Chapitre 3 : Cuéntame.

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C H A P I T R E  3 
CUÉNTAME





















KATARINA

Sur le marbre froid je promenais mes doigts. Un frisson me parcourut le long de l'échine, alors que je retraçais lentement les lettres qui formaient le nom inscrit sur la pierre tombale.

"Rosa Esmeranza Vasquez".

Ma mère. En cinq ans, c'était la première fois que je venais ici. C'était la première fois, que j'affrontais ma peur pour mettre les pieds dans un cimetière. J'appréhendais ce moment, et à cet instant précis,  je comprenais pourquoi. Les sentiments qui se mélangeaient en moi, me faisaient y voir flou. Un mélange étrange d'amour extrême et de haine profonde. Deux opposés entrant en une osmose parfaite.

Mes lèvres tremblaient, retenant un sanglot. Pendant une quinzaine de minutes, je lui avais dit absolument tout ce que je retenais enfoui en moi. Et maintenant, j'étais partagée entre soulagement et culpabilité. J'essayais de me rassurer, en me disant qu'il était plus que probable qu'elle n'ait rien entendu de tout ça, et que je venais seulement de débiter tout cela à une simple pierre... Peut-être.

A quelques centimètres seulement, se trouvait la tombe de celui qui se trouvait être mon père. Lui, je n'avais rien à lui dire. Alors j'avalais ma salive douloureusement, et je me relevais lentement. Je regardai une dernière fois ces deux pierres de marbre, avant de me retourner en entamant mon chemin vers la sortie.

Le sol était nappé de tombes, renfermant chacune une personne dans sa dernière demeure. Peut-être existait-il un autre monde sous terre ? Mais au final, peu importe, nous n'y échapperons pas à cette mort certaine. Autour de moi, subsistait la dernière preuve de la vie de chaque personne, alors même que tout le monde avait déjà oublié leur existence. Nous étions bien trop concentrés sur notre propre personne pour se poser un instant et honorer la mémoire de ceux qui avaient déjà quitté ce monde. Le monde continuait de tourner, avec ou sans eux, après tout. Mais pas le monde de leurs proches...

Le haut grillage apparut devant moi, et en franchissant la sortie, je me sentais libérée d'un poids. Sortie de ce monde silencieux qu'était le cimetière, j'entrepris de prendre la route vers chez moi.




— Tu peux me dire où tu étais ?

Je refermai la porte derrière moi, alors qu'Enzo s'approchait de moi.

— Alors ? Tu étais où Kat putain ?

— J'étais au cimetière Enzo. Pourquoi tu cries comme ça ?

Il s'arrêta à quelques mètres de moi, comme surpris par ma révélation.

— Au.. cimetière ?

Son visage devenait pâle, et il déglutit difficilement. Il semblait réaliser peu à peu le poids de mes paroles.

— Qu'est-ce que tu faisais au cimetière ?

— Je suis allée voir nos parents.

— Nos parents.. dit-il dans un souffle. On est orphelins, on n'a pas de parents. Ouais.. on est putain d'orphelins.

J'observai son visage déformé par la colère et la tristesse profonde. Un pas après l'autre, je m'avançai lentement de lui.

— Je sais que tu es énervé. Je sais que tu es blessé. Mais tu sais quoi ? Je crois que c'est mieux comme ça. Tu crois que si ils avaient été là, toi et moi on aurait été aussi proches ? Je crois pas. Papa te préférait à moi. Je n'étais qu'un échec. Mais ça me va. Parce que je t'ai toi. Alors Enzo. Tourne la page, commence un nouveau chapitre. Ou mieux, jette ce livre, brûle-le, réduis-le en cendres, et prends en un autre.

𝐏𝐑𝐈𝐌𝐀𝐕𝐄𝐑𝐀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant