Renouveau

69 7 71
                                    

Le trou noir est connu comme étant l'objet le plus dévastateur de l'univers. Tout ce qui s'approche un peu trop de son champ de gravitation risque d'être détruit, que ce soit une étoile ou une planète entière. Ce qu'il avale le fait subsister et s'étendre, tel un estomac géant qui ne crachera jamais ses repas.

Yuri imagine que ce serait une belle métaphore, s'il pouvait oublier que dans cette comparaison, il est le trou noir en question. Combien de personnes le néant à l'intérieur de lui a-t-il blessées ? Comment s'assurer qu'il ne persiste pas sur cette voie ?

Il y a une théorie qui dit qu'un trou noir pourrait être forcé à disparaître et à s'évaporer avec le temps. Peut-être est-ce pour cette raison que Yuri a cherché à rétrécir, à enrayer le cycle de démolition pour ainsi réduire son impact sur les autres. Dommage que son comportement ait provoqué tout le contraire.

À travers la semi-obscurité du studio saint-pétersbourgeois, une étagère de quelques livres s'ébauche, la plupart légués par Evgeniya. Yuri détache les yeux de leurs reliures abîmées. Les réponses ne résident pas dans les livres d'astronomie, ni dans les poèmes qu'il lit pour se rassurer. La réalité ne se vit pas en métaphores, entretenir le vide en lui n'a servi à rien, et seuls ses actes peuvent briser le cycle infernal dans lequel il s'est enfermé.

Rien ne pouvait l'atteindre s'il était vide de tout. L'envie de disparaître s'était installée peu à peu, forgée par des années entières à s'enseigner l'art du néant. Une vie dévouée au patin l'a entraîné à nier ses besoins, qu'ils soient physiques ou mentaux, remplacés par un voile d'éternel épuisement.

Le corps de Yuri guérit petit bout par petit bout. Sagement, il vide ses assiettes. Qu'en est-il des émotions qui fleurissent en lui, alors ?

Les draps se bruissent alors qu'Otabek s'éveille, le matelas s'abaisse quand Yuri se relève sur un coude. Le torse de Yuri s'emplit de l'affection qu'il ressent envers son petit-ami.

Yuri aimerait pouvoir plonger les doigts dans la cicatrice à taille humaine qui lui fait office de poitrine, montrer à Otabek toutes ces choses qu'il lui est impossible de dire. Comment peut-il se laisser aimer, s'il ne s'aime pas lui-même ?

Les yeux d'Otabek se focalisent sur Yuri. Un sourire prend possession de ses lèvres, Yuri se penche, il le cueille et le sent s'agrandir contre les siennes. Une galaxie cherche à s'éveiller au fond de lui. Ouais, comment exprimer cet amour, lui qui n'a jamais sû trouver les mots ?

— À quoi tu penses ? murmure Otabek.

— Hein ?

— Ta tête, élabore-t-il. Tu as ta tête des moments où tu veux me dire un truc mais que tu ne sais pas comment le faire.

— C'est con.

Otabek se redresse à son tour, il analyse le visage de Yuri.

— Essayes toujours.

— Écoute ça...

Yuri ferme les yeux quelques secondes, puis il récite :

Enfin j'ai rencontré celui dont j'ai besoin. Et qui besoin mortel de moi — a aussi bien . Plus que du Ladoga, des montagnes au loin, j'ai besoin des blessures d'un autre — dans ma main. Et parce que tu as mis tes plaies entre mes doigts, je pourrais vite — au feu plonger ma main pour toi.

Empressé d'en finir, Yuri mange un peu les derniers mots, les joues d'une éclatante nuance de rose.

— Merci, Yura.

Sans rien ajouter de plus, Otabek attire Yuri contre lui, dégageant les mèches blondes pour embrasser son visage, partout du front jusqu'au menton. Otabek sait, il sait que c'est difficile d'aimer et de se laisser aimer.

Glory & Gore - Yuri on Ice (2/2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant