Je n’allais jamais me réchauffer.
Cela faisait des jours que j’étais caché sous mes draps, et pourtant, j'étais glacé jusque dans mes artères. J’avais même ajouté les vieilles couettes en laine qui nous servaient quand l’électricité tombait régulièrement en panne. J’avais voulu enfiler mon chandail préféré avant de me rendre compte qu’il appartenait à Mark.
Un nouveau frisson me traversa.
Je n’arrivai plus à réfléchir, malmené par des marées émotionnelles. Pendant quelques heures, j’étais anesthésié, repassant la suite des événements dans ma tête comme si je regardais un film particulièrement triste. Puis venait la tristesse sans nom, la colère, le déni.
Chaque inspiration m’était difficile et le moindre mouvement était impensable. Je ne sortais plus de ma chambre, sauf pour de petits et douloureux voyages aux toilettes. Mes amis étaient inquiets, je le savais, mais je ne savais pas quoi leur répondre. J'étais tétanisé. Toute la situation avait complètement dérapé, s’était effondrée si rapidement, que je ne savais plus quoi faire. Mon seul mode de survie était l’apathie.Je suivais les nouvelles: Mark annonçait que son départ pour les États-Unis était devancé. Sans même regarder l’horloge, je savais qu’il restait quelques heures avant qu’il parte à jamais. Une nouvelle larme coula sur ma joue. Il ne resterait plus rien de l’histoire magique entre nous.
J’étais impuissant face au conflit sans fin qui prenait place dans mon corps. D’une part, je mourrais d’envie de l’appeler, de crier, de faire n’importe quoi pour lui parler une dernière fois. Pour lui dire la naissance de mes peurs, pour lui confier que je rêve d’un avenir tout aussi beau, pour lui admettre mon amour. Qu’il n’accepte ou pas mes excuses n’importait pas, je voulais seulement lui montrer mon âme véritable, exactement comme il l’avait fait il y avait plusieurs jours. Je voulais tout lui avouer.
Malheureusement, dès que l’idée me traversait l’esprit, ma gorge se serrait, ma respiration s’accélérait et la sensation de froid s’empirait. Les vieilles insécurités et blessures apparaissaient à nouveau. La voix insistait que la souffrance attendrait, que rien ne fonctionnerait et qu’un jour, inévitablement, Mark se réveillerait et réaliserait que tous ses sacrifices n'auraient servi à rien. Un futur avec moi ne valait pas la chandelle, je le savais.
La porte s’ouvrit doucement, laissant entrevoir une silhouette familière.
«Allo, Taehyung-ah», murmurai-je en ne détournant pas le regard du chandail de Mark étalé devant moi.
Je ne le méritais pas.
J’étais un lâche, un hypocrite qui voulait les émotions de mes proches sans jamais dévoiler les miennes. Sans m’en rendre compte, les protections que j’avais construites autour de mon cœur étaient devenues ma prison. Mon esprit était rempli de contradictions, de vas-et-vient vicieux, de rafales destructrices. Autant dangereuses pour moi que pour mon entourage. Lors des bons moments, je me sentais invincible, capable de braver n’importe quoi. Je roulais, courais, hurlais, profitant de ce sentiment sans me rendre compte que j'usais de tout ce que j’avais. Et puis je tombais, loin, loin, pour atterrir dans les bras de mes démons. Ils faisaient miroiter mes actions sous une lumière lugubre pour que je me déteste, pour que je haïsse le fait de savourer ma liberté. Dans le but d’empêcher ce cycle, j’avais simplement arrêté de faire des choses excentriques, par peur de la chute inévitable. Tout dans ma vie était préparé, justifié, logique.
Puis, Mark était arrivé.
Il m’avait sorti momentanément de cette routine, magnifique et complètement… unique. Il possédait une lumière que personne ne pouvait comprendre, et je ne pouvais le suivre. Je trainais dans mes poches de lourds souvenirs et cicatrices. Je ne ferai que l'entraîner dans mes chutes sombres, ce que je voulais éviter à tout prix. J’étais trop blessé pour rester auprès de lui.
Car après tout, nous étions une addition étrange mais attachante, comme la septième roue d’un carrosse. Une roue qui ne sert à rien. Qui n’a aucun but.
«Je suis désolé de te déranger, je voulais te dire que j’ai t’ai laissé une soupe sur le comptoir», chuchota Taehyung, toujours derrière la porte.
Je clignai des yeux mais ne répondis rien, attendant le reste de sa phrase. Je voulais qu’il m’aide. Non, non, c’était mon propre combat, je devais me débrouiller seul. La tornade entre mes deux oreilles commençait à me donner un mal de tête lancinant.
« Sache que nous sommes tous là pour toi. Nous t’aimons tous. Même Mark», dit Taehyung avec un petit sourire avant de s’éclipser.
Il avait raison. Retrouver Mark serait sublime, délicieux, audacieux. Seulement, je n’y arriverais jamais, ce bref instant de bonheur ne serait jamais assez pour compenser les désavantages.
Un soupir de frustration m’échappa. Les différentes options qui s’offraient à moi se livraient une bataille à mort dans mon cerveau, sans que le vainqueur se démarque. L’éclair de détermination soudaine ne vint jamais. Le brouillard resta autour de moi, aussi insistant que les noirceurs aux creux de mon âme. Je fermai les yeux, m’attardant à chaque voix dans mon esprit dans l’espoir de tomber sur la bonne. Je pensais à toutes ces histoires parfaites où le protagoniste avait un éclair de génie et de calme. Cependant, la cacophonie derrière mon front ne fit que grandir, s’amplifier, se multiplier. Les mêmes reproches hurlaient toujours dans ma tête. Frustré, je me mis brusquement sur mes deux jambes. Je n’en pouvais plus de me faire malmener par mes pensées. Mon obsession pour le contrôle m’avait simplement donné encore plus d’anxiété. Le ras-le-bol général envers moi-même se traduisit en une décision prise sur un coup de tête, loin des explications posées que je pensais posséder.
Les clés dans mes mains étaient aussi bruyantes que ma détermination colérique à retrouver ma chaleur.

VOUS LISEZ
Septième Roue
FanficYoongi est entouré de couples. Mark aussi. Yoongi sombre misérablement dans une vie solitaire. Mark aussi. Quand deux âmes perdues se rencontrent à l'insu de tous, et qu'un amour naît contre toutes attentes, qu'est ce que le destin aura en stock? ~...