Partie 1 : Pâquerettes

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À toi, dont le prénom inonde encore mes veines.
Comme la brise marine d'un été éternel.


VIII.XVII.MCMXCVII
Santa Barbara, CA.
Oliver et Lily.

Pour Oliver et Lily, ce matin-là représentait à merveille l'une de ces aubes brumeuses. Il y avait bien l'océan, qui frappait avec frénésie l'étendue de sable à quelques mètres d'eux. Il y avait bien la pluie et cette légère odeur iodée qui leur chatouillait le nez. Cela devait être un mois d'août tout ce qui avait de plus classique. Une canicule. Des journées longues, lourdes, suffocantes par moment. Ce matin ne devait pas déroger à la règle. Même sous cette pluie. À l'horizon, il régnait encore la folle ambiance de la sulfureuse nuit précédente, pendant que la lune caressait à sa façon la clarté d'une nouvelle journée. Il n'y avait pas de tempête, pas même un semblant d'orage. Juste cette averse d'un été qui arrive à son terme.

Au bout du Boulevard de Santa Cruz, là où ils avaient tous les deux décidé de se retrouver, le clapotis de l'eau déposait sur le goudron un voile blanc impénétrable. Les gouttes de pluie s'entremêlaient au rivage encore chaud de la veille, tandis que les quelques pavillons au bout du panorama s'éveillaient. La route se terminait sur la somptueuse vue de l'océan, là où n'importe quel amateur de vacances abandonnerait sa voiture pour s'élancer jusqu'à l'eau. On ne pouvait pas rêver coin plus idyllique pour exprimer ce qu'on ressent. Et pourtant, malgré ce paysage de carte postale, aucun des deux jeunes gens qui se toisaient ne semblait captivé par leur environnement. Ils préféraient tous deux, comme toute une nuit durant, évoquer par leurs yeux le désir qui se mêlait maintenant à leur confusion. Ils apportaient par le biais de leurs lèvres scellées l'insouciance qu'ils avaient connue. Ainsi que l'attirance qui les avait menés ici même, face à vents et marées.

— Écoute, commença-t-il, je-

— Non !, l'interrompit-elle. Je sais ce que tu vas dire. Mais nous deux, ça ne devait être l'affaire que d'un seul été.

Il hésita. Cela lui arrivait fréquemment. Comme à la fac, quand une fille qu'il ne connaissait pas lui avait donné son numéro, avec un sourire plus qu'enthousiasme. Ou comme une autre fois, attendant au bord d'un des quais de la gare de Chicago, un clodo éméché lui avait prêté une cigarette en lui faisant promettre de la lui rendre plus tard. Comme toutes ces fois-là —et bien encore d'autres— où il avait semblé si indécis, Oliver marqua une pause pour réfléchir. Il n'avait pas grand-chose à lui rétorquer, c'était peu de le dire. La jeune femme devant lui n'était qu'un amour de vacances. Un magnifique et regrettable amour de vacances. Aussi éphémère qu'un cœur dessiné par un enfant dans le sable, submergé la nuit suivante par la houle. Et même si sa cage thoracique était étrangement serrée après avoir entendu les pensées de celle dont il ne pouvait se séparer, il savait que tout ceci était sur le point de se terminer, qu'il le veuille ou non.

— Oui, acquiesça-t-il en voyant qu'elle attendait une réponse, un seul été... Sûrement.

Bien que la pluie rendait de plus en plus difficile leur conversation, sans compter les nombreux aller-retours des vagues, elle ne laissa aucune place ni à sa tristesse ni à son désespoir. Les bras croisés, elle se permettait de temps en temps le luxe d'essuyer son visage, pendant que l'eau dégoulinante de ses cheveux détachés imprégnait de plus en plus son débardeur. De toute façon, elle savait qu'elle n'avait pas fière allure. Ils avaient tous deux chaviré, ils avaient fait escale sur cette île sans cap, cette réalité qui mène dans les abysses. Et, s'ils se voulaient honnêtes envers eux-mêmes, ils savaient que n'importe qui les ayant croisés à cet instant précis, aurait vu en eux la même chose : deux jeunes gens aux regards tristes. Incapables d'avouer à eux-mêmes que cet été n'aurait jamais dû se terminer aussi vite.

Blooming (Shoto fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant