Connor
Après un quart d'heure de route, Gabriella se gare aisément sur un parking anormalement bondé. Curieux, je regarde autour de moi et remarque de grands bâtiments avec écrit en lettres capitales « Mercado Sonora », un marché ?
— Tu comptes aller acheter des légumes ? raillé-je.
— Mieux, viens avec moi.
Elle sort de la voiture, guillerette et je ricane face à cette soudaine joie de vivre. Avant qu'elle ne m'échappe à travers les gens, je capture sa main et noue ses doigts aux miens.
— À cette période de l'année, le marché est rempli de merveilles. Je doute qu'il y ait quelque chose de similaire dans ta grande ville New-yorkaise. (Elle me lance un regard malicieux et j'esquisse un fin sourire)
— Ne sois pas jalouse de New-York, poupée. Si tu aimes tant les marchés, tu devrais voir le marché de Bangkok, les stands sont sur des bateaux. On les appelle les « thai longtail boats ».
Des étoiles remplissent ses yeux et je me retiens de tendre la main pour câliner son doux visage. Elle n'est pas maquillée aujourd'hui, son visage naturel est tellement attractif c'est putain d'incroyable.
— Alors ? lâché-je, dérouté. Que veux-tu me montrer de si extraordinaire ?
— Un peu de patience, Connor.
Nous franchissons un gigantesque rideau de perles boucanées et une tranchée étroite se forme sous mes yeux. Des centaines de stands s'y dessinent et les couleurs fringantes me piqueraient presque les yeux, comment j'ai pu ne pas entendre parler d'un lieu pareil ?
— C'est grandiose, je l'avoue.
— Mon grand-père m'y emmenait souvent quand j'étais plus jeune. Honnêtement, je préférais sortir boire un coup avec mes copines que déambuler dans un lieu comme celui-là. Mais à ce jour, je comprends pourquoi il adorait ce lieu...
Je ne dis rien, l'oreille attentive et Gabriella me tire sur plusieurs mètres, avant de s'immobiliser face à un large bac bourré de ce qui me semble être des piments. Elle voue un sourire prodigieux à la bonne femme derrière le stand et lui adresse une suite de mots espagnols.
— Hola Laura, ¿puedo conseguir un chile para que mi amigo lo pruebe?
Elle veut me faire goûter un piment ?
— ¿Tu amigo no es de aquí? La vieille dame me regarde en rigolant et je plisse les sourcils, légèrement irrité.
— No soy de aquí, señorita. lâché-je, un rictus prétentieux au coin des lèvres. Pero el español no es un idioma tan difícil de aprender.
La femme arrondit les yeux de surprise et je souris à Gabriella comme un gamin. Cette bonne femme ne s'attendait sûrement pas à m'entendre parler espagnol. Gabriella roule des yeux et paie la dame sans tarder. Dès que nous nous éloignons, elle me lance :
— Qu'est-ce que tu attends pour goûter ?.
Son sourire en coin ne me dit rien qui vaille. Les piments espagnols n'ont jamais une bonne réputation...
— C'est un piège ? m'enquête-je.
— Peut-être mais si tu n'essaies pas, tu le sauras jamais.
Mes lèvres s'ourlent et je croque dans le piment avec une certaine nonchalance. Immédiatement, ce dernier prend feu dans ma bouche et mes narines s'agitent. Putain ! Il est sacrément fort celui-là. J'ai l'impression d'avoir avalé un missile nucléaire.
— Alors ? Piquant ? badine-t-elle, un grand sourire aux lèvres.
La gorge sèche, je tente de lui répondre. Cependant, la salive me manque et je toussote plusieurs fois. Gabriella jubile dans son coin et un goût de revanche s'ajoute à la saveur mordante du piment.
— Tu ne perds rien pour attendre, poupée...
— Ah oui ? s'enquiert-elle. Et qu'est-ce que tu comptes faire ?
Je zieute les alentours et discerne un petit repli, camouflé dans la pénombre d'un stand. Je pousse Gabriella à l'intérieur et me placarde contre son corps. Avant même qu'elle ne puisse réagir, je croque une seconde fois dans le piment et fonds contre ses lèvres. D'un coup de langue habile et malicieux, je coulisse le fin morceau dans sa bouche et après un baiser sauvage et charnel, je me détache d'elle avec un immense sourire. Gabriella ouvre grand les yeux, outrée et je saisis la couleur vive et rosée de ses joues.
— Cábron ! s'exclame-t-elle, humectant ses lèvres manifestement bouillantes.
Je ricane comme un idiot et Gabriella m'assène une pichenette sur le torse. Après s'être débarrassé des mordications du piment, nous poursuivons notre marche à travers les passants. Au loin, j'aperçois une boutique de chapeaux typique du Mexique.
Je traîne Gabriella jusqu'à ce magasin et contemple ces multiples chapeaux avant d'en saisir un et de l'enfoncer sur la tête de Gaby. La couleur rougeoyante de ce dernier lui va à ravir...
Elle secoue les minuscules clochettes accrochées au bord du chapeau et tourne sur elle-même en effectuant un mouvement de bassin digne d'une salsa.
Jetant les bras dans les airs, elle attrape un autre chapeau et me le jette. Je l'enfile avec gaieté et la suis dans ses pas de danses improvisés. Son corps ondule contre le mien et je retiens mon souffle, de peur de perdre le contrôle. Gabriella finit par encercler ma nuque de ses bras et je dépose un baiser sur ses lèvres retroussées.
— J'ai une idée, suis-moi.
Gabriella lance un billet à la vendeuse et me tire par la main. Je n'ai à peine le temps de comprendre ce qu'il se passe que, je me retrouve face à une dame costaud qui tient une palette de couleur dans la main. Qu'est-ce que c'est que ça ?
— La muerte por favor. jette Gabriella à l'intention de la dame.
— Qu'est-ce que tu comptes me faire Gabriella ?
— N'aie pas peur, ce n'est que du maquillage. Je suis sûre que ça t'ira à ravir !
J'hoche la tête, la laissant faire ce qu'elle souhaite de moi et la dame trempe son pinceau dans une épaisse poudre blanche. Après plusieurs minutes à me faire farder le visage, le visage de Gaby s'illumine et elle remercie la femme qui me fixe avec un air satisfait.
— J'avais raison, ça te va très bien.
— Je te fais confiance, mais que comptes-tu faire toi ?
— Moi ? J'ai ça...(elle agite un masque rouge et noir devant mon nez et l'enfile.) Le bas de son visage est apparent, néanmoins le haut est caché derrière le masque mortuaire. Ses yeux émeraudes ressortent à travers le noir charbonneux du masque, c'est superbe.
Toujours assis devant le stand, mon regard se pose sur un homme dans la foule. Il est grand et vêtu d'un large costume noir. Son regard croise le mien et je le vois serrer les mâchoires. C'est qui ce type ? Est-ce qu'Adan me fait encore suivre par ses sbires ? Sérieusement, je n'ai plus 5 ans...
— Connor ? s'inquiète Gaby. Est-ce que ça va ?
— Ouais, ouais. On bouge ?
— Okay.
Elle esquisse un fin sourire, hésitante et je l'incite à avancer à l'opposé du type. Il va vraiment falloir que je demande à Adan d'arrêter de me faire suivre, ça commence sérieusement à me faire suer.
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Enivre-moi
RomanceAprès avoir quitté la Sicile pour le Mexique, Gabriella comprend que la vie en dehors de chez elle est loin d'être simple, surtout lorsque l'argent ne tombe pas du ciel. Accueillie par ses grands-parents, elle parvient enfin à se sentir aimée. Cepe...