J'ai eu du mal à m'endormir. Je n'arrive toujours pas à croire que c'est aujourd'hui que je vais m'inscrire en tant que bénévole. Je vais enfin pouvoir me rendre utile. Côtoyer des personnes qui ont besoin de moi.
Je me tourne vers Aden. Contrairement à moi, il a un sommeil lourd. Son visage est tellement détendu que je sourire. Et dire qu'il y a quelques jours, il m'a avoué ce qu'étaient les Catastrophes avec un air si désolé et si sombre qu'il aurait pu prendre dix ans d'un coup.
- Adeeeen, chuchotais-je.
Ses paupièrent se plissent mais il ne me répond pas.
- Oui ? finit-il par dire.
- Tu es sûr de vouloir m'accompagner ce matin ? Je peux y aller seule tu sais.
- Juste cette fois promis. Et puis c'est l'association de notre hôpital, je voulais vérifier certaines choses avec la présidente pour préparer la réunion de ce soir. Essaie de te reposer, on est encore au milieu de la nuit.
- Hmm.
Je me retourne et observe les chiffres rouges sur le réveil : 02 : 04 AM.
Je baille le plus discrètement possible et me retourne face à mon mari. Je pose ma main près de son visage. Il ne bronche pas. J'ai l'impression qu'il s'est rendormi. J'attends. Au bout de quelques secondes, il cherche ma main avec la sienne et finit par la trouver. Je souris timidement. Lui aussi, je crois.
Nous nous endormons main dans la main.
~~~
- Raphaelle ? Tu m'écoutes ?
- Hein ? Oui oui je t'écoute ! Tu disais ?
- Tu dors les yeux ouverts ? Je t'avais dit qu'il fallait dormir... Blablabla...
Dans la voiture, le paysage défile sous mes yeux pendant qu'Aden me fait gentiment la morale. Mais cette fois, il a raison. Enfin, une partie : j'ai dormi mais je me suis réveillé pas longtemps après.
Entre deux bâillements discrets, une question me vient à l'esprit. Est-ce que deux heures de sommeil me suffiront ? Il faudra que je demande à Gougle à mon retour.
Aden enclenche un clignotant et la voiture s'engage sur la droite. Nous entrons dans un parking assez grand, rempli à moitié.
- Je ne sais pas pourquoi je m'étais imaginée l'association un peu moins grande, remarquais-je à voix haute. On dirait que c'est tout récent.
Je lève la tête et me penche en avant pour voir le toit mais n'y parviens pas. C'est vraiment grand. Une sensation d'oppression me fait légèrement frissonner.
- Tu n'es pas loin. La structure a été construite il y a six mois environ. Et avant ton... Hospitalisation... Tu voulais rassembler plusieurs cliniques et créer un partenariat avec l'hôpital. Mais quand j'ai voulu suivre ton projet, les Catastrophes et leurs conséquences se sont répandues. Les besoins de la population ont changé, notre objectif aussi.
Je plisse les yeux pendant son explication. J'ai l'impression qu'il me projette une lumière inconnue, aveuglante. Mais lui a une mine plutôt sombre.
- Tu avais pourtant dit que nous n'avions pas été touchés ? Et comment les conséquences se sont répandues ?
Aden réalise une dernière se gare en marche arrière. Il détache sa ceinture.
- Les villes qui avaient des logements libres ont invité les survivants à trouver refuge. Mais dans le cas de notre ville, nos labos ont hérité des données informatiques de leurs confrères détruits. Grâce à ça, nous avons pu obtenir de nouvelles technologiques, de nouveaux locaux. Mais le président a demandé à ce que chaque hôpital réserve un bâtiment pour les APC ou Associations Post Catastrophes.
Aden lève ses mains face à nous comme pour illustrer ses propos.
Il soupire et retire la clé de l'antivol. Il est plus détendu que moi, habitué à cet endroit. Tout mon opposé. Mais je ne dois pas oublier pourquoi je suis venue.
- D'autres questions ? Ou on peut rentrer pour commencer la visite si tu le veux toujours ?
Je retrouve ma détermination, comme si mon sang coulait à nouveau dans mes veines.
- Allons-y, annonçais-je.
~~~
Nous arrivons devant l'ascenceur et Aden passe un badge sur un boitier. Une led rouge s'éteint et une verte s'allume. Les portes s'ouvrent. Il passe le badge autour de son cou.
Pendant que les portes se ferment derrière nous, j'étudie du regard l'ascenceur, ou plutôt les boutons. Plusieurs chiffres, plusieurs étages, dix pour être précise. Il y a apparement trois niveaux en-dessous du rez-de-chaussée aussi.
Aden appuie sur le bouton 3.
- Ah ! Voilà ton badge, il me tend une carte accrochée à un cordon (identique à la sienne). A chaque fois que tu voudras entrer dans un ascensceur ou dans une pièce, tu devras le passer sur les boitiers.
- Merci, dis-je en la lui prenant. J'aurai accès à tous les étages ?
- Pour l'instant, tu es membre de l'association donc pas tous les étages mais je peux toujours négocier-
- Ah non, en fait, j'espère plutôt ne pas me perdre mais si je n'ai pas accès partout ça me convient pour l'instant ! intervins-je rassurée.
Aden sourit. Il s'approche de moi et son bras entoure ma taille. Il m'embrasse le front tendrement, il ne veut pas que je m'inquiète. Il fait toujours ça quand je suis sur le point de paniquer, et à chaque fois j'ai l'impression d'oublier ce qui est autour de moi, ce qui est autour de nous.
Un Ding retentit, la porte s'ouvre. Deux personnes attendent devant la porte, un homme et une femme. Je me redresse et mon expression redevient sérieuse. Aden relâche son étreinte.
- Bonjour Aden. Soyez la bienvenue Madame Lanslave, dit l'homme en blouse blanche.
~~~
L'homme en blouse blanche, Finn Stewart, est le responsable de mon équipe. D'après ce que j'ai compris, je suis affectée à un groupe de six personnes - qui ont aussi été inscrites récemment - et nous aurons pour mission d'étudier les dernières catastrophes apparues. C'est très vague mais ça ne m'a pas l'air si difficile que ça.
Il me dépasse de deux têtes, ce qui m'a étonné parce que je ne suis pas habituée à être plus petite que quelqu'un d'autre. Cheveux noirs, yeux noirs en amande et air sympathique. Il m'a fait visité l'étage et m'a expliqué le fonctionnement de l'association simplement, m'évitant une migraine. J'apprécie. Je pense qu'on va faire du bon boulot.
Et la femme, Vanessa Croutmak est la présidente de l'APC. Cheveux blonds coiffés en chignon bas, lunettes et tailleur. Aden m'avait dit que nous avions le même âge, mais elle semble plus âgée à cause de son expression ridée se résumant en une phrase " l'heure est grave ". Mais je ne risque pas de la croiser souvent, une fois par mois apparemment, pour chaque tour de service qu'elle effectue. Comme aujourd'hui. Tout le long de notre visite, elle a parlé à Aden. Je me demande quand ils auront fini.
- Raphaelle ? m'interpelle Aden.
- Mmh ?
- Je dois discuter avec la présidente pour préparer la réunion, m'annonce-t-il.
Je sens mon visage fondre sous la surprise.
- Mais hier tu m'avais dit qu'on aurait juste la visite et qu'on rentrerait en suivant ?
- Oui mais ce matin... Je te l'ai dit dans la voiture tout à l'heure, changement de dernière minute. Je ne vais pas pouvoir reporter.
Mince. Comment j'ai pu oublier...
- Madame Lanslave ? Si vous avez le temps, j'aimerai vous présenter les autres membres de l'équipe, s'exclama Finn avec enthousiasme.
- Oh ! Je veux dire oui, lançais-je avec un minimum de conviction.
Je me retourne pour adresser un sourire à Aden. Il me voit m'éloigner, me fait un clin d'œil.
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Aeternus et Umquam - Tome 1
General FictionSi vous vous étiez réveillé(e) dans une pièce qui vous est inconnue, sans aucun souvenir et seul(e) : comment réagiriez-vous ? Raphaelle (c'est le prénom qu'ils lui ont donné) est confrontée à cette situation. Aucun indice ne lui est donné. Aucune...