Septième Roue

MARK

«Namjoon, j'ai vraiment mal à la tête, est-ce qu'on peut en reparler plus tard?»

Je mordillais nerveusement son pouce, me sentant légèrement stupide d'écouter la conversation à travers la porte. Cependant, je ne pouvais m'en empêcher. Je m'en voulais d'avoir laissé la soirée déraper ainsi. Nous avions pris d'énormes risques en se promenant dans toute la ville, main dans la main, les yeux dans les yeux. J'essayai d'estimer les dégâts et de prédire si une engueulade pareille se profilait à l'horizon rendu chez moi. Bien qu'une discussion était sans équivoque, je me doutais que la compagnie ne poserait pas d'actions sévères, car j'avais terminé mon contrat depuis quelques semaines. Mes amis auront bien des questions, par contre.

«Hyung, tu diras ça aux managers qui m'ont appelé à 7 heures du matin pour me demander des explications»

«Je sais pas quoi te dire, Joon... On peut juste leur dire qu'on sortait en amis, c'est tout!»

Un soupir retentit.

«Yoongi», dit Namjoon, me faisant grincer les dents par le manque de nom honorifique qui devait suivre. « Il n'y pas de photos incriminantes à proprement parler mais... On vous a vu tous les deux dans un restaurant, puis dans un bar, toujours juste en duo. Quelques sites peu crédibles ont déjà publié des articles qui soulèvent des soupçons. Heureusement, Bighit a pu intervenir avant que la rumeur s'étende à l'international. Imagine si Dispatch posait ses mains sur ces photos...»

Le silence s'étendit avant que la voix épuisée du leader retentisse à nouveau

«Tu n'as pas le droit de sortir avec quelqu'un hors de la compagnie, Yoongi, tu devrais faire encore plus attention, et la seule chose que tu as trouvé à faire, c'est ça?»

Les deux amis s'éloignèrent après que Yoongi ait grommelé le besoin d'avaler du café, et pourtant, je ne bougeai pas, toujours figé sur le bord du lit. La literie avait encore l'odeur de Yoongi, étaient toujours gorgés de sa chaleur réconfortante. Il y avait à peine une vingtaine de minutes, mon amoureux était là, entre les draps, avec un sourire chaleureux. Il semblait s'être écoulé beaucoup plus de temps depuis que Yoongi s'était levé pour discuter avec Namjoon. Je tremblais. J'avais peur que ces vingt petites minutes soient tout ce qu'il fallait pour que mon monde s'écroule.

La vérité, c'était que je regrettais la fin abrupte de notre soirée et notre désastreux réveil. Je réalisai avec choc que je n'avais pas de remords pour être sorti en ville avec Yoongi, à la vue de tous. J'avais fait la même chose multiples fois avec mes amis, sans réellement subir de conséquences, donc pourquoi ne pouvais-je pas faire la même chose avec mon amoureux? Pour rien au monde je n'échangerais les images de Yoongi qui souriait au-dessus de son repas, Yoongi qui m'entrainait dans son appartement à toute vitesse, Yoongi qui dansait avec abandon tandis que les lumières se reflétaient sur sa peau.

Yoongi qui m'embrassait doucement dans la ruelle entre deux bars.

D'une part, je n'étais pas vraiment surpris. Depuis des semaines, je rêvais de pouvoir vivre librement avec Yoongi, comme un homme normal avec son compagnon. Mon rêve s'était réalisé pendant quelques heures, bien que ce soit une illusion. Je n'avais aucun regret d'avoir goûté à la liberté avec Yoongi à mes côtés, surtout que je savais que ce dernier en avait tout autant profité. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où j'avais été aussi léger, aussi heureux, aussi amoureux. Je n'avais pas de remords.

J'avais toutefois peur des conséquences de cette sortie.

La société pouvait être cruelle, tout autant leurs managers que les gens ordinaires. J'avais peur de voir Yoongi me quitter, ou encore pire, le voir être triste à cause de moi. Frustré, je mordis ma lèvre inférieure. Pourquoi le monde ne pouvait-il pas nous laisser s'aimer en paix?

Je fus sorti de mes pensées quand la porte s'ouvrit doucement.

Yoongi semblait avoir pris dix ans en l'espace de trente minutes. Ses yeux étaient fatigués et embués d'anxiété. Il ne croisa pas mon regard en s'appuyant contre la porte fermée, préférant jouer avec la bague autour de son index. Celle que je lui avais donnée avant de partir en tournée.

«Dans combien de centimètres de merde sommes-nous?» demandai-je, surpris par le grain triste de ma voix.

Yoongi eut un rire sans joie.

«On pourrait le mesurer en mètres, à la place, Mark», répondit-il, les mots gorgés de déprime.

Mon coeur se serra. Incapable de laisser mon amoureux souffir loin de moi, j'ouvris tentativement les bras, le regard suppliant. Yoongi m'observa pendant un instant, avant de laisser tomber un son qui ressemblait suspicieusement à un pleur étouffé. Il s'avança sans hésitation pour se blottir contre mon torse. Je soupirai tranquillement. Tant que Yoongi acceptait de se réfugier entre mes bras, il y aurait une solution.

«On doit parler à mes agents, murmura Yoongi, la voix rauque. «Je ne sais pas ce qu'ils préparent, mais j'ai peur. J'ai tellement peur, Mark, je m'en veux tellement... Je ne veux pas sacrifier tout ce qu'on a construit à cause d'une simple soirée stupide»

Je pinçai les lèvres.

«Ce n'était pas une stupide soirée, et tu le sais, chéri», dis-je contre ses cheveux. «J'ai peur aussi, et ça va sonner terrible, mais tant que tu veuilles de moi comme je veux de toi, nous nous en sortirons»

Je déposai un baiser sur le sommet de son crâne tandis que Yoongi répondit avec un reniflement. J'hésitai quelques secondes. Je ne voulais pas ruiner l'équilibre fragile qui maintenait notre univers en place, mais je savais que si je ne le faisais pas, quelqu'un d'autre viendrait le faire, et cela lui causerait encore plus de douleur. Je devais avouer à Yoongi l'image qui se peignait à chaque soir derrière mes paupières.

Je déglutis avec difficulté.

«Mon amour, j'ai une proposition à te faire, si tu veux bien m'écouter...»

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Bien évidemment, j'attrape la COVID comme je promets des chapitres!