ÉPISODE 1
D'énervement, Jeremiah Mc Nelly frappa du plat de la main contre le tableau de bord de sa Camaro. Le son d'une guitare envahit l'habitacle et l'écran de la console le nargua d'un « MCS-Radio – Mad Babiz : GONE ». Si son geste rageur lui valut la découverte d'une nouvelle fréquence hertzienne, il n'en dirait pas autant du groupe de rock.
Jeremiah ne se définissait pas mélomane bien qu'il se croie mélophile. Pour lui, Mad Babiz appartenait à cette catégorie de musiciens populaires chez les jeunes qui confondaient bruit et musique. Le Metal, le Hard rock ? Valises dans lesquelles ranger ces décibels vous arrachant des grimaces ; de la violence en riffs sur laquelle on couchait des lyrics sibyllins et à peine articulés. La cacophonie devenue art. Par tolérance pour cette opinion subjective, Jeremiah ne disputait pas aux autres le droit de manquer de goût. Il renifla de dérision.
— Musique de jeunes... Je dois me faire vieux pour nourrir ce genre de pensées.
Son entourage soutenait l'avis contraire. « Tu es encore jeune, amuse-toi un peu, tu as la vie devant toi ! » La meilleure : « C'est de ton âge. » Celui qui le lui avait servi n'avait pas la fichue idée de son âge. Il fêtait ses quarante ans. Personne ne s'en était souvenu. Rien de nouveau...
Atteindre la barre de la quarantaine le déprimait. Cerise sur le gâteau, la note amère de sa fin de journée ravivait son mépris envers le jour de sa naissance. On lui rabâchait qu'il gâchait sa vie à courir le monde sans profiter de sa « jeunesse ». Certes, il devait sa vigueur à un physique entretenu. Là encore, le mérite revenait à la tyrannie de son coach sportif de majordome et non à la générosité de Dame nature.
Jeremiah doutait toujours de la sincérité de ceux qui le rajeunissaient. Conséquence d'une vie parmi les flatteurs, la caresse dans le sens du poil le laissait de marbre. Son cercle social reposait sur les faveurs accordées à son entourage, au gré de son humeur.
Ne blâme pas les autres quand toi-même, tu ne t'attribues pas ton âge dans ta tête.
Un esprit « jeune » dans un corps sain. Son dynamisme et sa façon de penser nourrissaient ses dehors fringants. Illusion renforcée par son allure et ses goûts vestimentaires au diapason de sa multinationale : Luxury Financial Companies©, LFC©, géant de la joaillerie, du cosmétique, de la mode de luxe, du prêt-à-porter, de la presse et de la grande distribution. Les uns le voyaient à travers ce filtre de « jeune C.E.O » sans chercher à le connaître, et les autres jugeaient chacune de ses décisions s'éloignant de son image. Personne ne se demandait si ce qu'il faisait le passionnait.
Il profitait à sa manière de sa vie, de sa prétendue foutue jeunesse ! Pourquoi pensait-on qu'il la gâchait ? Occuper le plus haut poste d'administration d'une holding brassant des milliards par an n'était pas synonyme de gâchis. Jeremiah avait une autre opinion sur la question.
Quand il avait été promu C.E.O, il y a neuf ans, le groupe LFC© tutoyait à peine le sommet. Aujourd'hui, après deux siècles d'existence, la holding devenait un empire en pleine expansion et vivait son âge d'or. Grâce à lui. Il n'y serait pas parvenu avec un mode de vie dissipé, à l'instar des privilégiés dilapidant leur fortune intarissable dans le jeu, le sexe et le luxe. Malgré tout, des imbéciles y trouvaient à redire !
Jeremiah soupira. Pourquoi tant de colère en lui ? L'avis d'autrui ne présidait pas sur son choix de vie et ses décisions dans quelque domaine. Il aurait simplement voulu agréer à son cercle social, il ne se serait pas hissé à un tel niveau. Il n'avait pas engrangé sa fortune en ménageant les opinions extérieures. Alors pourquoi les critiques dans son dos l'avaient tant agacé ?
À moins qu'il s'agisse de la désillusion de découvrir la médisance de ses « amis » en son absence... Or personne n'était épargné des mauvaises langues de son entourage ; il n'était pas naïf au point de se croire l'exception. Ou alors, sa colère reposait sur le fait de réaliser que ses « amis » n'en étaient point. Il n'aurait pas dû être autant surpris.
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RIDDLE GAME Vol. 1
Romansa. En donnant suite à un appel de dernière minute sur une impulsion, Lawson Read, animateur du Read Talkshow, transgresse les règles de sa propre émission. Il n'aurait jamais parié que cet écart chamboulerait le quotidien de sa radio...