• Chapitre 14 • PC

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Gabriella

Il est huit heures du matin lorsque mon cellulaire sonne à vive allure, c'est quoi ce bordel ? À moitié endormie, je me penche vers la table de chevet et tâtonne plusieurs fois avant d'attraper mon téléphone portable.
— Ouais ? Fais-je d'une voix rauque et harassée.
— Gab, c'est moi Gloria...sanglote-t-elle, il faut que je te vois maintenant, c'est urgent.
— Gloria ? Qu'est-ce...
— S'il te plaît, dépêche-toi.
Tel un pompier entendant une sirène rougeoyante, je saute de mon lit et enfile mon short de sport, l'œil fatigué.
— Qu'est-ce qu'il se passe Gloria ? Je demande, passant ensuite les bras dans mon sweat-shirt.
— C'est Lucia...quand tu as quitté le cabaret tout à l'heure, des hommes s'en sont pris à nous. (Sa voix se fracture.) Ils l'ont emmenée avec eux, je n'ai rien pu faire Gabriella...
Elle éclate en sanglots et je sens mon coeur se serrer sous l'impact de la nouvelle. Lucia et Gloria se sont faites agressées ? Dios mío.
— Pourquoi m'appeler seulement maintenant ? Ça doit bien faire trois heures que j'ai quitté le cabaret ! Tonné-je.
— Je sais pas, j'étais sous le choc avec ce qu'il s'est passé. Quand je suis rentrée chez-moi, je me suis écroulée de fatigue, je suis tellement désolée...
— Ce n'est rien calme-toi, je viens chez toi. N'ouvre à personne, je suis là dans une minute.
— D'accord, renifle-t-elle.
Je raccroche et fourre mon téléphone dans la poche de mon short en coton. Une fois mes clefs de voiture en main, je traverse le couloir en attachant ma tignasse en une queue de cheval. Soudain, la porte de la cuisine s'ouvre et Nonna se poste sous mon nez, les bras croisés.
— Où est-ce que tu vas, jovencita ?
— Gloria s'est faite agressée, Nonna. Elle a besoin de moi, je reviens vite.
Ses yeux tirés de fatigue s'écarquillent et elle accourt pour m'ouvrir la porte d'entrée.
— Mon Dieu, fais attention à toi Gabriella.
Je quitte la maison, empressée et saute dans mon cabriolet sans prendre le temps de vérifier les rétroviseurs. Quelqu'un a enlevé Lucia ? Pourquoi ? Comment et putain qui ?
Tout à coup, les hommes installés aux tables privées me reviennent en tête. Bien sûr qu'il s'agit de ces types ! Coupable de n'avoir rien suspecté lorsque l'homme s'est cogné contre mon épaule, j'échappe un râlement guttural. Ce salaud se dirigeait droit vers les coulisses et je n'ai rien fait à part prendre mes jambes à mon cou en m'excusant ! ¡Qué zorra!
Joder ! Vociféré-je, frappant le volant de mon cabriolet à coup de poing.
J'enclenche la sixième et fonce sur les routes désertes de Mexico. Dans ce quartier, les gens sortent peu à huit heures du mat'. Dès que j'aperçois la façade usée de son immeuble, je me gare sur le parking et sors en trombe de la voiture, clefs en main. Mon coeur bat si vite dans ma poitrine lorsque je grimpe les escaliers quatre par quatre. Arrivée au cinquième étage, je toque plusieurs fois contre le battant et dis à voix haute :
— Gloria, c'est moi !
La porte s'ouvre et son corps s'écrase contre le mien. Gloria me sert contre elle et pleure à chaudes larmes, je frotte son dos avec tendresse et pince les lèvres pour éviter de me laisser aller à mon tour. C'est pas le moment de craquer !
— Dis-moi ce qu'il s'est passé, Gloria. m'enquiers-je, prenant ses joues entre mes paumes et plongeant mon regard dans ses yeux embués de larmes.
— Environ...dix minutes après que tu sois partie, trois hommes sont entrés dans la salle. Lucia a pris ma défense et j'en sais rien, je crois que ça ne leur a pas plu. (Elle bafouille et j'ai du mal à la comprendre.) Le vieux avec la cicatrice sur la joue, il a parlé d'un contrat comme quoi Lucia devait travailler pour lui.
Un contrat pour un job ?
— Après...inspire-t-elle, ils l'ont pris avec eux et l'ont emmenée à l'extérieur.
Elle fait une pause et je lis dans ses yeux une terreur nouvelle.
— Il y a eu des tires autour du cabaret et je n'ai pas pu voir si elle allait bien.
Avant qu'elle ne s'effondre une seconde fois, je la prends dans mes bras et la serre de toutes mes forces. Joder, Joder, Joder...Que faire ?
— Gabriella, s'alarme-t-elle brusquement, il faut appeler la police pour qu'ils la retrouvent !
— La police ne nous aidera pas, Gloria. Ces types là, ils sont au dessus de tout.
Nonno m'avait prévenu qu'ici, à Mexico, les gangs dominaient la ville entière voire même le pays. Et je suis certaine que ces gars là ne sont pas des enfants de coeur !
— Alors qu'est-ce que l'on fait ! hurle-t-elle, la voix déchirée.
— Calme-toi...dis-je, câlinant son visage avec douceur. Je vais appeler un ami, il pourra sûrement nous aider.
D'une main agitée, je l'incite à s'asseoir sur le canapé et sors mon portable afin de téléphoner à Matteo. Certes je l'ai insulté de connard mais c'est le seul à ne pas être ripou dans la police de la ville. Tandis que les sonneries défilent contre mon oreille, je tape du pied sur le sol en bois dépouillé.
— Gabriella ? Sa voix est étrangement paniquée.
— J'ai besoin de toi, Matteo. Il y a eu une fusillade au cabaret hier soir...
— Je suis sur les lieux, oui. me coupe-t-il.
— L'une de mes collègue a été enlevée juste avant les tires, il faut que tu m'aides à la retrouver je t'en prie.
— Gab, il s'agit d'un règlement de compte entre gang. Si ton amie était avec les gars qui ont fait ça, elle est surement déjà morte.
Je serre les mâchoires et crache :
— Ça aurait pu être moi, Matteo.
— J'en ai bien conscience mais, ce n'est pas le cas.
— S'il te plaît, le supplié-je.
Il pousse un soupir abattu et lance, le ton bas :
— Je vais faire des recherches de mon côté, okay. Mais retiens une chose Gab, si elle est partie avec ces hommes, il y a peu de chance que vous la revoyez.
— Je sais, c'est pour ça qu'il faut que tu m'aides à en savoir plus.
— Je fois filer, essaie de te reposer et ne fais rien de dangereux s'il te plaît, je te rappelle plus tard.
— D'accord, à plus.
Je raccroche et passe une main sur mon front, laissant échapper quelques mèches de ma queue de cheval. Gloria me fixe avec une mine chagrinée. Je m'assoie à ses côtés et la prends dans mes bras, glissant mon bras autour de ses épaules.
— Je suis certaine que ça va aller, Matteo compte nous aider à la retrouver.
À vrai dire, je n'en sais rien.
Elle ne dit rien et niche son visage contre mon épaule. L'esprit ailleurs, je me mets à fixer un point fixe dans la pièce. Un règlement de compte entre gang...Joder. Tiens bon, Lucia...por favor...

Enivre-moi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant