10. Une main tendue

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« ... car ils étaient unis par un fil qui ne pouvait exister qu'entre deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l'autre. », Paolo Girodano.

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Bien que les souvenirs de ce jour-là furent pendant très longtemps flous, je me rappelais très nettement d'avoir été amenée jusqu'à des ambulanciers. Je me souvenais aussi d'avoir dû tirer la langue, suivre le doigt ganté d'un médecin, et aussi le laisser s'occuper de mes quelques éraflures. Mais si quelqu'un m'avait demandé ce que je me rappelais le mieux de ce jour-là, c'était la cohue.

Une cohue partout. Des sirènes créant un jeu de lumière incomparable. Des journalistes déjà prêts à faire la une du soir. Des médecins débordés par la situation. Des roulettes de brancards tapant contre les résidus arrachés de bitume. J'entendais crier, hurler même. J'entendais d'autres personnes pleurer. Il y avait des corps transportés d'urgence à l'hôpital. Il y avait du sang éparpillé un peu partout. Il y avait de la poussière qui voltigeait dans les airs. Le soleil tapait pourtant si fort. Nous aurions tous dû mourir de chaud sous cette canicule. Toutefois, la seule chose qui nous tuait, c'était la triste réalité à laquelle nous avait convié le destin.

— Hayami ?! C'est bien toi ?

N'étant pas très sûre que c'était à moi qu'on s'adressait, je relevais le menton vers mon interlocuteur. Mes prunelles étaient si accablées que je ressentais quasiment le besoin qu'un type me mette des lunettes pour reconnaître la personne accroupie devant moi. Néanmoins le doute n'avait pas sa place. En scrutant un instant ses cheveux dorés, et la mèche noire en forme d'éclair sur le côté de sa tête, je ne pouvais que découvrir le visage suant de Denki.

C'est pas possible... Pourquoi fallait-il que ce soit lui qui m'aborde ?

— Salut., lui répondis-je en ne marquant aucune intonation.

Il fronça les sourcils, ce qui manqua de peu de faire retomber les lunettes de son costume sur son nez.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Toi aussi tu fais partie des victimes ?

Non, j'avais prévu de faire un poker, mais mince ! Quelqu'un avait déjà prévu de détruire le périphérique.

— Aujourd'hui, c'était le jour des livraisons., l'informais-je.

Sa bouche, abaissée dans une forme chagrinée, me rappela combien je devais avoir l'air en piteux état.

— Merde... Est-ce que tu veux que je te ramène quelque part ?

Bien que je m'étais réfugiée non loin d'un véhicule des ambulances et que j'avais préféré ne pas regarder derrière moi les nombreux journalistes agglutinés pour couvrir l'événement, c'était bien Denki qui me dérangeait le plus.

— Non merci. Va faire ton travail.

— Mais-

— Il y a un problème ?, l'interrompit une seconde voix, un peu plus grave.

J'haussais immédiatement les yeux tout en apercevant la silhouette encore plus lessivée de Shoto. Entre-temps, le costume sur son épaule droite avait été arraché. Ses cheveux bicolores flottaient aux légers mouvements de ses pieds. Et son visage, d'ordinaire si complexe, affichait maintenant un désordre sans équivoque.

— Oh, mec !, le salua Denki. Qu'est-ce que tu fais là ? L'incendie est déjà maîtrisé ?

Le "déjà" semblait de trop.

Blooming (Shoto fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant