Aeternus et Umquam - Tome 1

Brouillard

On ne se rend jamais compte des choses qui nous entourent. On pense tout connaître et connaître tout le monde. Mais du jour au lendemain, la vie en décide autrement. Les personnes qu'on aime le plus deviennent celles qu'on déteste, parfois même, sans savoir pourquoi. Ou alors on se voile la face et on essaie d'effacer cette raison. Trop noire, trop tragique et remettant en cause toute notre vie.

Avec un peu de chance, certains d'entre nous reverrons la lumière du jour, la joie de vivre. Mais au plus profond de moi, c'est pour l'instant impossible. J'ai l'impression de ne plus être celle que j'étais. Je ne suis que celle qu'on veut que je sois.

J'essaie de chercher mais je ne sais plus qui je suis.

Depuis que j'ai parlé avec ce petit garçon, avec Jude, je ne fais que des cauchemars. 

Je me vois dans une pièce, je suis bloquée de l'intérieur. J'ai franchi une porte par laquelle n'importe qui peut entrer et par laquelle tout le monde peut sortir, sauf moi.

Un autre rêve dans lequel j'essaie de fracasser la porte à l'aide d'une chaise. J'y arrive presque et au final je me vois en face à face, comme devant un miroir, avec la moitié de mon visage qui tombe en poussière.

Et encore un autre dans lequel la voix d'une femme, qui me semble être ma voix, m'avertit. Je ne suis pas Raphaelle. Mais qui ne dit pas qui je suis réellement.

La seule chose pour laquelle je me réjouis c'est que, malgré mes nuits épouvantables, j'arrive à garder mon sourire en pleine journée. Personne ne se doute de rien. Ni Aden à chaque fois qu'on s'appelle.

Ma voix et mon comportement réussissent parfaitement à déguiser et à maquiller ma peine et ma souffrance intérieure.

Contrairement à moi, Evan a l'air d'aller mieux. Même si je ne me préoccupe plus autant de ce à quoi il pense.

- Fin de journée Mme Lanslave. Je vais fermer le bureau.

- En fait, je vais le fermer moi-même, j'ai plein de rapport à rattraper. J'ai pas mal de retard depuis mon hospitalisation.

- Euh, mais tu ne peux pas travailler plus tard. Il est dix heures du soir et ils annoncent un orage dans une heure, me confirme Evan en regardant sa montre.

- Ne t'inquiète pas, j'ai l'accord de Mme Croutmak et je suis sûre qu'il y a des lits disponibles dans cet hôpital si l'orage m'empêche de rentrer.

- Bon d'accord. À demain.

- À demain.

Une fois que j'entends la porte claquer, je range mon bureau. Je prends mon ordinateur et un bloc-notes et je commence mon enquête.

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Grâce à mes recherches, j'obtiens certaines réponses à mes questions. Notamment la date où tout a commencé. Le vendredi 28 octobre, et dans quelques jours ça fera quatre ans.

D'après Jude, j'étais présente lors du Maelstrom à New York. Je volais et il y a eu un grand bruit. Dans les journaux des villes autour de New York, beaucoup de personnes disent avoir perdu des proches, d'autres ont vu l'immense nuage noir qui survolait la métropole ce jour-là. Plus rares mais bien présents, les témoignages des habitants de Boston et de Washington racontent avoir entendu la foudre s'abattre juste avant le tremblement de terre qui a causé le Maelstrom.

Donc si tout concorde, entre la version de Jude et celle d'Evan, la question est : qu'est-ce que je faisais là-bas ? Pourquoi je flottais dans les airs ?

Je n'ai aucun souvenir. Rien. J'ai appris à vivre avec ce vide depuis l'accident et mon coma. Mais là aussi, est-ce que cet accident s'est vraiment passé. Il faut que je retrouve mon mystérieux cambrioleur.