Chapitre 10

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Les prisons étaient l'endroit où Iseult détestait le plus aller. Les supplications des détenus ainsi que l'odeur et la misère qui y régnaient lui donnaient la nausée. Ils étaient dans une bourgade à quelques lieues de Riftha, Beorn leur avait confié la mission de juger les prisonniers selon leurs crimes. En tant que chasseurs ils étaient parmi les plus hauts gradés de l'armée, leur rôle aurait pu n'être que de chasser les créatures, mais ils avaient d'autres prérogatives et les jugements pouvaient en faire partie. Le village où ils avaient échoué était à la bordure du territoire des vampires, le bourgmestre leur avait expliqué que les prisons étaient pleines et qu'il ne pouvait pas prendre l'initiative de leur libération ou leur exécution sans l'intervention d'un supérieur hiérarchique. La veille, elle avait donc feuilleté tous les dossiers des prisonniers tandis que Morgan nettoyait leurs armes. Depuis sa demande en mariage, elle avait craint qu'il ne change de comportement. Or cela n'avait pas été le cas. Il était plus enjoué qu'à l'accoutumée, mais leur relation était la même, ce qui la soulageait.

Le garde les conduisit dans une petite pièce où ils pourraient rencontrer les prisonniers et les interroger. Iseult rajusta sa queue de cheval, et déposa son épieu près de son siège. L'endroit empestait le tabac à pipe ainsi que l'humidité. Il faisait un froid de canard et elle dut faire un effort pour ne pas claquer des dents. Le temps commençait à se rafraîchir et dans deux mois tout au plus certaines campagnes seraient recouvertes de neige. Iseult ne dépréciait pas l'hiver, néanmoins cela était bien moins agréable lorsqu'ils partaient à la chasse. Elle s'encouragea pour rester digne, le garde les avait laissés seuls, ils s'assirent sur deux chaises bancales qui faisaient face à une autre. Morgan se pencha et lui embrassa la tempe.

– Promis, je te réchaufferais ce soir, susurra-t-il à son oreille.

– C'est gentil de te proposer pour faire le feu, s'amusa Iseult avec un sourire narquois.

– Je ne peux pas laisser ma fiancée mourir de froid, continua Morgan sur le même ton.

Il avait déposé sa main sur la cuisse de la jeune femme, repoussant le pan de sa cape. Il la remonta et elle serra les jambes en lui faisant les gros yeux.

– Morgan ! rouspéta-t-elle tandis qu'il éclatait de rire.

– Tu gardes la pudeur des prêtresses d'Hëlia, ricana son partenaire.

– Nous verrons ça ce soir, fit-elle en repoussant sa main.

– Est-ce une promesse ?

– C'est une évidence.

Un instant, ils se contemplèrent, puis la porte s'ouvrit et leurs sourires disparurent. Iseult avait disposé le registre devant eux afin qu'il puisse y revenir pour leur interrogatoire. Le garde fit s'asseoir leur premier prisonnier, ses chaines furent accrochées à deux anneaux scellés au sol. Ses cheveux pendaient sur son visage émacié, la jeune femme croisa le regard vide de l'homme. De ce qu'elle avait lu, il avait passé deux années enfermé dans l'attente de son jugement. Le village ne s'était pas pressé pour faire appel aux mages. Iseult ravala le sentiment d'empathie qui l'étreignait et se força à garder un visage neutre.

– Vous avez volé et menacé un commerçant, commença Morgan, vous avez dit que vous vouliez nourrir votre famille. Est-ce bien cela ?

Le prisonnier renifla, ses épaules se redressèrent, il tenta de se composer un nouveau visage plus assuré.

– Qu'est-ce que ça peut faire maintenant ? demanda l'homme dans un souffle. Je n'ai plus rien.

– Nous pouvons décider de vous libérer, expliqua Iseult. Vous pourrez ainsi retrouver votre famille.

L'Opale NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant