Chapitre 4 - A coeur ouvert

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« Je vous préviens jeune homme, elle a été gravement blessée. Cela va être difficile à vivre pour vous, vous la reconnaîtrez, mais son visage est couvert d'hématomes, de coupures.

- Je...

- Si vous ne voulez pas rester dans la chambre, mais que vous ne voulez pas la laisser seule, il y a des fauteuils dans les couloirs.

- Si je lui parle, est-ce qu'elle peut m'entendre ?

- Je n'en sais rien. On ne peut pas savoir, à vous de décider si vous voulez lui parler ou non.

- Merci de me laisser la voir.

- Ce n'est pas nous qu'il faut remercier. C'est Monsieur Hill. Normalement, nous n'autorisons que la famille proche, mais monsieur Hill nous a expliqué qu'elle n'avait pas de sœur et que sa maman était décédé. Il nous a demandé de vous autoriser vous et un autre jeune homme à venir la voir. »

L'infirmière me souriait avant de me montrer la porte de la chambre d'Élie. Elle me laissa seul devant la porte. J'avais besoin de quelques secondes, je devais m'attendre à voir le corps abîmer de la fille dont j'étais amoureux depuis des années. J'avais peur de ce que j'allais découvrir, mais je ne pouvais pas m'arrêter ici, pas avoir traversé tout le pays.

Il fallait que je sois à ses côtés, que je la soutienne et que je l'aide à guérir. Je posais ma main sur la poignée de la porte, je ne devais plus hésiter, j'abaissais la poignée et j'ouvris la porte.

Une légère lumière éclairait la pièce, il faisait déjà bien nuit dehors. J'entendais le bruit des machines qui surveillaient et maintenaient en vie ma petite Élie. Je tournais le regard et l'apercevais.

Son magnifique visage était complétement changé. Des bandages sur le crâne, les yeux noircis par les bleus, les joues violettes, des dizaines de coupures provoquées par les bris de verre, et il était très gonflé. Toutes ses blessures me faisaient mal pour elle.

Une épaule était en écharpe, des bandages sur le reste de ses bras, et ses deux poignets étaient plâtrés. Qu'est-ce qu'il s'était réellement passé pour qu'elle soit dans un tel état ?

« Bonsoir mon amour... »

Je savais très bien que je n'allais pas la réveiller, pourtant, j'avais chuchoté ses mots avant de m'approcher d'elle et de lui déposer un baiser sur le front, juste en dessous de son bandage.

« J'espère que tu n'as pas trop mal... »

Je me retournais cherchant un fauteuil du regard, il y en avait un pas très loin de l'entrée. Je l'approchais et l'installais juste au bord du lit pour pouvoir être au plus près d'elle. Je la regardais, exactement comme je le faisais quand je me réveillais à ses côtés. Malgré ses blessures, elle restait belle.

« Je n'arrive pas à croire ce qu'il s'est passé. Qui aurait pu imaginer que tu aurais un accident peu de temps après Tonio. Je ne sais pas si tu es encore là avec moi, ou si tu te prépares à le rejoindre. J'aimerais que tu restes, et que tu me reviennes, mais on sait tous les deux que tu aimais bien passer du temps avec lui, alors reste un peu avec lui, rigolez un peu tous les deux, mais reviens moi ensuite, c'est encore trop tôt pour toi, comme c'était trop tôt pour lui. J'ai cru que mon monde s'effondrait quand j'ai appris que Tonio avait eu un accident, mais c'était encore plus horrible, quand ton père m'a appelé... »

Je sentais déjà les larmes couler sur mes joues. Deux accidents, le même jour. Deux meilleurs amis blessés, le même jour. Ça ne pouvait pas juste être le hasard.

« Tu te souviens du jour où j'ai appris que je me faisais virer de Red Bull, et que tu as traversé la France et l'Italie pour me rejoindre. Du jour où on s'est embrassé dans les ruelles de Bologne. Ce n'était pas, il y a si longtemps et pourtant depuis hier soir, j'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas entendu ta voix ou vu ton magnifique sourire illuminé la pièce... »

J'attrapais doucement l'une de ses mains. Je faisais vraiment attention de ne pas lui faire mal. Je ne savais pas si elle ressentait la douleur et je voulais éviter de la blesser plus.

« Je ferais n'importe quoi pour revenir en arrière. Pour passer plus de temps à tes côtés. Je n'aurais jamais dû partir au Japon, je n'aurais jamais dû partir sans te prévenir, je m'en suis tellement voulu, quand j'ai compris à quel point je t'avais blessé. Mais j'avais tellement mal, tellement mal de te voir dans les bras de Tonio, vous étiez mes meilleurs amis et je souhaitais vous voir heureux, mais je ne pouvais m'empêcher d'être jaloux, et de te vouloir à mes côtés, dans mes bras... »

Je regardais son visage, elle restait la plus belle femme que j'avais connue, malgré toutes ses cicatrices et ses bleus. Elle était magnifique, même quand elle avait du cambouis sur le visage.

« Je n'ai jamais su pourquoi on nous avait mis tous les deux ensemble quand on s'est rencontré pour la première fois. Mais je ne remercierai jamais assez, celui qui a choisi. Parce que ce jour-là, j'ai rencontré la meilleure mécanicienne qui pouvait m'accompagner sur les circuits. J'ai rencontré la femme la plus douée avec un moteur entre les mains. Tu m'impressionnes tellement quand tu commences à parler d'un moteur ou à travailler dessus, tu es tellement minutieuse et efficace. J'ai toujours été impressionné par ton talent... »

J'avais continué à lui parler pendant des heures, jusqu'à ce que je tombe de sommeil. Entre la course et la route depuis Spa, j'étais à bout de force.

« Il est arrivé vers 21 heures hier soir. Il lui a parlé une bonne partie de la nuit. La dernière fois que je l'ai vu éveillé, c'était à ma ronde de 4 heures, ensuite à celle de 6 heures, il dormait.

- Comment elle va ?

- Son état est stable. Après son énième arrêt cardiaque d'hier à 20 heures, elle n'en a pas refait. Je pense qu'elle a ressenti sa présence d'une manière ou d'une autre, parce qu'elle a vraiment été calme toute la nuit comparée à la journée d'hier.

- C'est possible, ils sont vraiment proches, vous savez.

- J'ai cru comprendre en entendant certains passages de ce qu'il lui disait.

- Je sais que normalement vous n'autorisez que la famille proche, mais pour Élie, Pierre était tout ce qu'elle avait de plus cher. Je ne l'ai jamais vu plus heureuse avec quelqu'un d'autre à ses côtés, et ça depuis la mort de sa mère.

- C'est pour cela qu'on a accepté, on a vu dans votre manière de réagir, qu'il était très important qu'il puisse la voir, et quand je vois comment ils réagissent avec la présence de l'autre, je le comprends. Vous savez, rares sont les patients qui réagissent aussi bien en présence d'un proche. J'ai connu un jeune homme qui avait réagi de la même manière qu'Élie cette nuit. Il faisait des arrêts cardiaques presque toutes les heures, et quand sa sœur jumelle est arrivé à ses côtés, il n'en a plus fait.

- Il s'en est sorti.

- Oui, ça a mis du temps pour lui, mais il s'en est sorti. »

Je m'étais réveillé en entendant du bruit. Je n'avais pas bougé, le temps de prendre conscience de l'endroit où je me trouvais.

En reconnaissant les voix de David le papa d'Élie et de l'infirmière qui m'avait accompagné à la chambre, j'avais compris, et je m'étais relevé pour les voir discuter sur le pas de la porte.

« Bonjour Pierre,

- Bonjour David, bonjour madame. Comment est-ce qu'elle va ?

- Elle est stable pour le moment. Probablement, grâce à ta présence à ces côtés. »

Je hochais simplement la tête et reposais mon regard sur la jeune femme à mes côtés. Réveille-toi mon amour, je t'en supplie.

Winter Practice - Pierre Gasly 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant