RIDDLE GAME Vol. 1

⏯️EP 03 - 2/2

ÉPISODE 03 - 2/2

— Les cœurs que tu brises, toi, on en parle ?

— Mes aventures n'impliquent pas le cœur, dédaigna Jeremiah. Celles avec qui je suis sorti n'en avaient qu'après mon corps, mon compte bancaire ou les deux. Pas après mon cœur.

Cela lui convenait. Tant que ce critère n'était pas spécifié avec sa partenaire, il ne la mettait jamais dans son lit. Faye lui servit son scepticisme. Jeremiah haussa un sourcil signifiant qu'il n'y avait pas matière à débat.

— Tu comptes donner ce cœur un jour ? osa Faye, circonspect.

— Il est mien. Je suis né avec. Pourquoi le donnerais-je ? En tout cas pas de mon vivant. Je ne le cèderai qu'au moment de faire usage de ma carte de donneur d'organes.

— Tu m'as compris ! râla son ami.

Jeremiah pouffa, puis reprit son sérieux.

— Pas plus que toi.

— C'est différent. Tu ne peux pas comparer ton cas au mien. Ce qu'il me reste de cœur est trop abîmé pour aimer, mais au moins je cherche à qui le confier.

Jeremiah se rembrunit. Le confier à nouveau, alors qu'un autre en a fait des confettis que tu as du mal à recoller ? Ce romantisme absurde chez son ami expliquait que six ans plus tard, il n'avait pas encore fini de rafistoler les pans de son cœur déchiré. Preuve en était ce tempérament paradoxal de playboy aguerri.

Sans jamais l'avoir rencontré, Jeremiah haïssait le connard qui avait un jour tenu le cœur de Faye entre ses mains. Son ami parlait peu de cet ex. Jeremiah savait simplement qu'il s'agissait d'un homme et pressentait qu'il n'avait pas été le méchant de l'histoire. C'était le pire des cas : blâmer le gentil par amitié et loyauté envers le bad guy.

Quoi qu'aient été les torts de Faye, la fin de cette relation l'avait brisé, probablement de manière irrémédiable. Aimer exigeait un cœur bien arrimé. Mais continuer d'aimer après avoir été défait requérait une force plus grande. Le cœur de son ami n'en avait sans doute plus à disposition... Jeremiah n'aimait pas le savoir dans cet état.

— Tu cherches à qui le confier, répéta-t-il, méditatif. En courant les jupons et en mettant la main aux culs moulés dans du slim qui passent à ta portée ?

— C'est une démarche comme une autre, opposa Faye avec aplomb. Elle a ses avantages, ajouta-t-il, le sourire grivois, comme Jeremiah roulait des yeux. Il est clair que l'autre n'était pas la bonne personne pour moi. Mais toi, tu ne feins même pas de t'y intéresser.

Jeremiah retint une moue. Si Faye voulait être crédible en disant que cet homme n'avait pas été le bon, qu'il y mette plus de conviction !

— Là n'est point mon centre d'intérêt.

— Quand cela le deviendra-t-il ?

— Pourquoi... (Jeremiah marqua une pause, soudain suspicieux.) Serais-tu en train d'essayer de me « caser » parce que j'ai atteint un « certain » âge ? demanda-t-il en mimant les guillemets, la mine sombre. Donne-moi une raison de ne pas me vexer.

Faye grimaça. Jeremiah pouvait vraiment mal le prendre. Il devait soigner sa réponse. Ce type se vexait difficilement mais se vexait très mal.

— Ce n'est pas ça. Je suis juste... curieux.

— Curieux ?

— Oui.

— De quoi ?

— De voir à quoi tu ressembles quand tu es amoureux. Ça n'est jamais arrivé depuis que je te connais. Je parie que ça doit être intéressant à observer.