Chapitre 17 - Un air d'aurevoir

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* 14 février 2020

Cela faisait bientôt six mois qu'elle était plongée dans le coma. Six mois que mon meilleur ami était mort, et six mois que je vivais avec l'espoir de revoir les beaux yeux de ma petite amie.

J'étais effrayé par l'idée de ne pas la voir se réveiller, et plus les jours passaient plus j'avais peur. J'avais l'impression de vivre la même chose que Charles. Attendre pendant des mois avec l'espoir, puis être complétement anéanti du jour au lendemain.

Après avoir passé deux semaines à Paris, il était temps pour moi de quitter à nouveau la France. Je devais reprendre l'entraînement avant le début de la saison et des essais hivernaux. J'avais passé chaque jour de ces deux semaines à l'hôpital.

Il y avait eu quasiment tous les jours quelqu'un pour rendre visite à Élie, et j'étais heureux de voir autant de monde lui rendre visite. J'étais rassuré de savoir qu'elle n'allait pas être seule alors que j'allais devoir m'absenter longtemps.

Des coups se firent entendre sur la porte de la chambre et je me retournais pour y voir David dans l'encadrement de la porte.

« Bonjour mon garçon, comment tu vas ?

- Bonjour David, ça va. J'ai toujours peur que son état se dégrade pendant que je suis loin, mais d'un côté, je suis aussi heureux, de pouvoir reprendre la saison. Enfin, pour le moment, ce ne sont que les essais hivernaux. »

Il me souriait avant de venir s'installer sur le fauteuil de l'autre côté du lit d'Élie.

« Vous allez à Barcelone, c'est ça ?

- Oui, les deux week-ends de test se font là-bas. Et Pyry veut qu'on s'entraîne le reste de la semaine entre les deux donc je ne pourrais pas revenir, tout de suite.

- C'est une bonne chose, tu dois te remettre en forme, après être resté toutes ses journées, assis dans un fauteuil d'hôpital. Et après ?

- Et ensuite, il n'y aura que quinze jours avant le Grand Prix d'Australie. »

Je soufflais doucement, tout allait s'enchaîner très vite, et bientôt, je ne pourrais plus la revoir aussi souvent. J'avais déjà peur qu'il lui arrive quelque chose alors que j'étais loin d'elle.

« Écoute Pierre, je pense que tu devrais prendre ces deux semaines, pour t'entraîner, te reposer et te concentrer sur la nouvelle saison. Je sais que tu tiens à être là pour Élie, mais tu as besoin de force. Et je m'en voudrais terriblement si tu n'étais pas à 100 % de tes moyens pour la nouvelle saison.

- Je ne veux pas l'abandonner... »

Je baissais les yeux vers le sol, j'avais tellement peur de la perdre ou de la voir se réveiller pensant que je l'avais à nouveau quittée.

« Encore une fois Pierre, tu ne l'abandonnes pas. Tu es un pilote de Formule Un, un des vingt meilleurs pilotes au monde, tu dois te battre pour montrer à tout le monde ton talent, et je sais qu'Élie ne t'en voudra jamais pour ça, et si elle devait douter, alors je serais là pour lui expliquer pourquoi tu n'es pas à ses côtés. »

Je sentais déjà les larmes me monter aux yeux. Je crois qu'à force de pleurer, j'allais finir complètement vidé. Il fallait que je me relève, mais c'était tellement difficile de la voir dans cet état.

Son corps était complétement guéri de ses blessures, mis à part quelques cicatrices encore présentes, elle semblait simplement endormie. Son doux visage avait repris une teinte naturelle, il n'avait plus aucune trace de bleus ou de cicatrices dues aux verres brisés des vitres de la voiture. Elle paraissait sereine.

« Pierre ? Est-ce que tu as eu des nouvelles de Louis ? Je l'ai croisé une ou deux fois, mais je n'ai jamais eu le temps de discuter avec lui.

- Oui et non. Il passe toujours voir Élie, mais je n'ai pas eu d'autres nouvelles de lui. Il s'est à nouveau renfermé sur lui-même. Quand il venait et que j'étais là, il s'installait auprès d'Élie, mais ne disait pas grand-chose. Et sinon, quand j'essaie de l'appeler ou de lui envoyer un message, il répond brièvement, juste un « ça va » pour dire qu'il est encore là.

- D'accord, tu sais, j'ai eu sa mère au téléphone, il y a quelques jours. Ses notes sont remontées, et il ne manque pas les cours, mais elle confirme ce que tu me dis là, qu'il ne parle presque plus, qu'il est complétement renfermé. »

Je comprenais à quel point ça pouvait être difficile pour lui, et j'avais essayé de l'aider à remonter la pente, à lui faire comprendre qu'il n'y était pour rien et qu'il fallait qu'il garde espoir, mais je n'avais pas réussi, et je n'avais pas assez de motivation pour nous deux alors j'avais fini par abandonner. Mais je serais toujours là pour lui s'il avait besoin de moi, ça, c'était certain.

« Tu ne dois pas te sentir coupable Pierre... »

Je relevais le regard vers David. Je ne comprenais pas, comment pouvait-il comprendre ce que je ressentais ?

« On a tous essayé de l'aider, mais il ne semble pas vouloir de notre aide. La dernière fois que je l'ai eu au téléphone, il ne faisait que répéter qu'il était désolé d'avoir presque tué ma fille. Et alors que j'essaie de lui faire comprendre que ce n'était pas sa faute, il a continué à tenir le même discours. Alors ne t'en veux pas de ne pas avoir réussi, ou de ne plus avoir la force de le faire. On ne peut pas toujours sauver les gens qui ne veulent pas l'être. Et tu as déjà beaucoup à faire pour toi-même. »

David avait raison, il avait toujours raison. Et même si je m'en voulais de laisser de côté mon ami, je devais d'abord réussir à me relever moi de tout ce qui nous était arrivé.

« Est-ce que tu te sens prêt à remonter en voiture et à retourner en piste ?

- Je crois oui. J'ai plus peur de ne pas être présent pour Élie, que peur de remonter en voiture. À vrai dire, j'ai hâte de retrouver un peu d'adrénaline.

- Tu es un sportif de haut-niveau, c'est certain que passer des mois sans rouler à grande vitesse, sans retrouver l'adrénaline de la compétition, ça doit te manquer. Et puis nous savons tous que le jour où tu commences à avoir peur, tu arrêtes tout. »

La peur. Le simple fait d'avoir peur pouvait tout changer.

« Votre frère avait peur ?

- Un jour, en montant dans sa monoplace, il a ressenti un grand stress, et pendant toute la course, il hésitait sur certains dépassements. Ce jour-là, il a décidé d'arrêter de courir. Parce que c'était devenu trop dangereux pour lui et pour les autres.

- Mais... pourtant...

- Bien sûr, il n'avouera jamais qu'il avait peur, c'est un homme, et un Anglais surtout. Mais il a eu une once d'hésitation et ça a terminé sa carrière. Il n'était pas déçu que ça s'arrête là au contraire, il préférait ne pas prendre de risque, et s'arrêter sur une bonne note plutôt que sur un accident. »

Petit à petit, je prenais conscience des mots que David venait de prononcer. Est-ce que j'avais peur de monter dans une monoplace ? Non. Je n'avais pas ressenti la moindre once de peur en montant en voiture à Spa l'an dernier. Simplement de la tristesse et de la colère.

Je n'avais jamais eu peur jusqu'à maintenant, l'adrénaline nous poussait à nous dépasser. Je réalisais que tant que je n'avais pas peur, je serais capable de monter dans ma monoplace et à me battre pour chercher une victoire.

Winter Practice - Pierre Gasly 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant