme au figuré. Son maître d'hôtel le verrait toujours à travers le filtre du jeunot maladroit de vingt ans, dont le père s'était débarrassé entre ses pattes et à qui il fallait apprendre tous les codes du gentleman.
— Je l'ai oublié au bureau, confessa-t-il, penaud. Mais j'avais mon écharpe.
— Si vous ressentez le besoin de vous justifier, et par là me « rassurer », c'est qu'une part de vous n'est pas à l'aise avec vos propres actes.
Le bougre austère finit de le débarrasser de ses effets. Peu enclin à essuyer un sermon, Jeremiah protesta :
— C'est mon anniversaire aujourd'hui ! Lâche-moi un peu la grappe.
Les sourcils arqués de Richter se passèrent de commentaire. Le ricanement de Faye lui valut les foudres du birthday boy.
— Pourquoi es-tu là ? N'étais-tu pas censé crapahuter à Shanghai ?
Jeremiah lui en voulait d'avoir menti et ainsi gâché sa soirée. Il aurait su que Faye rentrait à Narven, il se serait épargné les commérages des langues vipérines qui se disaient ses « amis ».
— Et moi qui me suis plié le cul en quatre pour débarquer avant minuit, soupira Faye. Mes efforts ne sont jamais récompensés à leur juste valeur. Fais au moins semblant d'être heureux de me voir !
— Je m'y emploie.
Confiant à Richter ses boutons de manchette, Jeremiah entreprit de se mettre à l'aise. Faye le suivit dans ses « quartiers ». On ne pouvait pas décemment appeler cela « chambre ». Mais Jeremiah avait acquis l'habitude de « vivre » dans sa chambre depuis son enfance. Aussi, tout le confort qui lui était nécessaire s'y trouvait. Il pouvait limite se passer du reste de sa villa. Il disparut dans son dressing.
— Tu n'as pas tout suspendu à cause de moi, j'espère !
— Si je te dis que c'est rien d'irrattrapable, ça te vexera.
— Ne joue pas l'imbécile.
— Honnêtement, ça me plairait que quelqu'un abandonne tout pour me retrouver, dit Faye, pensif. Je déplore que ce ne soit pas ton cas.
— Que dois-je déplorer, moi ?
Pieds-nus, vêtu d'un bas de survêtement Armani en laine blanche – le confort absolu –, Jeremiah revint dans la pièce au sol chauffé. Faye apprécia le tableau mais exprima son tourment :
— Arrière, tentation ! C'est sadique de m'exhiber ton corps de rêve alors qu'il m'est interdit d'y toucher.
Louchant dans sa direction, Jeremiah regretta de ne pas avoir un projectile à portée de main afin de le torpiller avec. Faye leva la bouteille de champagne qu'il tenait.
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RIDDLE GAME Vol. 1
Romance. En donnant suite à un appel de dernière minute sur une impulsion, Lawson Read, animateur du Read Talkshow, transgresse les règles de sa propre émission. Il n'aurait jamais parié que cet écart chamboulerait le quotidien de sa radio...