Tu te souviens ?

Questionnement

Le repas avec mes parents ne fut pas une partie de plaisir pour moi. Entre les questions incessantes sur ma journée, sur mon comportement ce matin et sur mes propos étranges ou déplacés, j'eus tout le loisir de me noyer sous le flot de cette "nouvelle vie".

Alors que je triturais les brocolis dans mon assiette du bout de ma fourchette, ma mère m'apostropha pour - approximativement - la quatorzième fois en moins de 10 min. Dire qu'encore hier, entendre ma mère parlait pendant des heures me manquait... Les choses changeaient bien vite.

- Alors Lisa ? Tu t'es enfin fait des amis ? questionna ma mère avec toute l'indiscrétion dont elle était capable.

- Ce n'est que le premier jour, j'aurai tout le temps de m'en faire au cours de l'année, tempérai-je en attrapant mon verre d'eau pour en boire une gorgée, toujours en tentant de sembler naturelle.

Mes parents se dévisagèrent.

- Euh... ça fait presque deux semaines que tu as repris les cours, Lisa, me rappela mon père d'un ton inquiet.

Je manquai de m'étouffer avec l'eau que je venais de boire. Je toussotai sous les regards soucieux de mes parents bien trop curieux.

- Oui enfin, un jour ou deux semaines, c'est du pareil au même, tentai-je de me rattraper du mieux que je le pouvais.

- Si tu le dis, hasarda mon père.

Ma mère, experte dans le domaine du détournement de situation, changea vite de sujet ou plutôt, de question, lorsqu'elle sentit le malaise arriver.

- J'ai entendu dire qu'une nouvelle élève était arrivée dans ta classe aujourd'hui, "Alice..." Hum...je ne me souviens plus de son nom, commença-t-elle.

- Alice Forez ? Oui, elle est sympa, répondis-je en prenant une bouchée de légume cuisinés par mon père.

- C'est ton amie ? demanda à tout hasard ce dernier en coupant sa viande.

- "Amie" est un grand mot. Disons que je la connais depuis un moment maintenant alors...

- "Depuis un moment"? Elle n'est pas arrivée seulement aujourd'hui ? me coupa ma mère.

"Bon sang Lisa, tiens ta langue" pensai-je trop tard.

- Euh...ou-oui, enfin, quand je dis "depuis un moment", je...je parle d'aujourd'hui quoi ! m'enfonçai-je.

- Tu es vraiment sûre que ça va en ce moment Lisa ? Tu sais, si tu as besoin de voir quelqu'un, on peut s'arranger. Avec ton père, on connait une...

- Non, non, ça va, je vous assure ! m'exclamai-je précipitamment. Je suis juste vraiment fatiguée en ce moment, désolée...Tout est un peu...flou.

- Comme tu voudras mais...tache de te reposer quand même, tu m'inquiète, conclut-elle.

- Promis, dis-je avec empressement en me levant de table. D'ailleurs, je voulais justement aller dormir ! Bonne nuit maman, bonne nuit papa.

- Bonne nuit ma chérie, répondirent-ils en cœur.

Je tentai de leur adresser le sourire le plus sincère dont je disposais et partis à toute vitesse à l'étage. Dans mon dos, je les entendis parler quelques secondes.

- Tu es sûre qu'on ne devrait pas lui faire voir une psy ou un truc comme ça ? Entre son comportement bizarre et sa déprime depuis quelques semaines, elle m'inquiète, s'enquit ma mère en chuchotant.

- Mais non, ne t'inquiète pas, elle est jeune, c'est normal. Tu verras, ça ira mieux d'ici quelques temps. On vient d'emménager en Corée, laisse lui le temps de s'y habituer et de se faire des amis, la rassura mon père.

- Oui, tu as sans doute raison, murmura-t-elle.

Mon dieu, mais dans quel pétrin m'étais-je encore retrouvée ? Je poussai un soupir et m'essayai sur mon lit. Je jetai un coup d'œil à la feuille posée sur mon bureau. Je me décidai, après quelque instant, à aller la compléter tant que mes souvenirs étaient encore clairs. Je m'assis sur la petite chaise en bois qui trônait devant le meuble qui me servait autrefois d'havre de paix pour travailler. 

Je relus ma frise chronologique de nombreuses fois avant d'enfin, attraper un crayon et poursuivre son écriture.

"Hier soir :

Je rentre du travail --------> j'arrive à la maison --------> Rosé à l'air fâchée et joue de la guitare --------> je vais lui parler et elle commence à s'énerver à cause de moi et de mes bêtises -------> je l'ai blessée sans m'en rendre compte ------> elle a tenté de me parler mais moi, je n'ai rien voulu entendre parce que je passe mon temps à nier le malheur des autres car je suis trop occupée par le mien"

Voici ce que j'avais écrit jusqu'à présent. Je réfléchis pendant quelques minutes afin de rassembler les éléments dans mon esprits. Tout me semblait si loin, c'était terrible comme sensation. Vouloir se souvenir absolument mais ne pas y parvenir, avoir l'impression qu'on passe à côté de la chose la plus importante sans s'en rendre compte. Je me creusai les méninges mais au bout de presque une heure de recherche, j'abandonnai, prise d'un mal de tête horrible. D'agacement, je jetai mon crayon par terre et partis me changer dans la salle de bain. Je pris grand soin de me regarder le moins possible dans la glace afin d'éviter de faire un nouvel arrêt cardiaque.

Inconsciemment, je priais de toute mes forces pour que, demain, à mon réveil, je sois dans mon minuscule appartement, que je sois réveillée par la merveilleuse voix de Rosé s'élevant au dessus des accords de sa guitare australienne, qu'elle m'adresse à nouveau son sourire éblouissant en me tendant ses bras.

Un autre souvenir me vint alors à l'esprit. Il me semblait que, ce soir là, j'avais souhaité ardemment changer de vie. Il est vrai que je l'avais voulu, je ne pouvais le nier, mais je ne pensais pas à tout recommencé... Bon, ok, peut-être que si mais quand même. Je ne voulais pas...je ne voulais pas la perdre. Etait-ce vraiment la vie que j'avais souhaité mener ? Je n'en savais rien. Tout était trop nouveau pour que je comprenne réellement ce que je souhaitais.

Je sortis de la salle de bain après avoir pris ma douche et m'être brossé les dents pensivement. En remontant dans ma chambre, je regardai pour la dernière fois de la journée les feuilles que j'avais laissées en plan sur mon bureau. Je les saisis entre mes mains et les regardait tour à tour. J'hésitai une seconde à les froisser et les jeter à la poubelle mais, lorsque je vis le nom "Rosé" marqué dessus, je n'en eu pas la force. Je poussai un long soupir de fatigue et m'allongeai dans mon lit.

"Demain est un autre jour" songeai-je en éteignant la lumière. "Mais il sera peut-être pire qu'aujourd'hui".

Lorsque je clos les yeux, je me sentis vraiment mal. Tout ces évènements m'affectaient bien plus que ce que je ne voulais l'admettre. Et, par dessus le marché, peut importe où je dirigeais mes pensées, une chose demeurait :

Rosé me manquait.

A suivre...

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Merci d'avoir lu ! Bonnes vacances à tous ^^
Je posterais aussi durant les vacances, peut-être plus de chapitres, même. Ça reste à voir.
En attendant, merci beaucoup de suivre chaques semaines, je vous en suis très reconnaissante !
A la semaine prochaine !!