Promesse

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Les premiers rayons de soleil dansent sur la route, le ronronnement de la Harley fait vivre le silence matinal. La joue de Yuri repose contre le dos d'Otabek, l'odeur de vieux cuir et l'humidité de l'air envahissent ses sens. C'est leur dernière journée à Almaty.

Ils ont quitté l'appartement de Dimash à l'aube, ils empruntent un détour jusqu'à la maison familiale. Suite aux préparatifs concernant le départ d'Otabek pour Toronto, le temps s'est écoulé rapidement.

Si tôt dans la journée, il n'y a aucun autre véhicule. La route est infinie devant eux, Yuri regarde la moto avaler les kilomètres. Il se souvient qu'il n'a jamais su quel chemin emprunter. Il y a quelques jours encore, Yuri songeait à passer l'été à Almaty. Il imaginait rentrer en Russie ensuite, espérant que Lilia Mikhailova et Yakov veuillent bien le reprendre sous leur aile.

Yuri serre la taille d'Otabek, il hume son odeur et ferme les paupières. Les saisons passent, ils perdent et ils se retrouvent inlassablement. Toronto est une solution qui leur permettrait d'être ensemble. Est-ce la bonne ? C'est impossible de le savoir. C'est impossible de deviner quoi que ce soit.

Si seulement la vie pouvait être comme ce séjour. Écouter des chansons à répétition, danser sous la saison des pluies, conduire jusqu'à la plage, courir dans les rues vides, regarder les étoiles, croire que tout est possible.

Le paysage urbain se désintègre dans le rétroviseur, la poussière file sous les roues de la moto. Ils dépassent le quartier où résident les Altin, puis ils stationnent la Harley sur le bord de la chaussée.

Sous leurs yeux, les nuées sombres se fendent, le soleil se dévoile derrière les géants de roche. À cette heure de la journée, tout est couvert d'une douce lumière cuivrée, les dômes dorés des mosquées sont pareils à de grosses bagues portées sur des mains pâles.

Les doigts d'Otabek frôlent l'avant-bras de Yuri, ses yeux caressent son visage dans une question silencieuse.

— Beka... Tu te souviens quand j'avais peur de rien ?

L'époque où Yuri se sentait invincible est révolue. Elle s'en est allée avec la fin de l'adolescence.

Avant, il n'avait pas peur de merder sur la glace. Avant, il n'avait pas peur de quitter sa vie sur un coup de tête. Avant, il n'avait pas peur de tout envoyer chier.

Maintenant, son cœur bat fort dans la crainte, comme les ailes d'un oiseau blessé — est-ce que Yuri saura déplier les siennes ?

Yuri essuie la sueur de son front, chassant les mèches blondes collées par le casque de moto.

— Tu es effrayé ? demande Otabek.

— Non... murmure Yuri. Oui... Toi aussi ?

— Je ne pense pas.

Il fait un pas vers Yuri, l'aidant à se débarrasser des cheveux récalcitrants. Les paupières de Yuri papillonnent, il attrape la main d'Otabek pour la serrer dans la sienne. Leurs paumes scellées sont moites.

— Quand j'étais gosse, raconte Yuri, Grand-Père me foutait dehors la journée pour avoir la paix. Tu vois les bois derrière la maison ? Il y a un chemin de fer à la sortie de la forêt. Y'avait un jeu... Débile, que je faisais avec Iva. On s'amusait à balancer des trucs sur les trains, à les mettre sur les rails pour les aplatir. Les jours où on était particulièrement téméraires, on essayait de sauter dans les wagons en mouvement.

Yuri se remémore les chemins sombres dans les bois, les coupures sur ses genoux et l'adrénaline dans ses veines. Il soupire, poursuivant ses paroles :

Glory & Gore - Yuri on Ice (2/2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant