⏯️EP 18

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ÉPISODE 18

Dans la salle, une seule strip box constituait l'attraction principale. Aucun autre tube lumineux ne contenait de danseur. Law annexa l'un des tabourets vacants au bar et demanda à son voisin :

— C'est qui dedans ?

— Red Kellin. Ce type est incroyable !

Avant de reporter son attention sur le grand cylindre, Law se surprit à reluquer l'homme au look « geek is the new sexy ». Il apprécia le gilet en laine cropped sans manche porté sur une chemise longue, un pantalon à pinces près du corps et des baskets de ville. Pendant ce temps, ça s'excitait autour du showman.

La danse sensuelle de Red Kellin trahissait un talent nourri. Il était fort possible que la rockstar ait appris l'art de l'effeuillage. Étonnant que les médias n'en aient jamais parlé. Après ce soir, les réseaux sociaux s'échaufferaient autour du sujet. La gestuelle du chanteur empruntait aux influences orientales, grâce à des mouvements serpentins du ventre et du bassin, auxquelles se greffait une liberté créative. Red mariait des attitudes de burlesque, avec ses roulés d'épaules, à des notions de pole-dance, voguing et hip-hop sexy. Jamais se déchausser ne parut aussi captivant.

Bon public, Law siffla. Après s'être débarrassée de son haut de manière grandiloquente, Red exhiba un baume à lèvres et passa un film sur sa bouche, aguicheur. Il jouait avec la lumière de façon artistique, exploitant son profil et son déhanché pour donner de jolis arrêts sur image. Dans ces moments statiques, son port gracieux rendait la position aérienne. Puis l'enchainement des pas suivants et la fluidité des transitions donnait au tableau un cachet professionnel. Les clubbers en auraient eu pour leur argent s'ils avaient payé une place pour le show.

Red prenait plaisir à amuser la galerie. On le sentirait presque libéré dans cette boite. Il dégaina un boa à plumes et une casquette officier, sans doute fournis par le club. La révélation de ces accessoires déclencha une nouvelle vague de sifflets. Chaque développé de jambe vit sa souplesse ovationnée. C'était une prouesse de mouvoir son corps dans cet espace restreint sans donner l'impression d'être entravé.

Red avait un parfait contrôle de son anatomie. S'il le désirait, sa simple stature debout suffirait à charmer l'audience. Après avoir joué avec ses accessoires durant le pont musical, pieds fermes au sol, mains à plat sur les cuisses, il s'adonna à une chorégraphie capillaire indécente sous les sifflements grivois.

Shelly, adossée au bar à la gauche de Law, battit des mains, extatique.

— Il déchire, sa maman ! Sa « hairography » rendrait jalouse une drag-queen aguerrie ! Mate-moi ce déhanché ! envia-t-elle.

Law ne put qu'approuver.

— T'arriverais à faire ce qu'il fait ?

La question, criée par-dessus l'agitation de la salle, attira son attention sur la conversation de son voisin de droite désormais rejoint par sa copine. Dépité, Law essaya de ne pas déprimer. Encore un mec à son goût et indisponible ! Un bras passé autour des hanches de son homme, la petite amie reposa la tête contre sa poitrine. Law fut tenté de s'assurer qu'elle était bien adulte, tant elle paraissait menue entre les bras de son partenaire, malgré les semelles hautes de ses ballerines Rocking Horse.

Lorsqu'elle parla par-dessus la musique, sa voix plutôt masculine poussa Law à vérifier qu'il n'avait pas la berlue, au risque de se montrer inconvenant. Grosse méprise. Ce n'était pas un secret, le look lolita à froufrous seyait bien à Ran. En revanche, première nouvelle : le bassiste du groupe Naytray n'était plus célibataire !

Non que Law soit au fait de la vie intime des célébrités, mais, avec son job, il brassait assez d'informations du milieu du rock et à sa connaissance, aucun tabloïd n'avait parlé du couple de Ran Sôma. Or le bras possessif ceignant la taille de la rockstar contredisait un statut de célibat. Venait-il tout juste d'expirer ? Partenaire récent, d'un soir ?

RIDDLE GAME Vol. 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant