XXIII. 03

859 62 26
                                    

"- T'étais pas fun aujourd'hui, Woonie..., avant d'inspirer longuement et de s'endormir."

               Vingt-deux heures, enfin presque vingt-trois, il venait de transporter la fillette dans son lit après qu'elle se soit endormi devant les premières dizaines de minutes du film qu'ils s'étaient pourtant mit d'accord de lancer. Il avait essayé de faire des efforts pour s'enlever Jay et le fait qu'il l'ignorait injustement mais il n'avait pas réussi. Lorsqu'ils avaient fait les devoirs de Carla, il n'avait pas pu s'empêcher de s'imaginer le garçon à côté de lui, à le regarder comme la septième merveille du monde pendant qu'il expliquait un point flou dans le livre qu'ils étudiaient. Si cette représentation était plaisante, elle pinçait le coeur du brunet qui savait que ça n'arriverait plus puisqu'il ne forcerait plus Jay à travailler. Jungwon avait cuisiné un plat de pâtes et une fois encore, le magnifique visage de son copain ne s'effaçait pas une seconde de sa tête, parce que Jay lui avait proposé de cuisiner quelque chose s'il venait ce soir, offre qu'il avait décliné sans donner d'explication. Le film était ce genre de romance à l'eau de rose que Carla affectionnait tant et le fait de voir l'héroïne heureuse d'avoir trouvé l'homme qui lui correspondait, il avait déglutit de culpabilité. Parce que cette petite voix s'était mise à railler à lui en siffler les oreilles comme quoi Jay, lui, n'était pas si heureux de ce qu'ils partageaient. Parce que Jungwon était trop compliqué, trop opposé à lui et qu'il ne lui correspondait pas. Que peut-être il ne le gardait que parce qu'il s'ennuyait. Certes Jungwon se fichait bien de ce détail mais il voulait voir le garçon épanouit et pas bloqué dans une telle relation parce qu'il y était obligé. Parce qu'il ne connaissait pas assez le brunet et qu'il ne pouvait pas prédire ce qu'il ferait s'ils rompaient.
                Il se redressait en la regardant, désolé, après lui avait embrasé le front d'un bisou de bonne nuit. Oui, la soirée avait été longue et il avait bien conscience que c'était de sa faute. En sortant de la chambre, refermant lentement la porte pour ne pas qu'elle grince, il saluait les parents en silence qui s'étaient réuni dans la cuisine pour discuter entre eux d'un chuchotement inaudible pour le garçon. Dans l'ascenseur, il s'était isolé dans le coin au fond à droite, recroquevillant ses bras autour de lui, toujours aussi frigorifié que plus tôt ce matin, il n'avait en aucun cas réussi à se réchauffer un temps soit peu. Il tournait sans envie, aucune, la clé dans la serrure avant de rentrer dans un soupire, il n'avait pas rallumer son téléphone depuis tout à l'heure et il espérait vraiment que sa mère n'ait pas essayé de l'appeler en urgence, elle ne le faisait jamais de toute façon. Puis si elle n'arrivait pas à le joindre, elle savait où le trouver. Il jetait presque dans un vacarme pas possible son trousseau sur le meuble à l'entrée, ne prenant même pas la peine d'allumer la lumière, sa mère devait dormir et il ne voulait pas la déranger si elle commençait à s'endormir. Il avait presque oublié le boucan qu'il venait de faire. En fait, il ne semblait même plus assez présent pour entendre à quel point ça avait été bruyant. En se dirigeant vers le placard à chaussures, il trébuchait sur celle de sa mère qu'elle avait dû avoir la flemme de ranger. Dans le noir complet, il chercha à tâtons les souliers pour le déplacer là où ça ne dérangerait pas. Au touché, il devina que c'était ses vieilles baskets, encore un peu chaude de sa chaleur corporelle, elle n'était pas rentré il y a longtemps. Trop épuisé pour se disputer avec un cintre à cette heure-ci, il déposa sa grosse veste sur la commode à sa gauche, se déchaussa sans pitié pour ses pauvres chaussures, chopa son sac, qu'il avait conscience d'avoir laissé près de la porte d'entrée fermée à double-tour, puis se dirigeait vers sa chambre d'un pas nonchalant et sans motivation. Il savait qu'il allait passer sa soirée à réviser, et l'idée que ça allait lui prendre la nuit entière ne l'enchantait guère, même si c'était obligatoire pour lui.
               Devant sa chambre, il s'arrêta, tête basse et front contre le battant, il se donnait quelques instants de répit avant de s'enfermer pour les cinq prochaines heures suivantes. Il ferma les yeux en s'écoutant respirer. La situation avec Jay l'achevait de fatigue mentale et il n'avait plus aucune envie de réviser. Il voulait de tout son coeur faire demi-tour, sortir de l'immeuble en abandonnant son cartable à la maison avant de courir jusqu'à chez Jay pour s'excuser de son comportment. Mais à la place, et parce que l'idée de braver le froid glaciale en pleine nuit ne l'enchantait guère, il prit finalement son cellulaire, enlevant le mode avion avant d'attendre quelques secondes. La montagne de notifications que Jay lui avait laissé envahit son écran en un rien de temps. Une bonne trentaine d'appels et une soixantaine de messages arrivèrent en même temps, faisant mordiller la lèvre inférieure au brunet qui s'en voulait une fois de plus. Il fallait qu'il s'excuse ou il n'arriverait pas à bosser convenablement ce soir. Il déverrouilla son écran avant de cliquer sur l'application d'appel puis d'appuyer sur son nom enregistré qu'il devrait peut-être penser à changer. Lorsque la première sonnerie retentit, il clancha la poignée de sa chambre. Il ne savait pas trop ce qu'il allait lui dire mais il avait cette envie cruciale d'entendre sa voix. Il avait cette étrange impression d'avoir mis son téléphone sur haut parleur tant la sonnerie résonna en différé et il vérifiait s'il ne l'avait pas activé par mégarde.
Il se figea en sursautant presque, constatant qu'une vive lumière lui agressait les yeux quand sa porte fût ouverte. Aurait-il oublié d'éteindre sa lumière en partant ce matin ? Il était tellement dans le vague qu'il était presque sûr que c'était probable. Deuxième sonnerie, il releva les yeux sur la pièce éclairée malgré son attente. Et son coeur s'était affolé après avoir arrêté de battre. Il pouvait toujours essayé d'appeler Jay, il ne lui répondrait pas puisqu'il se trouvait dans sa chambre, allongé sur son lit, à fixer le plafond. À l'entente de la porte ouverte, il tourna son regard dans la direction du nouveau venu, l'expression fermée et la mâchoire serrée. Ça y est, Jungwon était foutu.
                   Il se trouvait bien incapable de bouger. Que faisait-il ici ? Comment était-il entré ? L'avait-il attendu ? Mais pourquoi ?

Juste une raison              -- JayWonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant