Chapitre 23 : La casa verde.

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C H A P I T R E 23
LA CASA VERDE






















KALEN

Quinze ans plus tard, tout avait changé.

Ce quartier était passé de familial à morbide en quinze putains d'années. Je ne reconnaissais plus rien.

Les rues désertes rendaient la ville fantomatique, et le calme régnant donnait envie de se plomber. On errait dans les allées sombres, vides de monde en direction de chez moi, où plutôt, de ce qu'il en restait.

Tout paraissait plus fade que dans mes souvenirs. C'était comme si on avait retiré sa vie à cet endroit, le laissant pour mort.

Ma spécialité...

Pourtant, un tas de choses me rappelaient mon enfance. A commencer par ce terrain de foot en plein centre de la place. La nature avait repris ses droits sur lui ; il était enseveli sous les mauvaises herbes. J'y venais souvent avec Dante, même si il passait le plus clair de son temps à draguer en me laissant totalement en plan.

Aucun de nous n'aurait pu prédire ce qui allait nous arriver par la suite. On aurait sûrement choisi de faire les choses différemment. Mais la vie est une chienne, elle ne laisse pas le choix.

Plus on s'enfonçait dans les ruelles, plus je sentais une sensation étrange m'envahir.

  L'amertume. Le regret. La rancœur.

Tout ça mélangé donnait un cocktail explosif. Et Dieu sait que je me contenais d'imploser. Tout ça, tout ce que je me tuais à refouler depuis des années refaisait surface, alors même que je voulais tourner le dos à ce passé qui me hantait.

Je devrais pourtant savoir que c'était impossible, qu'il finirait toujours par me rattraper quoi qu'il arrive.

J'eus l'impression de manquer d'air quand mon regard tomba sur cette maison, celle que mon père avait offert à ma mère. Un cadeau empoisonné. 

La casa verde.

Quand je poussai le petit portail gris, une décharge d'ondes négatives s'immisça en moi. Je me revoyais jeune, naïf, ne me doutant pas à quel point l'homme pouvait être perfide.

Je jouais dans ce jardin, ignorant, ou peut-être que je faisait semblant d'ignorer parce que je ne voulais pas savoir ce qu'il se passait réellement entre ces murs. Les images me revinrent une à une, comme des flash succincts.

Mes mains se mirent à trembler sans que je ne sache vraiment pourquoi. Penser à tout ça, revenir ici était une mauvaise idée. Mais c'était ça où tout le monde mourrait, moi y compris.

Je marchai sur les dalles du jardin, suivi de la petite -dont j'aurais presque oublié l'existence si elle ne faisait pas que de renifler depuis qu'on avait atterri. Je sortis les clés de ma poche à contrecœur et tentai de les insérer dans la serrure. Mes mains tremblaient tellement que c'en était impossible.

— Putain, pestai-je entre mes dents.

Foutus traumatismes.

Paraître aussi faible devant les gens me les brisait. Paraître aussi faible devant elle me foutait à bout de nerfs. Et d'ailleurs, je l'entendais glousser dans mon dos face à mon incapacité à faire une chose aussi simple que de foutre une clé dans la fente.

𝐏𝐑𝐈𝐌𝐀𝐕𝐄𝐑𝐀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant