1. Esmée

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-17 ans-

Ça fait une heure que je n'ai pas bougé. Une heure que je suis assise par terre face à cette pierre tombale à lire l'épitaphe :

Erin Watson,
Mère et épouse bien aimée.
1982-2019

Elle aura à jamais 37 ans comme mon père en aura à jamais 33. Je suis désormais orpheline. Je me répète ce petit mot mentalement, orpheline, afin d'en prendre pleinement conscience. J'ai l'impression de vivre dans un mauvais film depuis quelques semaines.

— Esmée, il faudrait qu'on y aille maintenant, je suis confuse mais j'ai d'autres choses à faire, me dit l'assistante sociale qui m'accompagne.

J'aurai bien aimé avoir autre chose à faire moi aussi, autre chose que d'enterrer ma mère. Je lâche une longue expiration, mais aucune larme ne sort de mes yeux. Je n'ai pas pleuré. Je n'y arrive pas. À vrai dire ça fait maintenant plus de quatre ans que mes yeux sont dénués de larmes.

Lors de mes 13 ans j'ai perdu mon père. Un terrible accident de voiture qui m'a coûté plusieurs semaines d'hospitalisation. À mon réveil on m'a annoncé que je n'avais plus de papa et que son enterrement avait déjà eu lieu. Choc traumatique ou interminable déni de deuil, je ne pourrais le dire, mais ce qui est certain c'est que je n'ai plus jamais réussi à pleurer à dater de cette tragédie.

Depuis il y a pourtant eu la perte de mon chinchilla, Oscar, que j'avais depuis mes huit ans et que j'aimais plus que tout, mais rien. Ma meilleure amie de l'époque a déménagé à l'autre bout du pays lors de ma quinzième année et pareil, rien. Ma mère est tombée gravement malade l'année dernière et on lui a diagnostiqué un cancer, ça a été foudroyant, en quelques semaines son état s'est dégradé et il y a quatre jours elle m'a quitté. Mais toujours rien.

Ce n'était pas la mère la plus aimante, ni attentionnée certes, mais elle méritait quelques larmes. Elle méritait que quelqu'un pleure sa perte, mais je n'y arrive pas.

Je me lève pour rejoindre Madame Martinez. Elle passe un bras autour de mes épaules dans un geste qui se veut sûrement réconfortant.

— Ça va aller ma grande, tu verras tu vas être bien avec nous, dit-elle en me frottant le dos.

Comment pourrais-je être bien alors que toute ma vie se résume désormais à une valise et un carton contenant les souvenirs de mon enfance ? Tout le reste, meubles et vêtements de mes parents sont partis aux œuvres de charité. La maison ne leur appartenant pas, il a fallu la débarrasser au plus vite pour que le propriétaire puisse la remettre en location le plus rapidement possible.

Je n'ai aucune famille qui peut m'accueillir, à part peut-être une grand mère au Royaume-Uni mais elle est bien trop âgée pour prendre cette responsabilité. Et surtout je ne l'ai pas revu depuis l'été de mes treize ans. Juste avant le décès de son fils.

— Vous pouvez me déposer au travail ? demandé-je à l'assistante sociale.

Elle se fige, la main sur la portière de la voiture.

— Tu veux aller travailler ? me questionne t-elle surprise.

— Oui, pourquoi je n'irai pas ? Que je sois là-bas ou au foyer ma situation restera la même, dis-je d'un ton monocorde.

My Highlander Où les histoires vivent. Découvrez maintenant