Le Sourire du Corbeau (Mahoutokoro, tome 1)

36. Le calme avant la tempête

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"La feuille morte 

Valse et tourbillonne

Ultime ballet"

Haïku, Renarde de Brume

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Emiko était devenue un fantôme, depuis la rentrée. Hugo l'avait aperçue furtivement dans la foule qui se pressait en direction de l'école, une fois arrivés à Mahoutokoro ; mais ensuite, plus rien. Elle avait même manqué le dîner de rentrée, où la directrice avait annoncé la date de la seconde épreuve, début octobre.

Certes, Hugo était lui aussi bien occupé : les cours, les révisions et les devoirs emplissaient son emploi du temps, auxquels s'étaient ajoutées ses recherches concernant les yokais. En effet, il avait envoyé à sa soeur une liste de caractéristiques et de pistes issues des créatures décrites dans le Traité d'Iga, puis avait entrepris de confectionner une réserve de toutes les potions qu'il jugeait utiles pour se défendre des spectres. Néanmoins, il n'avait pas pu ingnorer le repli sur elle-même d'Emiko : elle ne mangeait avec Mina, Edgar et lui que lorsque ses cousins étaient à la même table, et Hugo peinait à se souvenir la dernière fois qu'il s'était retrouvé seul avec elle à la bibliothèque ou lors d'une promenade.

À vrai dire, en dehors des réunions à trois concernant le Tournoi initiées par Yoshinobu, il ne la voyait qu'en coup de vent, pas assez longtemps ni dans un lieu assez calme pour lui demander comment elle allait réellement, la raison de ce changement d'attitude...

Il se retrouvait face à un vide de silence et d'incompréhension.

Alors, vu qu'il ne pouvait pas l'exprimer à Emiko, il avait appris à le faire autrement.

« Plus haut ta main, Callaghan ! Recule-moi ce pied ! Hisaka, change de garde et attaque-le par le côté. »

Prenant une grande goulée d'air à l'odeur de tatamis, Hugo se repositionna en posture de base, un pied et une main en avant, le buste légèrement de profil, genoux fléchis.

Hisaka, son camarade de cours supplémentaires d'arts martiaux, n'attendit pas pour porter son attaque, un couteau de bois à la main. Hugo dévia la lame et en profita pour se saisir de son poignet, le ramenant en hauteur dans une position où la douleur formait un arc entre le bras et le dos de son adversaire, l'immobilisant suffisamment pour qu'il se positionne derrière lui. De son autre main, Hugo saisit le coude d'Hisaka, planta ses doigts sur des points douloureux précis au niveau de son poignet, lui faisant lâcher son arme, puis d'un large mouvement circulaire, le fit tomber au sol. Ayant suivi l'impulsion, il planta son genou dans les côtes de son adversaire et bloqua le bras qu'il tenait toujours dans une sorte de clé de bras nommée nikkyo, formant un bec de canard avec la main d'Hisaka. Si ce dernier, allongé à plat ventre, avait voulu se contorsionner pour agripper la veste ou les cheveux d'Hugo, il en aurait été empêché par la douleur qui vrillait dans son membre et sa cage thoracique.

Prenant conscience qu'il avait oublié de respirer, Hugo releva la tête vers leur professeur, en quête de son approbation.

« Bien. Redresse-toi un peu. Tu aurais pu récupérer son arme pour l'utiliser contre lui, mais c'est bien. Relevez-vous et recommencez. »

Alors que cette danse singulière reprenait son cours, ponctuée de remarques du sensei et du froissements de leurs keikogi, l'habit d'entrainement traditionnel, il ne pouvait s'empêcher de songer aux mille façons dont il aurait pu les appliquer durant les vacances, face à la créature. Il ne cessait d'imaginer les mouvements conjoints de sa baguette et de ses bras, tranchant ou enflammant les tentacules du spectre en même temps qu'il désamorçait les attaques de ses mains griffues.