Chapitre vingt-et-un : Eryne

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Je n'ai pas revu Nate depuis ce jour. Ici, les jours défilent et se ressemblent. Si j'arrive à m'arrêter de fumer, je n'arrive pas à m'arrêter de boire. L'alcool est devenu mon nouveau remède, ma source de vie, d'oubli. C'est ma lidocaïne, mon anesthésique local, juste sur mon cerveau, mes pensées, ces images. Les cauchemars perdurent. Je me lève en pleine nuit et vomis mes tripes. J'ai pris le réflexe de me cacher dans une autre chambre. Je ne veux pas que Peter m'entende. Il ne se réveille jamais et au petit matin, c'est comme si rien ne s'était passé. Sauf qu'il ne voit pas que je me réveille en sursaut, rongé par les souvenirs, que je régurgite ma détresse et que je noie ma souffrance dans l'alcool.

Les filles sont parties deux jours après. Je pense que c'est plus par gêne de déranger que par envie. Je leur ai payé un billet pour Paris, laissé une carte bancaire chacune et je leur ai donné les accès à mon appartement parisien. Elles ne savaient pas où s'installer et je pense qu'elles ont peur, peu importe le lieu où elles atterrissent. Je ne sais pas comment j'aurai survécu sans Peter. Je continue de dormir avec lui. Je ne peux plus dormir dans ma chambre. J'ai même déménagé mes affaires dans une autre pièce en espérant que le fait de changer de chambre m'aide mais j'ai peur que quelqu'un vienne en pleine nuit.

Il ne m'a pas encore viré de son lit et il est là toutes les nuits mais je sais que viendra un jour où il devra voyager et ne pas dormir ici. Je redoute ce jour.

    J'ai pu m'installer un atelier de peinture dans une autre chambre. Peter m'a obligée à mettre une bâche au sol sous peine de supprimer toute activité de peinture de sa maison. Aujourd'hui, j'ai décidé de m'installer dehors. Il y a une belle lumière et les couleurs d'automne ressortent bien. Je crois que c'est mon inspiration favorite : la nature. J'attrape mon pinceau jaune que j'ai coincé derrière mon oreille et le remplace par le bleu.

- C'est joli.

- Mmh.

    J'ai un pinceau coincé entre les dents, si bien que je ne peux pas parler. Je sens la fumée de cigarette et je me tourne alors que Peter, à côté de moi, ne fume pas. J'aperçois Nate et Kate, les yeux braqués sur mon tableau et je détourne rapidement la tête pour revenir à mon œuvre. Mon cœur s'emballe. Les souvenirs remontent. Si je ne reviens pas à mon sujet, je vais vomir. Je ne peux pas, pas maintenant, pas devant Peter.

Je me recule et attrape le pinceau vert entre mes dents. Je claque ma langue contre le palais. Il y a un truc qui ne va pas. Ça ressemble trop à la réalité. Je n'aime pas. Je pose mes pinceaux dans le verre d'eau puis me recule de plusieurs pas. Une idée me vient en tête mais il faut que j'attende que le tableau sèche.

- Tu as fini ?

- Non mais je dois attendre que la peinture sèche.

    J'attrape une cigarette sur la table et l'allume tout en regardant mon tableau et le soleil. Il ne va pas se coucher tout de suite alors le tableau aura le temps de sécher. Je penche la tête d'un côté, puis de l'autre. J'essaye d'ignorer la présence de Nate. Ses yeux sur mon corps. Son odeur qui m'enivre dès qu'une brise passe. J'essaye de remplacer tout ça en me focalisant sur le tableau, la cigarette. Pour peu, je voudrais de l'alcool, de la téquila. Je voudrais boire pour oublier. Oublier qu'il est là.

- Bon Peter, tu voulais me demander un truc ? demande Nate.

- Ouais... Heu... Avec Kate on doit partir à Los Angeles quelques jours et je voudrais que tu viennes habiter ici.

    Quoi ? Non. Pas tout de suite. Bien sûr je m'y attendais mais c'est trop tôt. Mon cœur tombe dans mon ventre. J'ai mal au ventre. Je veux vomir. Je veux boire. Je veux oublier ce qu'il vient de dire.

Faites que celà soit faux. Faites que je rêve.

    Je continue de fixer le tableau pour ne pas voir la réaction de Nate. D'un côté, je voudrais qu'il accepte et de l'autre, je voudrais qu'il refuse et que Peter soit contraint de m'emmener avec lui.

[L.1] LOVE & ARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant