Glory & Gore - Yuri on Ice (2/2)

Démons (2)

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MARS
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— Yo, Beka ? T’es certain de ce que tu fais ?

La main serrée sur une rambarde rouillée, Yuri escalade discrètement les marches de pierre appartenant à un vieil immeuble du centre ville. Otabek se retourne vers lui, pas loin de perdre son équilibre. Il commente sobrement :

— Mila m’a dit qu’elle invite ses rendez-vous ici. Ça ne doit pas être risqué de monter par là.

— C’est Baba qui t’as envoyé ici ?! s’exclame Yuri.

Un chut le pousse à reprendre sa question à voix basse :

— Tu suis les conseils de Baba ?

— Fais-moi confiance, assure Otabek.

Quand est-ce que Yuri ne le fait pas, hein ? Il soupire pour la forme et il emboîte le pas de son petit ami. L’escalier de secours mène à une trappe dont le cadenas est crocheté. Dans un grincement un brin sinistre, elle s’ouvre sans la moindre résistance. Otabek s’y glisse en premier, il tend ensuite la main afin d’aider Yuri à grimper.

L’espace pour se tenir debout est restreint. Le toit bénéficie d’une vue imprenable sur le centre historique de Saint-Pétersbourg. En un coup d'œil, Yuri reconnaît les pointes de la cathédrale Pierre et Paul ainsi que les minarets de la Grande Mosquée.

L’air humide est frais, le soleil couchant est doux. Ce dimanche s’éteint dans les lueurs indécises d’un printemps précoce. Le ciel ressemble à un dessin d’enfant, barbouillé de grosses traces de pastel qui se chevauchent, striés par des tâches de blanc rappelant le grain d’une feuille de papier.

— C’est vrai que c’est beau, admet Yuri.

— Tu aimes bien ? s’enquit Otabek.

— J’ai rarement l’occasion d’avoir une telle vue de la ville.

Saint-Pétersbourg n’est rien de plus qu’un pied-à-terre pour Yuri. Il y travaille, ses seules sorties pouvant être qualifiées de loisir sont au théâtre Mariinsky.

Le vent charrie les nuages. Au-dessus de la cathédrale, l'astre brûlant file, parfaitement aligné avec l'ange d'or, formant une masse lumineuse presque aveuglante. La silhouette séraphine étend les ailes vers les étoiles qui naissent.

Yuri s’assoit sur l’espace plane autour de la trappe, ses jambes reposent sur le toit azuré. Otabek se glisse derrière lui, ses genoux contre son dos. Yuri a envie de se pelotonner contre lui tel un chat domestiqué. Les mains d’Otabek se glissent sous la veste de Yuri, tenant sa taille. Il presse un baiser à l’arrière de la tête de Yuri, le nez perdu dans ses cheveux.

— Je te vois venir… dit Yuri. C’est encore un de ces cas où tu vas me sortir une métaphore à la con ? Tu veux qu’on joue à voir des formes dans les nuages ? Ou tu veux me dire de prendre de la hauteur sur ma vie histoire de relativiser ?

Otabek rit, doux et bas.

— Je voulais faire quelque chose de sympa avec toi, répond-il.

Ces dernières semaines, Yuri a osé échanger quelques mots avec son père. Il respire plus aisément depuis leur rencontre, mais le monde l’étouffe encore, à l’image du minuscule appartement et de son unique fenêtre. Après avoir rétrécit son corps, Yuri a parfois l’impression qu’il lui faut restreindre ses pensées afin d’exister dans un monde qui lui paraît hostile.

Yuri inspire une large goulée d’air. Il ne peut plus se bercer de désillusions, il lui est impossible de maintenir son corps au stade de l’enfance. Néanmoins, l’espoir revient dans les instants comme celui-ci, ceux où sa vie lui paraît embellie de toutes les couleurs. Quelque part entre leurs voyages, le goût lui est revenu.