Les Chroniques de Londres T.1 Le fantôme de Whitechapel

CHAPITRE 5

           Sa cliente avait une demi-heure de retard et s'il y avait bien une chose que Lena ne supportait pas, c'était le retard. Pour elle, ne pas se présenter à l'heure à un rendez-vous était un manque de respect. La détective faisait les cent pas. Elle n'arrivait toujours pas à s'enlever son rêve de la tête. Surtout depuis qu'elle avait vu cette pauvre femme aux infos.

          Après son entraînement, elle était rentrée chez elle. La jeune femme avait voulu prendre une douche et avait allumé la télé. Toutes les chaînes parlaient d'Angela Nichols, la pauvre prostituée, assassinée. Bien sûr, Scotland Yard n'avait pas fait de déclaration, mais Lena n'en avait pas besoin. Elle savait pertinemment ce qu'il s'était passé.

           La détective se passa une main sur le visage. Il fallait qu'elle se concentre sur autre chose. Elle aurait aimé en parler à nouveau avec Elliott mais ne voulait pas faire face à ce qu'il lui aurait dit. Pour lui, la jeune femme devait contacter le Yard afin de leur dire tout ce qu'elle savait mais elle ne pouvait pas s'y résoudre. Lena refusait d'avoir à faire à eux encore une fois. L'idée lui était insupportable. Rien que les voir se pavaner à la télé faisait remonter une colère sourde et incontrôlable en elle. Lena ne pourrait jamais leur pardonner ce qu'ils avaient laissé faire. C'était au-dessus de ses forces.

          On frappa à la porte de son cabinet. Trois petits coups secs. Lena leva soudainement la tête et lança un " entrez" froid. La femme qui entra l'insupportait. Certes, elle était belle avec ses longs cheveux bruns et brillants, ses yeux chocolats pleins de vie et son teint de pêche. Elle portait un tailleur de marque fait sur mesure et devait avoir une bonne quarantaine d'année, mais n'avait aucune ride. Son visage semblait être tiré. Lena retint un léger sourire. Encore une femme qui se battait contre les ravages de l'âge. C'est pour cela que la détective n'aimait pas ces femmes riches. Elles pensaient toutes qu'avec de l'argent, elles pouvaient combattre la nature et rester jeune éternellement. Seulement, ce n'était pas comme ça que ça marchait et tôt ou tard, cette pauvre idiote finirait bien s'en rendre compte.

    " Détective, la salua-t-elle sur un ton condescendant.

           Lena se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper une réplique bien sentie. Il fallait qu'elle se contienne si elle ne voulait pas perdre sa cliente. Mais bon Dieu comme elle n'aimait pas qu'on la regarde de haut. La jeune femme ne fit aucun mouvement vers la femme, elle se contenta de pointer le fauteuil réservé au client du doigt :

    –Asseyez-vous madame Landon, je vous en prie, lui dit-elle d'une voix aussi neutre que possible d'où ressortait quand même une certaine froideur.

          L'intéressée obéit, non sans lancer un regard dégoûté au fauteuil. La détective leva les yeux au ciel et s'assit à sa place. Elle sortit le dossier du premier tiroir de son bureau et le tendit à sa riche cliente.

    –Elle s'appelle Lucie Spein, elle a ving-cinq ans et c'est la secrétaire de votre époux. Tout porte à croire qu'ils entretiennent une liaison depuis quelques mois maintenant.

Aucune émotion ne passa sur le visage de mariée trompée. Elle prit le dossier, puis s'empara d'une enveloppe marron qui se trouvait dans son sac. Elle la posa sur le bureau et dit :

    –Vous avez fait du bon train détective Johnson, merci beaucoup."

           Traduction: Merci de m'avoir prouvé que mon mari est un salaud. Du moins du point de vue de Lena. Cette dernière eut à peine le temps d'hocher la tête que sa cliente se leva et partit sans un mot de plus. La jeune femme eut quand même de la peine pour elle. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait à traiter ce genre d'affaire. Mais chaque fois, elle se disait que les hommes devaient être de beaux salauds pour oser faire du mal à leurs épouses de cette manière. Elle espérait ne jamais avoir à vivre ça. Enfin, ce n'était pas comme si elle comptait trouver quelqu'un. Elle avait mieux à faire de toute façon et un homme ne ferait que l'encombrer.