Le Sourire du Corbeau (Mahoutokoro, tome 1)

21. Le Gardien des Eaux

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"Le printemps qui s'éloigne

 
Hésite


Parmi les derniers cerisiers."


 Yosa Buson

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(Samedi 04 mai 2007, Ile Iwō Jima, Japon)

Les paroles de la directrice battaient à ses oreilles. « Et enfin, Yoshinobu Takeo, Kurosawa Emiko et Callaghan Hugo ». Dans le couloir désert dans lequel il s'était réfugié, il se pinça une nouvelle fois. Une bouffée d'angoisse monta dans sa poitrine. Je ne suis pas sensé finir ma scolarité ici. Pourquoi suis-je sélectionné ? Je ne peux pas me fondre dans la masse comme à Poudlard, et passer inaperçu ?

Pendant que les autres festoyaient, félicitaient les élèves sélectionnés pour le Tournoi ou commençaient des spéculations sur les épreuves et leurs potentiels vainqueurs, il s'était miraculeusement extirpé du Réfectoire bondé pour aller se perdre dans l'école. La nuit était maintenant tombée, et une lune toute ronde étendait ses rayons qui, tels des grappins, escaladaient peu à peu la façade du château pour se hisser péniblement dans les pièces vides et sombres.

Il s'engagea dans un escalier en prenant soin d'éviter la quatrième marche, souvent piégée, et agrippa la rampe un peu trop fort. En plus, il se retrouvait en équipe avec le garçon qui avait fait exploser son chaudron, lors du premier cours de potions. Comment pouvait-on assurer une bonne cohésion d'équipe avec ça ? C'était malgré tout réconfortant de savoir qu'il serait également avec Emiko, et non pas deux inconnus. Il se demanda si elle était elle aussi partie se cacher. Elle avait paru très mal à l'aise quand il l'avait laissée, accablée par l'étonnement ou l'énervement des autres, qui jugeaient qu'une autre personne aurait été plus indiquée pour participer au Tournoi.

Ils doivent probablement penser la même chose de moi, songea-t-il. Les gens peuvent être cruels. Il cheminait à la seule lueur de la lune, car il craignait que le mécontentement des personnages des tableaux et des tentures n'attire quelqu'un s'il utilisait Lumos. Vu sous l'angle de la nuit, les couloirs paraissaient immenses et sans fin, telle une gueule béante aux contours flous. Son coeur s'emballa à cette pensée, et il se força à inspirer calmement. Cela ne suffisait cependant pas à museler son imagination. Il se sentait comme le soir où il était rentré chez ses parents, dans l'ambiance surnaturelle du jardin plongé dans les ombres, ou quand il avait cru entendre une petite voix qui chuchotait dans son dos « Moi non plus, je ne voulais pas venir ». Un mouvement à l'extérieur, contre une fenêtre, lui arracha un violent frisson. En plissant les yeux, il se rendit compte que ce n'était qu'une branche d'arbre agitée par le vent.

Il expira longuement. Le Tournoi mettait en avant trois équipes de trois joueurs. Tous les regards qui allaient être dirigés vers lui l'effrayaient déjà ; ce serait bien pire que lorsqu'il était arrivé un mois plus tôt, et que tous le dévisageaient parce qu'il était européen. Maintenant, on allait le regarder pour voir de quoi un élève de Poudlard était capable. Il posa la main sur le mur et le suivit, cherchant des toilettes qu'il savait se trouver à cet étage. Mais au fond, le regarderait-on avec autant d'attention que cela ? Emiko allait sans doute s'attirer bien plus d'yeux prêts à se moquer au moindre faux pas. Si elle réussissait à faire gagner son équipe cependant, la société japonaise lui pardonnerait-elle les crimes de son frère ? Hugo espérait que oui ; on ne pourrait pas la condamner pour le reste de sa vie, tout de même ? C'était peut-être une belle opportunité pour elle...

Ses poumons semblèrent à nouveau se resserrer dans sa poitrine. Emiko se retrouvait dans la mauvaise équipe ! Il allait être un poids mort à coup sûr, vu qu'il n'avait pas le même bagage scolaire que tous les autres. Tout en se mordillant la lèvre, il poussa la porte des toilettes puis s'appuya contre le battant, sentant son angoisse revenir à la charge.