Je n'entendais plus rien par-dessus le battement dans mes tempes
«Tu veux qu'on annonce publiquement notre couple?»
Soudainement, ses bras furent trop serrés autour de mon thorax. Je me défis de son embrassade, ignorant la lueur blessée qui passa dans son regard. Je reculai jusqu'à ce que mon dos touche la tête de lit.
«On serait enfin libre, Yoongi. Je ne suis plus avec mon agence, et j'ai des plans pour faire une carrière solo-»
«Ce n'est pas parce que tu es libre que je le suis, Mark», murmurai-je, apeuré par la tournure que prenait notre conversation. «Je n'ai pas le choix, pas ceux que tu as»
Mark fronça les sourcils. La température de la pièce semblait avoir chuté de plusieurs degrés, mais je sentis de la sueur commencer à se former dans mon dos.
«Tu ne te donnes pas le choix, c'est la différence. Prend le temps d'y songer, Yoongi. Je ne suis pas plus libre que toi, je suis aussi coréen que tu l'es»
Je léchai nerveusement mes lèvres. L'espace qui nous séparait semblait s'allonger de plusieurs kilomètres à chaque seconde qui passait.
«Je ne peux pas, Mark», murmurai-je.
Incapable de supporter la vulnérabilité dans ma voix, je repliai mes jambes et enroulai mes bras autour de mes genoux. Il détourna le regard, mordillant sa lèvre inférieure. Je le regardais soupirer, prendre sa tête entre ses mains, jouer avec une manche de son chandail. Le silence dura si longtemps, je n'osais pas le déranger. Je ne savais même pas si je respirais. Peut-être que si je me le répétais assez, tout cela était seulement un mauvais rêve.
«C'est une question de vouloir, non de pouvoir, et tu le sais», finit-il par dire, les mots lourds. «De quoi as-tu peur, Yoongi?»
J'eu un petit rire sans joie.
«Les scandales sont toujours énormes dès qu'un idol hétéro annonce sa relation, alors je n'ose même pas imaginer-»
«Je sais, Yoongi!», s'exclama Mark, me coupant brusquement la parole. «Je suis terrifié aussi, mais je commence à suffoquer. Je ne suis plus capable de regarder le monde extérieur à travers les fenêtres comme si j'étais en prison. Sais-tu à quel autre moment je me sentais comme cela?»
Ses grands yeux insistants se tournèrent vers les miens, mais je me détournai. Je ne voulais pas qu'il voit les blessures à peine cicatrisées dans mes prunelles, comment les critiques désapprobatrices m'ont affectées dans ma jeunesse. Pour la première fois, je ne voulais pas qu'il apprenne ce que je pensais. Il se rapprocha de moi.
«Juste avant de te rencontrer, dans ce parc. Et quand je me suis rendu compte que je tombais amoureux de toi, j'étais tout aussi terrifié», dit-il d'une douce voix. Il effleura mes doigts avec les siens. «Regarde-nous, on a réussi à créer quelque chose de magnifique malgré tout. Peut-être que ce sera la même chose»
Je fis l'erreur de voir l'espoir dans ses yeux. Je voyais ce qu'il voyait. Les voyages en amoureux, les balades en ville, ou simplement, vivre chez moi en me disant que Mark était mon petit ami sans sentir automatiquement l'angoisse oppressante. C'était idyllique. Sortir dans des bars comme hier, libres et insouciants. Et pourquoi pas, après, notre courage montrera à nos amis une voie à suivre, et nous serons tous heureux, autour d'un repas dans une restaurant.
J'y croyais presque.
Mais c'était impossible. La société dans laquelle nous vivions ne nous lâcherait jamais. Les journalistes vautours, les paparazzis avides, les fans enragés. En Corée, les valeurs étaient si traditionnelles et vieilles... Peu importe la quantité d'amour, nous ne pouvions résister à la vague de haine qui déferlerait sur nous. Il y avait une infime possibilité que nous nous en sortions vivants, mais à quel prix? J'avais enfin un statut stable, sans avoir besoin de prouver au monde entier ma valeur. Je n'avais plus à construire un mur mental chaque fois que je sortais pour affronter les rapaces médiatiques. La proposition de Mark, sans doutes, me ramènerait au stade des larmes nocturnes en me demandant si mes efforts en valaient la chandelle.
Juste imaginer Mark mettre à la poubelle tous ses efforts pour moi me rendait malade. Je ne le méritais pas. Je savais qu'il avait travaillé plus fort que moi, s'acharnant sur une langue et une culture étrangère dans le but de poursuivre ses rêves. Jamais je ne le laisserai ruiner tout cela pour une seule personne. Le sacrifice de toute une vie... Une petite voix me chuchotait que je ne valais tout simplement pas cet acte courageux, et je l'écoutai.
Je retirai mes doigts. Il valait mieux tuer l'idée dans l'œuf.
«Ça ne fonctionnera pas», dis-je sèchement, ma voix tranchante. « Nous ne vivons pas aux États-Unis, et en plus, notre emploi ne nous le permets pas. Tu es aveuglé par l'amour, tu ne mesures pas réalistement le sacrifice que tu devrais faire pour moi. C'est inutile. Je ne vaux pas assez»
Marl reculait brusquement, comme si je l'avais giflé. Il cligna rapidement des yeux avant de se lever. Je mourrais d'envie de le rassurer, de lui dire que tout irait bien, mais j'étais tellement effrayé et dépassé par la situation que je ne fis rien. Mes doigts se crispèrent autour des draps.
«Je ne comprends pas, Yoongi, tu ne m'aimes pas assez pour t'annoncer avec moi au monde, c'est ça?»
Le ton accusateur dans sa voix fut la goutte qui fit déborder le vase. Tous les sentiments que je gardais enfouis, ma peur, mon anxiété, ma colère, explosèrent d'un coup. J'étais si offusqué par l'idée même qu'il pense cela. Pourquoi ne voyait-il pas que je prenais cette décision pour nous sauver d'énormes souffrances?
«Bien sûr que je t'aime!» m'exclamai-je sans doute trop fort, les yeux soudainement mouillés. «Je t'aime plus que tout, Mark. Tu le sais»
Mon amoureux, si je pouvais toujours l'appeler ainsi, se retourna vers moi, les yeux rouges.
«Alors où est le problème?», cria-t-il.
«Parce que ça nous détruirait, Mark! J'ai vécu comme un mouton noir tellement longtemps, j'en souffre encore», dis-je. «Les médias sont sans pitié. Tout s'effondrerait, nos carrière, nos exploits, notre crédibilité, tout. On se souviendra de nous comme ceux qui ont créé le plus gros scandale de Corée. Tout est difficile, ici. Ça nous détruirait, point final»
Mark me donna le regard le plus froid et enragé que j'avais vu.
«Peut-être, mais ne rien faire nous détruirait bien avant», répondit-il d'une voix plus basse, lassée et triste. «Je n'aurais aucun problème à être reconnu pour un scandale, parce que je défends ce que je suis et ceux que j'aime. Tu veux vivre en imposteur, Yoongi? Très bien. Ça sera sans moi, bonne chance»
Avant que j'ai pu totalement comprendre les mots glaciaux qui sortaient de sa bouche, il était déjà parti. Je me levai brusquement du lit, seulement pour m'arrêter devant le miroir. Dire que la bouche qui venait de briser mon cœur avait laissé de si belles marques dans mon cou la nuit dernière.
Je m'effondrai au sol lentement, doucement, sans bruit, comme une feuille morte qui touchait le sol.
/////
plus que trois chapitres :)
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Septième Roue
FanficYoongi est entouré de couples. Mark aussi. Yoongi sombre misérablement dans une vie solitaire. Mark aussi. Quand deux âmes perdues se rencontrent à l'insu de tous, et qu'un amour naît contre toutes attentes, qu'est ce que le destin aura en stock? ~...