Blooming (Shoto fanfiction)

2. Hétéroclite

Il faisait encore nuit lorsque j'avais inséré la clé dans la serrure de la boutique, le lendemain matin. La veille, après le départ de mon seul client, je m'étais empressée de fermer le magasin et de rentrer. J'avais laissé derrière moi le tas de tâches qu'il me restait à faire, ainsi que les innombrables questions qui me trottaient en tête. Hier avait été une mauvaise journée, c'était sûr, mais je m'étais sans doute angoissée pour rien. Après tout, le type était reparti l'air de rien chez lui. Il n'y avait aucune chance pour que le coup de téléphone anonyme et sa venue soient corrélés.

De toute façon, si quelque chose de similaire était sur le point de survenir, j'avais prévu de me montrer impitoyable.

Alors en ce lendemain matin, surtout pour contrebalancer la veille, j'avais pris les devants sur tout le monde. Il était si tôt que j'avais été en mesure d'éviter la foule de huit heures à Shibuya. J'étais même dans les premières arrivées à la supérette du coin et, contre toute attente, j'avais également eu le temps de flâner un peu dans les rues. Tout au long du chemin, je fus accompagnée par le sempiternel bruit des voitures en direction du travail, et des klaxons en pleine rébellion. Il était encore très tôt, mais je reconnaissais déjà Tokyo. Cette même Tokyo énergique et insatiable que je ne connaissais que trop bien.
Juste avant d'atteindre la boutique, je fus contrainte de m'arrêter devant le stand de l'un des plus vieux maraîchers de Yanesen, un type à la fois bienveillant et droit dans ses bottes. Malgré notre différence d'âge, il avait été sensible à l'aura crispée qui se dégageait de mon faciès fatigué. Au cours de notre petite discussion, il avait vite embrayer sur les études de son petit-fils adoré, qui ne se plaisait pas en fac de droit. "Mais bon, le plus important c'est de subvenir aux besoins de sa famille !", avait-il ajouté en voyant que j'allais partir sans lui adresser la moindre marque de politesse.

Aux alentours de neuf heures, à peu près lorsque j'avais fini de réorganiser l'atelier au magasin, j'entendis les retraitées du quartier prospecter le long de l'allée. Elles racontaient à qui voulait bien les écouter que notre monde était parasité par le mal. Que les médias de la capitale, les policiers ainsi que les héros qui rôdaient dans toute la ville s'étaient tous accordés sur le fait de ne pas agir. Pour être honnête, je savais très bien de quoi elles parlaient. Plusieurs semaines auparavant, une série de morts avait touché les quatre coins du Japon. Selon les autorités, leurs décès avaient tous un point commun : une prise de stupéfiants dénommés « death pink ». Il s'agissait d'une sorte de cachet à avaler, de couleur rose, qui avait repris du service ces dernières années.
En écoutant leurs simagrées, un malencontreux soupire s'échappa de ma bouche. Elles avaient sans doute raison de s'en faire pour leurs proches, surtout pour les plus jeunes. Pourtant je savais pertinemment que ce genre de tentative resterait vaine. Après tout, qui voudrait écouter les délires de vieilles dames sur le point de passer l'arme à gauche ?
Aussitôt, en me faisant cette réflexion, un bruit venant de ma droite écourta cet instant. J'eus à peine le temps de me pivoter qu'un visage apparut dans mon champ de vision. Il me fallut qu'un bref moment pour discerner ses cheveux blonds décolorés, qui contrastaient avec le foncé de ses yeux noisette.

— Bah alors, Haya, une après-midi sans moi et t'es déjà toute flippée ?!, lança avec humour la jeune femme qui venait de pénétrer dans l'atelier.

Durant une fraction de seconde, j'eus un mal fou à dégager ma main de ma poitrine, qui tambourinait à tout rompre. Il ne s'agissait pourtant pas d'un inconnu venu m'apporter son nouveau lot de malheurs, mais bien de Mei, ma meilleure amie depuis le collège.
Pendant que je soufflais l'anxiété qui m'avait gagné, la peau hâlée de mon amie se fit plus détaillée. Je la découvrais aussi resplendissante que les jours auparavants, avec le fameux sourire jusqu'aux oreilles qui l'accompagnait en toute circonstance.