4. Esmée

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-20 ans-

— Tu sais que si tu as un problème tu peux compter sur moi ? me demande Ruben, pour la troisième fois ce mois-ci.

Je souris faiblement, son inquiétude pour moi me rend triste. Je pense qu'il a compris que quelque chose ne va pas depuis un long moment. Mais lorsque je suis arrivée au restaurant en lui demandant de changer mon planning et que quelques semaines plus tard il m'a vu avec la lèvre fendue, ses craintes se sont accentuées.

— Merci Ruben, dis-je en lui serrant amicalement la main.

J'arrive de moins en moins à mentir pour lui. Et j'arrive de moins en moins à me mentir à moi-même. Il y a deux mois, la veille de mon anniversaire il a abusé de moi pour la première fois, et hier après un énième repas en compagnie de ses collègues il m'a reproché de ne pas faire d'effort pour être « bandante ». Risible quand on sait que c'est lui qui inspecte et valide la moindre de mes tenues.

Je n'ai pas dormi de la nuit, réfléchissant à un plan pour me sortir de cette situation qui a assez durée. Mais je n'y vois aucune issue, à moins de quitter l'Utah, parce que  je sais que si je reste dans le coin il ne me laissera pas de répit.

Mon téléphone vibre et j'hésite à y jeter un œil. C'est toujours lui de toute façon étant donné que je n'ai plus personne à qui parler et qu'il veille chaque fin de semaine que c'est bel et bien le cas en consultant les numéros sur ma liste d'appels et de messages.

Je sors tout de même mon portable parce que je sais que si je ne réponds pas il va insister et peut-être même venir sur mon lieu de travail pour m'humilier. Mais ce n'est pas Connor, c'est un numéro privé. Je décroche méfiante.

— Mademoiselle Watson ? me demande la voix d'un homme avec un fort accent.

— Oui c'est moi, je réponds curieuse.

— Bonjour, je suis Maître Padwell, le notaire de votre défunte grand-mère. Tout d'abord je tiens à vous adresser mes sincères condoléances. Cela étant fait, je vous appelles pour vous faire part d'une information importante. Lizy vous a choisi en tant qu'unique héritière testamentaire. Il faudrait que vous fassiez le déplacement jusqu'à Durness pour que l'on puisse régler la paperasse.

Granny est morte. Je suis sous le choc de la nouvelle. Une main sur le cœur, je réalise que je n'ai désormais plus aucun membre de ma famille en vie. Un pincement de regret me tiraille l'esprit. Je suis triste de ne pas l'avoir revu ou contacté depuis ses longues années. Je tente de garder la face pour m'adresser à mon interlocuteur.

— J'habite aux États-Unis, ça va être compliqué pour moi de faire le voyage. N'y a-t-il pas un autre moyen de procéder ?

Je l'entend marmonner dans sa barbe et je sais ce que doit penser cet homme. Peut être que son jugement est mérité, j'ai tout de même omis de le saluer en retour.

— Vous ne serez donc pas présente à la crémation je suppose ?

Il élude ma question et même si son ton ne sonne pas moralisateur, je me persuade qu'il tente de souligner mon manque de gratitude.

— Non, comme je vous le disais, j'habite aux Etats-Unis et...

Il ne me laisse pas finir ma phrase.

My Highlander Où les histoires vivent. Découvrez maintenant