Aeternus et Umquam - Tome 1

Avancer

J'aurai aimé me sentir mieux. J'aurais aimé avoir une personne de confiance à mes côtés. Je ne vois pas cette personne. Ni en Aden, ni en Audrey. Et je me vois très mal repartir consulter un docteur. Je ne suis pas Le problème.

Je me contente seulement de vivre sur la scène qu'ils ont décidé de créer pour moi. Je ne suis qu'une actrice. Mais même là, je ne peux pas décider de partir. J'ai un mari, un travail et des collègues envers qui j'ai des devoirs.

Chaque nuit et depuis des mois, je repense au rêve que j'ai fait, celui où j'ai vu mon autre moi. La dernière fois où je l'ai vu. Et je repense à ce qu'elle m'a dit : je dois avancer. Mais comment dois-je m'y prendre ? En continuant à vivre ici, à Beaufort ? Ou en quittant cet endroit ou ce pays ? Et pour aller où ?

Je ne sais plus où aller. Je me perds et je me suis perdue. Littéralement.

Même si c'est dur, je dois avancer.

Je regarde les céréales flotter dans mon bol de lait. 

- Tu n'as pas faim ? me demande Aden.

Je ne le regarde pas mais je sens l'inquiétude dans sa voix.

- Je n'aime plus ces céréales, je pense que je devrai changer... De céréales.

- J'ai fini de déjeuner, tu veux qu'on aille faire des courses ?

- D'accord, je vais m'habiller.

~~~

Je cherche une tenue dans ma penderie. Il fait froid à l'extérieur, je le sens sans même regarder par la fenêtre. Je prends un collant, un sous pull blanc et une robe beige en laine.

Une fois prête, je chausse des bottines et rejoins Aden.

- Tu ne vas pas avoir trop chaud ? 

Le ciel est bleu, sans nuage. Mais ce qui me contrarie, ce sont ces questions parce que l'espace d'un instant, j'ai l'impression qu'il est en présence d'une inconnue. Et c'est le cas.

Je souris, j'essaie de me montrer rassurante.

- J'ai un peu froid en fait, mais c'est rien. On y va ? 

Alors nous prenons la voiture et nous partons au supermarché du coin. Nous faisons quelques courses.

Le reste de la journée se déroule paisiblement. Une journée banale pour un couple marié. Une scène que nous jouons naturellement à la perfection, comme dans les séries que je visionnais autrefois sur Cornflix. 

Nous mangeons à l'extérieur, nous allons au cinéma et nous nous embrassons.

La romance physique est bien là mais intérieurement, je suis détachée de mon propre corps.

J'avance désormais de cette manière, je ne sais pas jusqu'à quand je pourrais. Mais je dois avancer.

Le film se termine assez tard et lorque nous quittons le cinéma, les nuages ont déjà recouvert le ciel d'automne. Un vent froid souffle et emporte des feuilles sur son passage. D'autres personnes se hatent pour trouver un abri.

- On dirait qu'une tempête se prépare. On devrait rentrer nous aussi, propose mon mari.

Je hoche la tête.

Avant de rentrer dans la voiture, je m'arrête et lève la tête. Un point blanc tombe sur mon nez. D'autres plus gros rejoignent rapidement le sol. Il neige.

Aden essaie de nous faire regagner la maison le plus vite possible mais la neige s'amoncelle facilement sur la route. Au lieu de ça, nous nous retrouvons bloqués dans les bouchons, en ce début de soirée.