• Chapitre 24 • PC

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Connor

Allongé en étoile dans mon lit, plongé dans un sommeil profond. Je n'entends pas tout de suite la sonnerie de mon téléphone mais lorsqu'elles se multiplient, je finis par m'agacer et me redresser du matelas. Gabriella, qui a bien voulu passer le week-end à mes côtés se lève à son tour, les cheveux ébouriffés.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande-t-elle d'une voix ensommeillée.
J'attrape mon téléphone à l'aveuglette et constate qu'il s'agit de l'alarme de sécurité du Dojo. Encore des petits cons qui viennent faire chier le monde...
— Rien, rendors-toi c'est le Dojo.
Je sors du lit et enfile rapidement un t-shirt et un jogging mais Gabriella ne semble pas décidée à se rendormir.
— Il y a une intrusion ?
— Ça arrive qu'il y ait des gamins qui viennent au Dojo pour y passer la nuit, j'ai l'habitude t'inquiète pas, je vais jeter un œil et désactiver l'alarme, je reviens.
— Attends une seconde, se lève-t-elle, je viens avec toi...
— Non, rendors-toi tu es crevée. Ça va aller, je reviens dans 10 minutes.
Je la rassure et elle se laisse à nouveau tomber dans les couvertures. Amusé, je claque ses fesses à l'aide de ma paume de main et dépose un bisou sur sa joue.
Puis, je descends la mezzanine et récupère mes clefs. Lilymoon dort dans son panier, le museau contre sa patte. Le Dojo est à trois minutes d'ici, pas besoin d'y aller en voiture.
M'avançant sur les trottoirs, je me frotte les yeux du revers de la main et soupire. Je déteste quand cette alarme se met à sonner...ça ruine mes nuits !
Une fois devant les portes verrouillées du Dojo, j'enfonce la clef dans la serrure et tire la porte vers moi. Il fait noir, un noir complet et c'est le silence total. Je jette la main vers les interrupteurs et les spots lumineux grésillent avant de s'allumer. Aux premiers abords, je ne remarque rien.
Cependant, c'est alors que je m'avance vers les tatamis que je constate quelque chose d'inhabituel, l'une des portes de derrière est grande ouverte.
— Ça ne sert à rien de vous cacher, je sais que vous êtes là maintenant. Fais-je à voix haute, ne craignant aucunement le danger.
Je referme la porte, de sorte à ce que personne ne s'échappe dans mon dos et continue mon avancée à travers la salle. Dès que mon regard se porte sur une paire de chaussures, un peu crades et camouflées derrière le muret qui sépare la kitchenette de la salle. Je comprends qu'il s'agit alors d'un de mes gamins.
Je ne perds pas de temps et m'approche jusqu'à découvrir la silhouette recroquevillée de Miguel. Il est en position fœtale et se balance d'avant en arrière, tout en reniflant. Quelque chose ne va pas.
— Miguel ? Je m'enquiers. Pas de réponse.
Je m'agenouille et dépose ma paume sur ses cheveux. Il relève la tête et je me fige de stupeur. Putain. Une ecchymose se dessine autour de son œil gauche et sa lèvre est fendue, du sang s'écoule également de son arcade sourcilière.
— Bordel, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Il éclate en sanglots et je remarque que ses mains sont couvertes de sang. D'un geste brusque, peut-être un peu trop, je les attrape et inspecte ses blessures, cependant je ne vois rien.
Ce n'est pas son sang.
— Miguel, explique-moi.
Il lève ses yeux larmoyants et commence à articuler une suite de mots.
— Il l'a frappée...je sais pas ce qu'il m'a pris...
— Qui a frappé qui ?
J'attrape ses épaules dans mes mains et le force à me regarder droit dans les yeux.
— Ce fils de pute ! Vocifère-t-il, il a frappé maman !
Son père. Putain, j'aurais dû m'en douter depuis le début...
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ? Je l'interroge, tentant de garder un maximum de sang froid.
Alors qu'à l'intérieur, je bouillonne.
— Je l'ai cogné...(Il prend une forte inspiration, essuie son nez du revers de la main et continue ) Puis on s'est battu mais j'ai pris le dessus et j'ai continué à le frapper jusqu'à ce qu'il ait la gueule en sang...
— Merde, Miguel...
Je ne peux m'empêcher de me sentir coupable, c'est moi qui lui ait appris tout ça. Pourtant son père est une sacrée ordure, ça m'étonnerait que ce soit la première fois qu'il s'en prend à sa femme ou à Miguel.
— Tu l'as laissé sur place ?
— Ouais, ma mère hurlait et... les flics se sont ramenés alors je me suis barré.
Les flics ! Il aurait dû coopérer.
— Il faut que tu te rendes, les flics d'ici ont la gâchette facile, Miguel.
— Je sais, je voulais pas te foutre dans la merde en venant.
— Non, c'est bien que tu sois venue ici. Je le rassure du mieux que je le peux lorsque je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. C'est Gaby, elle s'inquiète.
Je n'ai à peine le temps de plonger la main dans la poche de mon jogging que les deux portes du Dojo s'ouvrent en fracas. Un homme entre, puis un autre et encore un autre et l'un d'eux se met à crier :
¡Las manos hacia arriba! ¡Deténgase o disparo!
Pris comme des rats, nous levons les mains en l'air et je scrute le flic qui s'avance vers nous, arme à la main.
— Miguel Estevon Sandoval, vous êtes en état d'arrestation pour le meurtre de Antonio Estevon Sandoval !
Le meurtre ? Le visage de Miguel se décompose et je ne peux rien faire à part le regarder d'un air douloureux. Il est mort, bon sang !
Le regard de Miguel se fige au loin et lorsque l'homme en costume se jette sur lui et le plaque au sol avec une impitoyable violence, il ne se débat pas.
Tout de suite je serre les poings et m'avance d'un pas, souhaitant instinctivement le protéger. Toutefois, un homme apparaît dans mon dos et se saisit de mes mains. Je n'y porte pas attention, ce qui me frappe le plus, c'est Miguel qui est en train de se faire menotter sur le sol, comme un meurtrier. Le flic dépose l'un de ses genoux au creux de ses omoplates et Miguel échappe une plainte.
— Ce n'est qu'un gosse ! Arrêtez ! Je hurle, la voix fracassée.
— Ta gueule, toi !
L'enflure qui tient mes mains cogne l'arrière de mes genoux et je tombe douloureusement sur ces derniers.
— Miguel Estevon Sandoval, vous avez le droit de garder le silence, si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une cour de justice...
Il continue son monologue, ne se souciant en rien du gamin effondré qui pleure à chaudes larmes sous son genou. Et moi je reste là, à le regarder sans rien pouvoir faire. J'ai comme l'impression que mon cœur bat dans ma gorge, comme si j'étais à deux doigts de vomir sur leurs sales bottes de merde.
Ils emportent Miguel, le traînent comme un chien en dehors du dojo tandis qu' un autre flic s'approche de moi. Et cette fois, je le reconnais, je pourrais le reconnaître 1000 fois encore.
— Tiens, tiens, tiens. Je me disais bien que "Howard Connor" me disait quelque chose, alors c'est toi le patron de cette décharge ? Degueule-t-il, contre mon visage.
— C'est pas une décharge, connard.
Le type dans mon dos, empoigne agressivement mes cheveux et fait en sorte que je lève la tête  vers cette enfoiré de Matteo.
Je serre les dents, en sachant pertinemment que je pourrais tous les maîtriser si je le souhaitais.
— Tu apprends à des voyous à se battre, à tuer.
— Je ne leur apprends pas à tuer mais à se défendre contre des enfoirés dans ton genre !
— Un homme est mort ce soir à cause d'un de tes élèves ! Hurle-t-il, m'asseyant un coup de poing dans la tempe.
Mon visage part vers la gauche et je grommelle de douleur, sonné.
— Si vous faisiez un peu plus votre taff, peut-être que ça ne se serait pas déroulé de cette manière.
Ses sourcils fournis se froncent.
— Qu'est-ce que t'insinues ?
— L'homme qui est mort ce soir battait sa femme et ce gosse...Vous voyez, inspecteur. Tout ce que je fais ici, c'est donner une chance à des enfants qui vivaient déjà en enfer avant de venir au monde.
Son regard brun ne me lâche pas, et je fais de même, nullement intimidé. Tout à coup, mon téléphone se fait à sonner une seconde fois dans ma poche et l'homme derrière moi s'excite, comme si c'était une bombe. Matteo se penche, fouille dans la poche de mon pantalon et extirpe le téléphone. Tout de suite, son visage se décompose et je n'ai aucun souci à lire la douleur qui s'y dessine.
Je le vois déglutir puis raccrocher et foutre le téléphone dans sa poche. Fils de pute !
— Embarque-le, on va l'interroger.
Je ne bronche pas, conscient qu'ils n'ont rien sur moi, je suis parfaitement clean et ils ne vont pas tarder à le comprendre.

— Pourquoi t'étais dans ce putain de Dojo au beau milieu de la nuit, Howard ! Gueule-t-il, frappant la table entre nous avec force.
— Parce que c'est mon job, je vous l'ai déjà dit.
Je ne sais comment mais, mon calme olympien m'impressionne.
— Mon cul, ouais ! T'as dit à ce gamin d'en finir avec son père, c'est ça ?
— Jamais je n'aurais dit ça à l'un de mes élèves bordel de merde.
Je lui lance un regard noir et ce dernier serre les poings, frustrés. Eh ouais, connard.
Je crois que vous n'avez rien contre moi alors si ça ne vous dérange pas trop, j'aimerais partir et rentrer chez moi.
Incapable de me contredire, il sort de la pièce comme une furie et je me retrouve à nouveau seul dans cette pièce morbide. Qu'est-ce que je fous là sérieux ?
Après 20 minutes d'attente, à me triturer les doigts et à compter les dalles au plafond, je vois la porte s'ouvrir sur Matteo. Son uniforme bien taillé me fout en rogne, j'ai envie de le cogner.
— Tu penses qu'on va te laisser filer aussi facilement ?
— Pourquoi pas ? Vous avez quelque chose contre moi ?
Un sourire s'installe sur ses lèvres gercées et il tire la chaise face à moi pour s'asseoir. Ses doigts se croisent et je prends ce geste comme un signe d'intimidation.
— Tout le monde cache des choses, Brown. Tu le sais très bien et mon rôle justement, c'est de trouver ces choses-là.
— La seule chose dont je suis certain, inspecteur. C'est que vous perdez votre temps à m'interroger alors que les preuves sont sous vos yeux.
Ses poings se resserrent.
— Et vous savez ce qui me tracasse le plus ? C'est que vous persistez à croire qu'il se trame quelque chose dans mon dos parce que vous savez pertinemment que celle que vous aimez, en aime un autre.
Boom. Je me prends un coup dans la mâchoire et manque de basculer sur le sol bétonné de la salle d'interrogatoire. Je crois que j'ai touché un point sensible ahah.
J'essuie ma lèvre du revers de la main et lui souris, mauvais. Ne réplique pas, Connor, ne réplique pas !
Brusquement, la porte dans mon dos s'ouvre et un gros barbu en chemise blanche apparaît.
— Inspecteur, je vais vous demander de sortir de la pièce. Jappe-t-il.
Il ne me lâche pas du regard, ne portant aucune attention à son supérieur qui l'interpelle.
— Matteo ! Sors d'ici !
Il hausse la voix et comme s'il revenait à la raison, Matteo se tourne vers son boss et acquiesce. À grands pas, il sort de la pièce et la porte se claque. Je termine à nouveau seul dans cette salle morbide, avec une lèvre fendue.
Quelle soirée de dingue...

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J'avoue ce chapitre m'a fait de la peine :/

Enivre-moi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant