Winter Practice - Pierre Gasly 🤍

Chapitre 8 - Un dernier au revoir

* 10 septembre 2019

« Standing on the platform
Watching you go
It's like no other pain
I've ever known »

Le soleil brillait sur la ville de Chartres, c'était, un jour, tellement triste que j'avais imaginé le ciel gris, des gouttes de pluie éparses. Mais non, il faisait beau, comme si quelqu'un avait décidé que cette journée ne pourrait pas être plus triste qu'elle ne le fût déjà. Malgré le soleil rayonnant, l'ambiance de la ville était triste.

Nous venions de quitter le restaurant où nous avions déjeuné en famille, mes parents, David et moi-même. Et je n'avais qu'une envie m'enfermer dans une pièce et pleurer toutes les larmes que je retenais. J'avais eu beaucoup de mal à quitter Élie ce matin, elle avait fait un nouvel arrêt respiratoire juste avant notre départ, et j'avais peur, mais l'infirmière que j'avais souvent croisé, nous avait promis de nous tenir au courant s'il se passait quelque chose.

« To love someone so much
To have no control
You said, "I want to see the world"
And I said, "Go" »

En arrivant devant la cathédrale, j'apercevais des visages connus, les parents d'Anthoine, son frère, sa petite-amie que j'avais croisé quelques fois. Il y avait aussi Charlie, Alex, George, même Esteban était là. Nous n'étions pas vraiment amis tous les deux, mais il s'entendait bien avec Tonio. Je reconnaissais également la famille Alesi, et Mick Schumacher, certains pilotes de F2 amis avec Tonio. En voyant Mick, je repensais à l'accident de son père. Il vivait avec la peur au ventre de ne pas voir son père se réveiller depuis des années. Je l'admirais, il gardait la tête hors de l'eau malgré tout.

« But I think I'm lost without you
I just feel crushed without you
I've been strong for so long
That I never thought how much I needed you
I think I'm lost without you »

J'avançais avec mes parents vers Nathalie, ma mère la pris dans ses bras, puis mon père, moi-même et elle termina par David.

« Comment va Élie ?

- Elle... Elle est dans un état stable pour le moment, elle fait encore des arrêts respiratoires, mais de moins en moins souvent.

- À cause de ses côtes cassées, c'est ça ?

- Oui, les médecins ne peuvent rien y faire, malheureusement. Certaines côtes cassées sont contre ses poumons, entre le choc de l'accident et les éclats de côtes, ça provoque les arrêts respiratoires. Heureusement, c'est de moins en moins souvent.

- J'espère sincèrement qu'elle s'en sortira. Je ne voudrais pas perdre un autre enfant. »

Nous étions tous une grande famille, Louis, Anthoine, Élie et moi, on se côtoyait depuis des années, alors forcément nos familles avaient également tissés des liens.

« Strangers rushing past
Just trying to get home
But you were the only
Safe haven that I've known »

Avec d'autres pilotes, nous étions installés au premier rang. Je regardais le casque de Tonio qui était installé à mon emplacement. Les souvenirs des courses de karting que nous faisions ensemble me revenaient en pleine figure.

Des nouvelles larmes faisaient surface en réalisant que je n'aurais plus jamais l'occasion de rouler à ses côtés, qu'on ne pourrait plus jamais rire ensemble ou faire des conneries comme on en faisait à l'internat. Tout était terminé.

La vie m'avait arraché un ami, un frère, et elle n'avait pas l'intention de me le rendre, de nous le rendre. Je regardais à nouveau le casque d'Anthoine. J'essayais de me souvenir pendant quelle course il avait bien pu le porter, mais rien ne me revenait.

« Hits me at full speed
Feel like I can't breathe
And nobody knows
This pain inside me
My world is crumbling
I should never have
Let you go »

Je sentis une main se poser sur mon épaule et aperçu Victhor, le petit frère d'Anthoine. Je le pris dans mes bras.

« Elle va se réveiller Pierre, ne t'en fait pas.

- Tu...

- Ne t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention de perdre ma grande sœur non plus. Un seul, c'est déjà bien trop.

- Je suis désolé, Thor...

- Moi aussi Pierre, moi aussi. »

Je le serrais à nouveau dans mes bras. Si moi, j'avais perdu mon meilleur ami, lui avait perdu son grand frère. Lui et Élie étaient proches aussi, depuis toutes ses années passées sur les circuits, ils avaient lié une belle amitié. Élie était et est comme une sœur pour lui.

« I think I'm lost without you
I think I'm lost, lost, lost
Ooh, ooh, ooh, ooh, ooh »

Pendant toute la cérémonie, j'ai eu l'impression de sentir mon cœur se faire arracher. J'avais autant mal que le soir où j'ai appris pour son accident, aussi mal que quand j'ai appris qu'il était décédé et qu'Élie venait d'avoir elle aussi son accident.

J'avais eu envie de partir en courant, de m'éloigner de toute cette tristesse, des bruits des pleurs. Je n'en pouvais plus, mais je devais rester, et lui rendre hommage. Je devais être fort, et montrer que je tenais le coup, que je ne me laissais pas envahir par la peine, malgré le manque.

« I think I'm lost without you, you
I just feel crushed without you
'Cause I've been strong for so long
That I never thought how much I love you »

Nous quittions enfin la cathédrale, je rejoignais mes parents aux côtés de la famille d'Anthoine. Nous allions rejoindre le cimetière, pour un dernier au revoir en privé, loin des yeux de la foule venue rendre hommage à notre Tonio. Son cercueil avait quitté la cathédrale sous les pleurs, escorté par ses proches, puis par la police.

Je regardais ma mère cachée derrière ses lunettes de soleil noir, elle était anéantie, presque autant que Nathalie. D'une certaine manière, elle avait perdu un fils elle aussi. On aimait tellement l'adrénaline que nous procurait ce sport, que l'on oubliait un peu trop vite que c'était un sport dangereux. Je m'approchais d'elle et la prenais dans mes bras.

« Je te promets de toujours faire attention, maman. »

Elle ne me répondit pas, mais je sentis à travers son étreinte, qu'elle avait eue besoin d'entendre ses mots. Ce n'était pas grand-chose. Ce sport restera toujours dangereux, mais au moins, on connaissait les risques. Et aujourd'hui plus que jamais.

« Standing on the platform
Watching you go
You said, "I wanna see the world"
And I said, "Go" »

Ce jour-là, j'ai eu l'impression de pleurer toutes les larmes de mon corps, et j'ai pris la décision de ne plus jamais pleurer, pas temps qu'Élie ne se réveillerait pas. Je n'étais pas prêt à perdre une nouvelle personne. Un seul meilleur ami, c'était déjà un de trop. J'allais devoir être fort, et laisser le temps à Élie de guérir ses blessures. Je priais intérieurement pour que cela ne prenne pas trop de temps, mais l'avenir n'était pas prévisible.