Chapitre 1

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La première fois que les yeux de Sakura entraperçurent un filament noir flotter, le soleil tapait fort sur son dos alors que ses bras transportaient difficilement les sacs qu'elle trimbalait en plein milieu du marché. Un seul coup d'œil, elle avait eu sur ce fil s'étirant au-dessus des têtes de tous. Alors, il aurait très bien pu s'agir d'une quelconque illusion provoquée par son esprit qui se torturait sur cette décision prise dix ans auparavant. Pas qu'elle le regrettait, elle se sentait juste mal pour cette personne qui, à cause de son égoïsme, errait avec un fil coupé. Non à part cette culpabilité qui venait ronger ses nuits d'insomnie, ce choix avait été probablement le meilleur de sa vie. Ça et sa résolution de devenir kunoichi. Elle se rappelait encore du grand sourire avec lequel elle avait annoncé à ses parents ne plus avoir d'âme sœur. Oh, elle se souvenait aussi des cris et de la poigne de son père sur son col tandis qu'il la soulevait de terre pour la plaquer sur un mur, un sourire satisfait sur les lèvres de Sakura et ses mèches inégales plaquées contre son crâne. Toujours contre le mur, la fillette leur avait annoncé son choix de carrière. À la nouvelle, son père l'avait jetée violemment au sol, mais rien ne pouvait brimer sa joie. Ce soir-là, elle avait été enfermée dans sa chambre sans souper. Cette nuit-là, elle avait été aussi seule qu'elle l'avait été le jour où elle avait vêtu pour la première fois sa veste blanche à 11 ans. Plus seule qu'elle l'était maintenant. L'adolescente de 15 ans travaillait à l'hôpital depuis quatre ans à chaque trou libre où des missions ne la menaient pas en dehors du village. Cela ne va pas sans dire qu'elle ne rencontrait presque jamais personne et elle avait depuis longtemps coupé les ponts avec ses parents. Étonnamment, cette situation ne causait pas de manque affectif comme plusieurs auraient pu le croire. À chaque fois qu'une journée était plus dure, Genma, son coéquipier de longue date, proposait une bière à leur équipe. Yugao avait été réticente à la laisser boire au début, mais les shinobis ne mouraient pas de problèmes de foie de toute façon. Pas comme si Sakura n'avait jamais consommé quelque chose de plus fort avant. Puis, Yugao préférait qu'elle puisse garder un œil sur la fille lorsqu'elle buvait qu'elle le fasse dans son dos, car jonin à 11 ans, Sakura avait été introduite au monde de l'alcool tôt. Probablement une des raisons pour laquelle elle ne s'était pas tenue avec les gens de son âge provoquant une réaction en chaîne où, à son âge, elle ne connaissait pas d'adolescent. Bien sûr, la médecin avait entendu parler du Grand Naruto et de son coéquipier, le traître Sasuke. Ayant une année scolaire de moins que leur cohorte, elle n'avait observé que de loin ces monstres de pouvoir grandir. Ce qui lui allait, c'était moins de trouble et de pression. Elle bâilla légèrement à cette perspective, ses yeux se fermant quelques instants. Rien que l'imaginer l'épuisait. Dès que ses prunelles se rouvrirent, elles fixèrent le ciel en quête appréhensive du ruban noir, mais celui-ci semblait avoir disparu. Ce ne devait vraiment être qu'un mirage. Tant mieux, elle n'était pas prête à affronter ces questions embarrassantes et légitimes.

Ce n'était qu'une autre mauvaise journée, qu'un autre jour rempli de doigts tentant de se raccrocher à son poignet. Juste un autre soir où le bras de Genma restait sur ses épaules, l'autre tenant une caisse de bières, alors que Yugao marchait main dans la main, devant eux, avec Hayate. Un bandana couvrait l'œil inutilisable gauche de ce dernier, un cadeau gracieusement offert par Orochimaru lors de sa traque pour Sasuke. Sakura soupira lorsqu'elle aperçut le dénommé marcher tranquillement aux côtés d'un groupe composé du trio Ino-Shika-Cho, la princesse Hyûga, un Inuzuka, un Aburame, un autre Hyûga et Naruto lui-même. Elle ne portait pas le noiraud dans son cœur, il était la cause pour laquelle elle avait vu plusieurs de ses camarades mourir sous ses yeux, mais tant qu'il n'interagissait pas avec elle, l'adolescente ne lui dirait pas d'aller se faire voir.

-Oh, Pinky, regarde des gens de ton âge. Rare que tu en vois, se moqua fortement Genma.

Ou peut-être que c'est lui qu'elle enverrait chier. L'adolescente sentit tous les regards des concernés se fixer sur elle. Nah, éclater sa tronche dans le béton lui conviendrait mieux. Alors que ses poings commencèrent à luire d'une lueur menaçante, comme Tsunade lui avait appris des années plus tôt, Yugao lui lança une bière pour la calmer. Sakura l'attrapa distraitement en saluant maladroitement le groupe avant qu'une voix attira son attention.

-Tu es Sakura Haruno ? demanda une brunette aux deux chignons.

Hayate et Yugao s'arrêtèrent pour analyser cette adolescente qui connaissait le nom de leur amie, ses intentions inconnues. Leur mise en garde informa la fille qui s'avança en avant de la masse de personnes. Excitées, deux mains saisirent les mains de Sakura.

-J'ai toujours admiré Tsunade-sama. Alors, quand j'ai appris que tu l'avais surpassée à 13 ans, j'ai voulu te rencontrer, mais tu étais occupée, s'exclama la kunoichi.

Du rouge teinta les joues de Sakura tandis qu'elle remerciait la fille qui, elle venait de l'apprendre, s'appelait Tenten. Un silence commençait à planer, mais il fut interrompu par le stagiaire médical de Sakura. D'un côté, elle remerciait les cieux pour ce timing. D'un autre, cela semblait tellement surréaliste que c'en était embarrassant. Toutefois, l'air urgent de son assistant la convainquit de remettre à plus tard ses pensées. Attrapant la main du jeune homme, plus vieux de huit ans, elle les téléporta non sans avoir au préalable lancé sa bouteille à Yugao et lui avoir demandé de la garder au frais.

Le moniteur qui criait lorsqu'elle était entrée dans la chambre de Kirito finit par se taire alors qu'elle le mettait à off. Aucun cris ne résonnait. La seule personne qui ait jamais été au chevet de Kirito, Asuna, sa femme, était décédée quelques jours plus tôt. Ils n'avaient pas été vieux ou quoi que ce soit. Ils avaient juste eu le tort de fumer pour oublier les corps qu'ils avaient tranchés de leurs lames. Ils n'avaient été qu'humains. Une mélancolie monta en Sakura. Ils n'avaient été que des humains transformés en machine de guerre.

Les pas silencieux de Sakura montaient les escaliers donnant chez elle. Elle savait déjà qu'Hayate, Yugao et Genma y étaient. Déverrouillant la porte, la médecin déposa ses clés sur le socle prévu à cet effet. Le bruit révéla sa présence et Yugao se tourna vers elle pour lui sourire, une mimique demandant en silence comment ça s'était passé.

-Kirito avait fait une rechute, pas que j'ai pu faire grand-chose pour lui, répondit l'adolescente en se dirigeant dans la cuisine où Hayate s'était affairé dès qu'il l'avait entendue entrer.

C'était leur rituel. Hayate cuisinait, Sakura soignait, Yugao réconfortait et Genma divertissait. Attrapant sa bière au frigo, elle remercia l'âme soeur de la femme aux cheveux mauves.

-Pas comme s'il aurait aimé sa vie sans Asuna de toute façon, souffla Yugao.

Tout le monde l'entendit, mais personne ne commenta. Ils savaient tous que c'était vrai. Rencontrer son âme sœur pour le(a) voir mourir était une épreuve que peu de personnes surmontaient. Pas que Sakura aurait à expérimenter quoi que ce soit en lien avec ça, pensa-t-elle en commençant à aider Hayate avec la coupe des légumes. Le son rassurant du couteau tranchant les légumes accompagnaient les piques que Yugao et Genma se lançaient. Ses mains ne s'arrêtèrent que quand aucun aliment à découper ne resta. Avertissant Hayate de son travail, elle prit sa boisson pour aller s'étendre sur les genoux de Yugao. Décapulsant la bière avec ses doigts et un peu de chakra, elle prit une gorgée tout en positionnant sa tête sur les cuisses de la femme. Les mains froides de la kunoichi vinrent caresser la tignasse courte de Sakura. Les yeux verdâtres se posèrent sur le plafond. Si la version d'elle-même à onze ans, qui avait quitté la maison pour vivre par elle-même, la voyait maintenant, elle aurait pleuré. Pleuré parce que d'une certaine manière, tout ce que cette version d'elle-même aurait pu demander avait été exaucé. Après tout, cette fillette n'avait qu'osé souhaiter des bras qui l'accueilliraient après une journée éprouvante et même si ce n'étaient pas les bras de son âme sœur comme ses parents lui avaient toujours dit, elle n'aurait pu espérer mieux.


***Le chapitre est un peu court, mais, sinon, la coupure avec le prochain chapitre faisait bizarre. Aussi, il se peut que je recorrige, donc, s'il y a une nouvelle notif, ce ne sont que des corrections grammaticales. Le contenu reste le même. Bref, merci d'avoir lu et bonne journée !***

À l'autre bout du filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant