Néant

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Première page

C'est la première fois que j'écris. Enfin non. Je pense que j'ai déjà dû écrire auparavant. Mais je ne m'en souviens pas. Je n'arrive plus à me rappeler si j'ai déjà écrit, ni qui m'a appris à écrire.

D'ailleurs, je ne sais pas qui je suis ni où je suis.

Est-ce que c'est déjà arrivé à quelqu'un de se réveiller dans une pièce toute blanche, sans fenêtre et sans aucun souvenir ? 

Tout à l'heure, j'ai essayé d'ouvrir l'unique porte qui pourrait me mener à l'extérieur. Enfin... J'ai essayé. Mais elle n'a même pas de poignée.

J'ai quand même frappé à la porte. Au cas où on m'ouvrirait depuis l'autre côté.

Mais personne n'a répondu.

Je suis seule.

Et je crois que j'ai un peu peur. Mais je ne suis pas sûre de ce que je ressens. Peut-être que je suis triste ?

M'a-t-on oubliée ?

Si c'est le cas, pourquoi j'ai retrouvé ce carnet et ce stylo près de moi, à mon réveil ?

La blouse blanche que je porte commence à me gratter.

~~~

Je suis retournée m'allonger sur le lit dans lequel je me suis réveillée. Que puis-je faire d'autre de toute façon ? J'attends calmement.

Je me suis faite une raison : quelqu'un va forcément venir me chercher ou me parler. J'espère.

Une éternité passe. Je finis par fermer les yeux.

~~~

J'entends quelqu'un approcher. Enfin presque. Plusieurs personnes ? Leurs pas s'approchent de la pièce dans laquelle je me trouve, ils s'approchent, de plus en plus lourds quand ils touchent le sol. Leurs vibrations se propagent tout le long du couloir extérieur, elles traversent la porte, ma pièce et atteignent mes oreilles.

Comment se fait-il que je sache qu'ils traversent un couloir ? Ai-je déjà été au-delà de ses murs ?

J'entends leurs mouvements. J'ai l'impression qu'un escadron va débarquer dans ma pièce. D'un moment à l'autre.

Depuis que je me suis réveillée, je souhaitais tellement (re)connaître la personne qui viendrait m'ouvrir mais à présent, j'ai peur.

Je sens leur détermination. Que comptent-ils faire ? 

Ils se sont arrêtés. L'un d'eux compose un code juste devant ma chambre.

Je n'ai nulle part où me cacher. Dans la hâte, je me suis levée et en une fraction de seconde, j'ai pu me réfugier sous le lit.

La porte fait un bruit étrange, comme si elle avait été déverrouillée. Elle s'ouvre de l'extérieur.

J'ai peur.

Un, deux, trois, quatre, cinq et une dernière personne entre. Six au total.

La porte se referme derrière eux.

Je me cache derrière mes mèches de cheveux. Je respire le plus silencieusement possible. Avec un peu de chance, ils ne m'ont pas vue et ils vont faire demi-tour ?

- Raphaelle ? demande gentiment une voix de femme.

Hein ? Qui est Raphaelle ? Ce n'est pas moi, impossible. J'aurais reconnu mon prénom si on m'avait appelée.

La femme qui a parlé se rapproche du lit, mais pas trop quand même.

Je recule le plus possible, jusqu'à ce que mon dos touche le mur derrière moi.

La femme s'accroupit lentement. Je peux voir son visage. Ses cheveux courts et blonds. Elle me m'observe sans me juger. Et finalement, elle sourit.

- Raphaelle ? Tout va bien ?

Je ferme les yeux. C'est juste un rêve. Juste un rêve. Juste un rêve !

- Est-ce que tu peux sortir de ta cachette ? Nous allons t'accompagner pour que tu puisses déjeuner. Sauf si tu n'as pas faim ?

Je n'ai pas faim. Mais je veux sortir de cette pièce.

J'ouvre les yeux et à mon regard, elle comprend que j'accepte sa proposition.

Je sors lentement, sans mouvement brusque. J'ai toujours l'impression que les cinq autres personnes me fixent comme si j'étais méchante. Leurs regards me pèsent.

Lorsque je me relève, je constate que j'ai deux têtes de plus que la femme.

Suis-je grande ? Ou est-elle simplement petite ?

Une phrase me brûle la langue. Je recule.

- Qui êtes-vous ?

Elle paraît surprise mais sourit à nouveau, cette fois tristement.

- Je suis Héloïse. Une de tes amies proches. 

- Mais pourquoi je suis ici ?

Son regard s'attriste.

- Il faut que je te dises ce qu'il t'est arrivée... Tu as eu un accident... Il y a quelques semaines, un homme armé t'a attaqué et ton mari t'a retrouvé une heure après. Tu avais perdu beaucoup de sang... J'ai cru, non, on a cru qu'on t'avait perdu pour toujours...

De l'eau coule de ses yeux.

Je l'observe sans savoir quoi dire, ni quoi faire. Je reste silencieuse. J'essaie de comprendre ce qu'elle vient de me répondre. Un accident. Un homme armé. Mon mari. Du sang.

La femme, enfin Héloïse, finit par s'essuyer les joues et me regarde avec soulagement.

- Excuse moi. Je suis heureuse de voir que tu vas mieux. Ta blessure a dû se refermer depuis le temps.

Quelle blessure ? 

À peine ai-je le temps d'en apprendre davantage, que l'une des personnes derrière mon amie Héloïse, s'avance vers moi. Un pistolet dans sa main, me visant. Quoi que non, pas un pistolet.

- Que-

- J'adore ce ton de violet-marine, il me fait penser au ciel d'été, la nuit.

Une douleur vive dans mon ventre. Une fléchette violette. Du rouge. Le bruit de ma tête contre le sol. La nuit.

Aeternus et Umquam - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant