Chapitre XXII - La vie n'est pas rose

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BASIL

Esméralda n'aimait pas Noël. Après la mort de nos parents, elle avait décidé d'ignorer cette fête. Ça m'importait peu, je n'appréciais pas nos géniteurs de toute manière. Ils avaient l'habitude de jouer la comédie, celle de la jolie petite famille à table lors d'un dîner copieux, pour ensuite apprendre à leurs enfants les rudiments d'un assassinat. Ça me rendait malade. C'était alors évident que je me foutais pas mal de cette fête. Même si Tori m'avait supplié de l'accompagner au Réveillon, j'étais resté dans ma piaule, ce n'était pas cette petite femme qui allait gâcher ma soirée.

Nous étions dorénavant la veille de la rentrée, les élèves affluaient dans les couloirs et je pouvais sentir l'appréhension de Tori. Nous étions dans sa chambre, elle avait les yeux posés sur un livre et j'étais allongé sur son lit, m'amusant à l'agacer à faire léviter ses affaires. J'observais souvent Tori et son enthousiasme me sautait aux yeux dans ces moments-là. J'y réfléchissais parfois, et je savais que cette partie d'elle me touchait et m'intéressait. Il était rare de voir des personnes de sa qualité dans ce bas monde. Cet optimisme à toute épreuve, elle me semblait intouchable. Je me rendais compte aujourd'hui, elle avait peur mais ne reculait jamais. Ces pas étaient parfois lents, mais ils allaient toujours vers l'avant. Notre monde avait besoin de personne comme elle, mais ça me faisait chier de penser qu'elle pourrait se sacrifier pour ce monde merdique.

Tori passa sa main dans ses cheveux épais, elle m'avait expliqué qu'elle voulait les laisser pousser. Malgré cela, elle ne faisait que de se plaindre de leur longueur. Les élèves faisaient un bruit monstre dans les couloirs, j'imaginais mal le raz-de-marée derrière cette porte. Je n'avais pas quitté Tori de la journée, l'arrivé des élèves me rendait nerveux, je ne voulais pas que des petits cons se sentent pousser des ailes à la vue de ses yeux. Lorsque je me souvenais de mes parents et de leur pouvoir, je devinais alors les dons de manipulation que pouvaient avoir les leurs. Remplissant l'esprit de leur gosse durant deux semaines de discours haineux.

― Tu vas me coller aux basques encore longtemps ? La voix de la petite Demesse interrompit mes pensées.

Je ricanais en faisant tomber le stylo que je faisais léviter au-dessus de sa tête. Elle me lança un regard noir.

― Y'a des chances, ton lit est vraiment confortable. J'espère que Gabriel ne sera pas jaloux, raillais-je partiellement aigris.

Tori leva les yeux au ciel.

― Gabriel est un idiot, et il n'y a rien entre nous.

― J'espère pour vous, mais j'ai quand même l'impression que ce n'est pas terminé pour lui.

― Qu'est ce que tu en sais ? Tu as lu dans ces pensées ?

Un sourire moqueur naquit sur mes lèvres. A qui le disait-elle.

― Évidemment. Je pense que tu es bien trop gentille avec lui.

Tori souffla bruyamment, ce sujet semblait la mettre dans tous ses états.

― Je ne pense pas que ça te regarde de toute manière.

Tori ferma son livre soudainement, elle tourna sa chaise vers moi pour me faire face. Elle était en colère, je pouvais voir son aura trembler sous l'émotion. Je levais les mains en l'air, résigné.

― Excusez-moi madame, je ne voulais pas vous froisser.

Je riais doucement, bien sûr que ça me regardait, Tori et Gabriel étaient mes amis, et si je voulais foutre mon nez dans leur affaire, j'allais bien me gêner. J'allais bientôt crever de toute façon, autant m'amuser un peu avant l'heure fatidique. Merde, Tori me lança un regard inquiet le temps d'un instant, comme si elle avait entendu ma pensée. N'arrêtait-elle jamais de réfléchir ?

Deux Joyaux Violets - Tome I : Une Jeune Fille ÉtrangeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant