Le Sourire du Corbeau (Mahoutokoro, tome 1)

Interlude n°5 : La cabane

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"Goutte à goutte

Le long des tuiles, la pluie

Joue du piano"

Haïku, Renarde de Brume

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(Petit rappel vu que ça fait longtemps que je n'ai pas posté : dans le dernier interlude Emily interroge Sean sur son ami imaginaire, et il lui confie que ce dernier est sans doute sur la colline où se trouve la maison Kurosawa, ou encore vers une cabane dont il lui a défendu d'approcher... Emily s'empresse donc d'ignorer les mises en garde et de s'enfoncer dans les bois pour retrouver ce fameux ami imaginaire...)

La forêt ressemblait à un poumon vert, touffu et piqueté d'aiguilles, qui se plaisait à relâcher son souffle inquiétant sur Emily. Elle n'avait pas l'âme rêveuse de son frère, ni son amour des grands espaces ; néanmoins, s'il lui avait affirmé que les bois la scrutaient, elle l'aurait cru sans discuter. Elle évitait les clairières qui, semblables à des alvéoles, lui paraissaient trop exposées, prêtes à l'engloutir dans des exhalaisons fétides, et préférait se couler entre les troncs en serrant un de ses couteaux de cuisine contre elle.

Elle ne savait pas trop où aller. Cela expliquait sans doute son imagination débordante et sa propension à voir des spectres dans la moindre branche basse. Elle avait choisi la fin d'après-midi, afin qu'il fasse encore jour, mais elle commençait à se demander si ce n'était pas une mauvaise idée. De sa maigre expérience, elle avait plus de chance de croiser un être surnaturel après le crépuscule. Néanmoins, l'ami pas si imaginaire de Sean paraissait faire fi du jour et de la nuit, aussi avait-elle décidé de se mettre à sa recherche.

De tous les yokais qui rôdaient autour de leur maison, l'ami imaginaire de son frère était celui qu'elle voulait débusquer en premier. Après tout, c'était peut-être une sorte de chef, s'il parvenait à contourner les barrières pour jouer avec Sean ou encore à échapper au chat, alors si elle parvenait à le neutraliser, les autres créatures les laisseraient peut-être tranquilles. À moins que les barrières magiques n'aient recommencé à décliner...

Pourtant, cela ne se déroulait pas comme elle le voulait : elle ne cessait de tourner en rond.

Emily progressait sur une piste tracée par les animaux sauvages, dont les buissons lui frôlaient les chevilles, et tâchait de ne pas faire rouler de pierre, ni de faire craquer les brindilles sous ses semelles. L'effet de surprise lui serait nécessaire, quand elle trouverait l'être qui avait capturé l'attention de son petit frère. L'odeur d'humus imprégnant les sous-bois n'était pas sans lui rappeler l'attaque qu'elle avait subie au printemps dernier, tout comme le bruissement du vent dans les feuilles. Depuis ce jour, elle avait évité la forêt autant que possible, et si ça n'avait pas été pour protéger sa famille, elle n'y aurait pas remis les pieds.

Elle ne parvenait pas à trouver cette mystérieuse cabane, ni même à se rapprocher de l'autre colline où se trouvait la maison d'Emiko Kurosawa ; pire, elle avait l'impression de s'en éloigner sans cesse, quels que soient ses efforts.

Emily poussa un long soupir en dépassant pour la troisième fois la même souche creuse et s'immobilisa. Elle se souvenait des sorts anti-moldus — elle n'était pas sûre d'apprécier ce mot — dont Hugo lui avait parlé, et qui expliquaient pourquoi elle ne pourrait jamais entrer de son plein gré dans la maison d'en face, ou encore pourquoi celle-ci lui apparaissait comme de simples ruines. Cependant, la cabane n'était pas supposée être entourée des mêmes sortilèges, si ?

Elle sortit de sa poche une petite fiole effilée, qui se logeait facilement au creux de son poing. Son frère lui avait ordonné d'en avoir toujours sur elle, et d'en avaler une gorgée si elle se retrouvait nez-à-nez avec un danger tel qu'un spectre malintentionné. C'était de la chance liquide, aussi étrange que cela puisse paraitre. Il n'en avait pas beaucoup, puisqu'elle nécessitait plusieurs mois de préparation, et il l'avait mise en garde contre les effets secondaires possibles si elle en abusait.