• Chapitre 6 • PC

600 44 6
                                    

Gabriella

Uno...dos...tres....
Le rideau s'ouvre et nous avançons sur le podium sous les « Si ! » enthousiastes et encourageants des clients. Ma tenue n'est plus la même aujourd'hui, le masque qui cache une partie de mon visage est recouvert de plumes noires. J'aurais presque l'impression de participer à un bal masqué, si seulement je ne portais pas cette mini robe bustier qui cache à peine mon derrière. Vivement que je quitte ce bar pour un job moins...intimiste.
Gloria et Lucia aiment cet endroit, elles aiment danser et elles s'amusent. Moi, je n'ai pas le choix. Je suis contrainte d'user des courbes de mon corps pour subvenir à mes besoins, si ma salope de mère me voyait comme cela. Elle lèverait le nez au ciel avec cet air suffisant que je déteste tant ! Ça fait des années que je ne l'ai pas revue, depuis ce fameux jour. Ma famille ne me manque pas, qu'ils restent en Sicile s'ils le veulent je m'en fiche. La seule personne qui me manque est ma sœur, Charlie. Nous étions si proches et pourtant, je l'ai abandonnée, avec eux...
Après un roulement circulaire des hanches, j'ouvre enfin les yeux et lance un regard morne dans la salle. Les clients sourient et frappent dans leurs mains comme si de rien n'était. Tous ces hommes sont immondes, leurs prunelles dégoûtantes lèchent nos corps comme s'ils ne représentaient que de vulgaires morceaux de glace. Je fronce le nez une seconde avant de souffler intérieurement. Fais ton taff Gab et arrête de te plaindre !
D'un glissement de pied, je me tourne vers la droite et cligne des yeux. Mon regard heurte violemment une paire d'yeux familiers. Je m'immobilise face à la silhouette nonchalante de Connor, au fond de la salle et mon coeur loupe un battement. Mierda ! Bordel de merde !
Je me retrouve au beau milieu de la scène avec un trou de mémoire aussi large qu'une bouche d'égout et patauge dans la semoule quelques minutes avant de reprendre le fil de la danse avec maladresse. Qu'est-ce que cet abruti fout ici ? Une nouvelle fois...
Gauche, je m'efforce de ne pas le regarder et poursuis la chorégraphie, étrangement mal à l'aise qu'il soit là à me dévisager.
Après notre dernière danse, nous quittons la scène pour les coulisses et Giorgio me tombe immédiatement dessus.
— Gabriella ! Qu'est-ce que tu as foutu, joder ? Giorgio me défigure, furieux et je mords l'intérieur ma joue dans le but de ne pas répliquer amèrement.
— Je suis désolée, j'ai...j'ai eu un vertige.
— Un vertige ? Répète-t-il, peu convaincu par mon mensonge. Je me fiche de tes problèmes de santé, avant de monter sur scène, assure-toi d'être en forme et ne foire pas tout !
— Oui...pardon.
Avec un effort surhumain, je baisse les yeux tout en serrant les dents. Tais-toi Gab et tout ira bien.
Giorgio soupire et fait enfin demi-tour sans ajouter un mot tandis que Gloria glisse une main dans mon dos et m'observe, inquiète.
— Ça va ? Tu veux un verre d'eau ?
— Non, ça va. Je vais juste rentrer chez-moi et oublier ce moment...
— Okay, fais attention, ma belle.
Elle embrasse mes joues et retourne sur scène, un grand sourire éclatant sur le visage. Je pose mon derrière sur une vieille boite ébène qui traîne et souffle. Qu'est-ce que je fais maintenant ? Voilà plusieurs jours que je me suis enfuie comme une cambrioleuse de son appartement et le revoilà, sur mon lieu de travail ! Me retrouver une nouvelle fois face à lui est la pire chose qui aurait pu arriver, je pensais ne plus le revoir après ça. Pourquoi revient-il ? Que cherche-t-il à faire ? Me ridiculiser devant tout le monde ? M'insulter de traînée après l'avoir laissé au beau milieu des draps où nous avons couché ensemble ?
Pire ! A-t-il pris des photos ou des vidéos de nous et il compte me faire chanter ? Non, je suis trop parano.
Réfléchis, réfléchis ! J'ai rejeté des centaines d'hommes, lui dire qu'il ne m'intéresse pas est un vrai jeu d'enfant alors pourquoi j'ai envie de fuir loin d'ici le plus vite possible ? Parce qu'il empeste le danger à plein nez ! Oh oui, Connor est dangereux, il l'est pour mon coeur et j'en suis très bien consciente.
— Merde...marmonné-je, passant une main dans mes cheveux en bataille.
Enfin décidée, je m'arrache de cette tenue de scène et plonge dans un jean baggy et un simple pull blanc. Mon coeur menace de sortir de ma poitrine au fur et à mesure que j'avance vers la sortie.
Il n'est plus dans la salle. Je pousse la porte aussi vite que possible et regarde aux alentours. Personne.
Est-ce que je l'ai imaginé ? Non. Je l'ai clairement vu, négligemment adossé au mur avec ce fameux regard à m'en faire perdre la tête. Ses yeux reflétaient la concupiscence, un désir sauvage et captivant qui m'a foutrement troublée, au point de me faire oublier ce que je fichais sur scène !
J'avance sur le trottoir, à moitié rassurée et sors mes clefs de voiture lorsqu'une voix apparaît dans mon dos.
— Holà.
Je m'arrête, le souffle haché par le son de sa voix qui résonne aux tréfonds de mes tripes. Ce n'est pas possible de me faire un tel effet...
— Bonsoir...sifflé-je.
Je me retourne, secouée dans tous les sens et lui fais face. Vêtu d'un jean bleu délavé et d'une veste noire style biker. J'ai l'impression qu'il est encore plus sexy qu'hier. Sa chemise couleur crème qui est allégrement ouverte au col, laisse entrevoir les nuances dorées de sa peau. L'envie de mordre ce morceau de peau jusqu'à ce qu'il devienne rouge framboise me tiraille le bas ventre.
— J'étais surpris de ne pas avoir pu te souhaiter le bonjour la dernière fois.
Il ne me lâche pas du regard et cet air indéchiffrable qu'il lui colle à la peau est terrifiant.
— Oui, j'ai dû...aller bosser.
— Ici ? demande-t-il, curieux.
— Je travaille aussi ici en tant que barmaid.
— Je vois, j'aurais vraiment apprécié te montrer mes talents culinaires après la nuit agitée que nous avons passée.
Je déglutis péniblement et recule d'un demi pas. Je préfère rester loin de lui et garder une distance de sécurité entre ses lèvres et les miennes. Elles ont tendance à se jeter sur elles sans raison particulière.
Je cligne des yeux, les égare sur le béton usé et pousse un soupire à me sanctionner les poumons. Prends ton courage à deux mains poulette.
— Écoute, Connor...je...
— Je sais. tranche-t-il, j'ai compris et c'est pareil pour moi.
Quoi ? Qu'est-ce qu'il a compris au juste ?
— Je ne cherche pas à me poser.
J'ouvre la bouche puis la referme et fronce le nez. Il pense que je ne souhaite pas d'une relation ? Oui, c'est vrai, il a raison. Après tout, qui voudrait perdre son temps dans une relation souffreteuse et répétitive ?
— Cependant, poursuit-il, je te plais et c'est réciproque.
— Alors qu'est-ce que tu veux ? ricané-je face au ridicule de la situation. Que du sexe, c'est ça ? Tu veux juste me mettre dans ton lit quand l'envie te prend ?
— Tu n'aimeras pas ? glisse-t-il, faisant un pas vers moi.
Un seul pas de sa part et le voilà à quelques centimètres de mon visage. Je perds mes mots, le regard focalisé sur les courbes aguicheuses de sa bouche et articule avec difficulté :
— Je n'ai pas dit ça.
— Dans ce cas, tu aimerais ?
— Je n'ai pas non plus dit ça. rétorque-je, les yeux rivés aux siens. Ses prunelles claires me sondent, fouillent profondément en moi. Je détourne le regard, trop ensorcelée par ses perles bleutées mais il ramène mon visage face au sien.
— Dis-moi, Gaby. Qu'est-ce que tu veux ?
C'est une mauvaise idée, c'est une putain de mauvaise idée ! Connor est une bombe à retardement prêt à s'accrocher à ma poitrine et ça, c'est hors de question. Ce type est trop parfait pour moi, on ne se correspond pas, c'est tout. Je peine à comprendre ses intentions, je suis certaine de ne pas être la seule dans son tableau de chasse alors pourquoi revenir ?
Nombreuses on été les fois où je me suis laissée avoir par des beaux mecs comme ça, prêts à tout quitter pour mes beaux yeux mais ce n'est que des conneries. Désormais je ne suis plus celle qui est blessée mais celle qui blesse. Je ne suis plus prête à tenir une grenade dégoupillée dans la main en attendant qu'elle explose.
— Je veux savoir pourquoi tu es là, Connor.
— Est-ce que ça a de l'importance ?
— Oui ça en a, je veux savoir pourquoi.
— Pourquoi j'ai envie de toi ? M'interroge-t-il, confiant. Ai-je besoin d'une raison pour en avoir envie ?
— Tu n'as plus de plan cul à disposition c'est ça ? Je croise les bras contre ma poitrine et le toise de la tête aux pieds.
— Des plans cul j'en ai quand je le veux, là n'est pas le problème.
— Très bien alors, bonne baise avec tes plans cul ! Lancé-je, un grand sourire sur les lèvres.
Je tourne les talons, prête à monter dans mon cabriolet mais Connor me retient, une main enroulée autour de mon bras.
— Hey, attends une seconde. Je suis là parce que tu me plais, Gaby et que j'étais sacrément en pétard lorsque j'ai vu que tu t'étais tirée avant même que je ne me réveille.
— Je pense que ce n'est pas légitime d'être en colère pour ça, tu dois filé plus vite que ton ombre une fois le soleil levé.
Un sourire prend forme sur ses lèvres et il se penche, cloue une main sur la carrosserie de ma voiture, me rendant prisonnière de son corps.
— Je ne file que lorsque j'ai eu mon compte et en l'occurrence avec toi, je ne l'ai pas eu.
— Tu es quoi ? Une espèce de bête ?
— Peut-être bien mais, la brutalité n'avait pas l'air de te déranger la dernière fois.
Je lève les yeux aux ciel et son rictus s'accentue, une fossette se creuse sur sa joue droite. Pourquoi Dieu a donné à ce démon une tête aussi aguicheuse et agréable à regarder.
— Qu'est-ce que tu comptes faire au juste ?
— Te préparer un dîner, un verre d'alcool pourquoi pas et une bonne baise comme tu dis.
Je ne démord pas, scrutant ses yeux avec intensité. Ne jamais lâcher des yeux un prédateur comme Connor, ils sont capables de tout une fois que ton regard est ailleurs. Notamment t'embrasser et te faire perdre la tête...
Qu'est-ce que ça me coute au fond ? Je ne suis pas complètement rassasiée de lui au final, je n'arrête pas de repenser à la folle nuit que nous avons passée ensemble. Et puis, ce n'est que du sexe, rien que du sexe. Aucune attache, aucun sentiment, rien.
— C'est d'accord mais je te suis en voiture.
— Bien madame, comme vous voulez.
Sa mine fière m'agace mais je n'en montre rien et déverrouille mon cabriolet. Connor est garé sur le trottoir voisin et lorsqu'il s'engage sur la route, il me lance un signe de la main afin que je le suive sans me défiler.
Dans quoi je m'embarque, Dios mío...

•••

Hello ! Désolée pour le retard, je posterai le deuxième chapitre plus tard dans la journée <3

Enivre-moi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant