Aden met en pause le reportage. Pour la trentième fois depuis le début. Il me regarde, inquiet pour moi. Je crois qu'il pense que je suis choquée ou que je ne vais pas supporter l'idée de voir chaque catastrophe. Ou leurs conséquences colossales.
C'est vrai que j'étais surprise à la première et à la seconde Catastrophe, mais plus elles défilent et moins je le suis.
- Est-ce que ça va pour l'instant Raphaelle ? Tu veux toujours continuer ? me demande-t-il d'une voix douce.
Je regarde l'image en pause. Un trou dans l'eau (qui se trouve normalement dans la mer) en plein milieu des gratte-ciel. Sans les cris des témoins ou le son des alarmes de voitures emportés par les flots, la scène me paraît paisible et sans danger.
- Oui Aden, ça va. Tu peux remettre play ?
Il attend quelques secondes, hésite et se décide enfin à mettre la suite. D'un autre point de vue, on peut penser que c'est mon mari qui ne supporte pas ces évènements.
Un bus est englouti. Un immeuble avec de grandes lettres dorée (la Troump Tower) s'écroule, provoquant un raz-de-marée se forme. La caméra du témoin en proie à la vague s'assombrit, tout l'écran se pixellise.
- Comme vous le voyez chers télespectateurs, New York va mal. Aussi mal que les autres grandes villes du monde. Les capitales sont visées une à une, c'est comme si des bombes à retardement avaient été placées et-
L'image se brouille.
Aden m'a expliqué que ce reportage était une compilation de plusieurs journaux télévisés présentant les Catastrophes à travers le monde.
Nouveau journal télévisé, plus récent cette fois, il date de quelques jours avant mon réveil à l'hôpital.
- Bonsoir Mesdames et Messieurs. Ce soir nous avons le plaisir de recevoir Cécile Béland, la déléguée du ministère de l'environnement et de l'écologie. Bonsoir Madame Béland, merci d'être venue, annonce le présentateur.
- Bonsoir, répond-elle en esquissant un sourire.
- Il y a un peu plus d'un an, plusieurs incidents climatiques s'étaient produits dans plusieurs grandes villes dans le monde.
Le sourire de l'invitée, Madame Béland, s'est peu à peu effacé. Des images commence à défiler alors que le présentateur continue d'énumérer les faits de l'année dernière.
Un tsunami à Bombay. Une tornade géante à Paris. Un séisme à Rio de Janeiro. Un incendie ravageur en plein Arctique. Des vidéos témoignages passent, j'entends des cris d'enfants, de familles. Des bâtiments qui s'écroulent (encore).
Cette fois, je prends la télécommande. J'éteinds la télé. Une migraine commence à s'installer au beau milieu de mon crâne.
C'est donc ce qui s'est passé quand j'étais dans le coma.
- On a eu beaucoup de chance de ne pas habiter dans l'une de ces villes.
- Oui, c'est vrai, avoua Aden.
Son regard fixe le vide.
- Pourquoi ne pas m'en avoir parlé plus tôt ? Depuis mon réveil, tu m'as raconté presque tout ce qui s'est passé en mon absence, sauf ça.
- Honnêtement, j'avais peur. Tu as eu cet accident, tu as failli y laisser ta vie et heureusement non. Mais tu as perdu ta mémoire et tu n'as pas recouvré tous tes souvenirs et encore aujourd'hui je m'estime heureux que tu ne m'ais pas oublié... Alors te montrer des vidéos d'un milliard de personnes qui perdent leur vie entière, je ne songeais pas vraiment à t'exposer face à ce scénario.
- Un milliard...
- Un an est passé depuis, mais des enquêtes continuent de compter le nombre de victimes sous les décombres. Sans compter celles qui ont survécu et qu'il faut désormais aider.
J'écoute Aden attentivement. Le son de sa voix, ses arguments et même l'émotion que je perçois au fond de ses yeux. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens mal. Est-ce que c'est parce que j'ai vu ces images ou par son récit à lui ?
Je ne sais pas.
Voyant mon regard perdu, Aden me prend dans ses bras. Je ferme mes yeux et nous restons comme ça un moment, sans rien dire.
- Je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé plus tôt. J'aurai dû te dire la vérité. Mais après tout, nous n'habitons pas en zone dangereuse. Et ceux qui sont habitent encore aux alentours de ces zones sont régulièrement approvisionnés et aidés par les associations. Les choses s'arrangent. Petit à petit.
Je ne dis rien. Mais ce qu'il vient de dire vient de me donner une idée.
- C'est ça ! Tu as raison, admis-je avec enthousiame.
- Hein ?
Aden recule et me regarde en haussant le sourcil. Je crois qu'il ne comprend où je veux en venir.
- Devenons responsables ! C'est bien à cause de nous que le changement climatique s'est développé à ce point !
- Attends quoi ? Mais Raphaelle ! Tu as pensé à ton état de santé ?
Je me lève et lui fais face.
- Écoute moi bien Aden John Rosalie Lanslave. Arrêtons de nous mentir et regardons la réalité.
- Mais ? Comment connais-tu mes autres prénoms ?
- Là n'est pas la question Aden. Je vais créer une association pour aider les victimes du climat !
Maintenant c'est lui qui me regarde sans rien dire. Il se gratte la tête, il réfléchit à ce que je dis.
- Mais Raphaelle, tu ne peux pas... Tu n'es pas en état de-
- Tu viens de le dire toi-même Aden ! Les choses s'arrangent petit à petit. Peut-être, avec un peu de chance... Je retrouverai la mémoire aussi petit à petit ? Je serai avec d'autres personnes et au moins je pourrai me rendre utile !
Aden réfléchit à ma proposition.
- Je pense que des associations existent déjà dans le coin. Je pourrais peut-être t'en trouver une ? Enfin pour me racheter ?
- Intéressant. Mais s'il y a des évènements que tu ne m'as pas encore révélés, je veux que tu m'en parles maintenant.
- Mis à part les Catastrophes, je t'ai tout raconté. Je te le promets.
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Aeternus et Umquam - Tome 1
General FictionSi vous vous étiez réveillé(e) dans une pièce qui vous est inconnue, sans aucun souvenir et seul(e) : comment réagiriez-vous ? Raphaelle (c'est le prénom qu'ils lui ont donné) est confrontée à cette situation. Aucun indice ne lui est donné. Aucune...