XVIII

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          En fait, il marchait dans la petite forêt à côté de chez lui. Il n'avait pas eu la foi de rentrer chez lui, voir sa mère et lui expliquer le pourquoi il s'était mis à pleurer à torrents. Il avait pénétré le domaine abandonné depuis quelques longues dizaine de minutes sûrement. Il ne s'était pas arrêté avant de se perdre. La pénombre n'étant réduite par endroit qu'à cause de certains lampadaires au dessus de chemins, bancs ou poubelles. C'était plus un parc qu'une forêt, des jeux pour enfants s'y trouvaient ça et là, et surtout le terrain était délimité par de petites barrières en fer pour protéger les plus petits de s'enfuir dangereusement près de la route ou vers l'inconnu, plus. Rares étaient les fois où il venait ici. Mais c'était son endroit de prédilection lorsque son chez lui ne faisait pas l'affaire pour l'isoler et le réconforter. Moue et comme absent de ce monde, il divaguait, les mains dans les poches, ne sentant même plus le froid sur son nez, sa gorge, nulle part autre que son petit coeur meurtri. La route avait été longue, le parc n'était pas à côté et il avait eu le temps de réfléchir. Il se fourvoyait complètement. Les insultes l'avaient blessés certes mais le pire avait été d'entendre que ses pressentiments avaient été confirmé de la bouche de quelqu'un d'autre. De quelqu'un proche de Jay. Que la raison absolue de son intéressement à lui n'était qu'une vaste blague entre amis, sûrement pendant leurs soirées à deux balles. À quel jeu jouait-il à ce moment-là ? Quel était le gage précisément ? Jusqu'où ça le concernait ? À quel point s'était-il foutu de sa gueule ? Jusqu'où était prêt à aller Jay pour gagner son pari et se pavaner devant ses copains, malgré le mal qu'il laissait derrière lui ? L'indifférait-il ? S'en était-il même une fois soucié ? Ce qui clochait avait été élucidé. Et c'était pire que ce qu'il s'était imaginé. Quatre mois. Non, plus de six mois qu'il lui parlait régulièrement. N'avait-il pas trouvé le temps de lui en parler ? Considérait-il même l'idée d'aborder le sujet un jour, avant que ça ne parte trop loin ? Mais c'était parti trop loin. Il s'était donné à lui, il lui avait offert son coeur et son corps. Retour de bâton dans le palpitant. Aïe ça faisait mal.
           Jay avait bien tenté de l'appeler à de nombreuses reprises, sans relâche, laissant des messages qui s'affichaient quand il laissait les sonneries s'estomper à mesure du temps. Il le cherchait, d'après ses écrits. Il disait s'inquiéter de ne pas l'avoir trouver chez lui, au parc, devant le lycée, à l'école de Carla. "Mort d'inquiétude" avait-il tapé sur l'un des messages se noyant parmi ses confrères. Lasse, il avait rangé son téléphone dans sa poche, laissant un énième appel rentré. Il s'assit sur un banc glacial au milieu d'arbre surplombant son petit corps emmitouflés dans sa veste. Et il avait commencé à ce moment-là à sangloter. Sa course semblait avoir été rattrapé par l'émotion, il avait beau la fuir, elle revenait au galop. Il peinait à respirer, à garder les yeux ouverts, ses lèvres tremblaient et son menton suivait le mouvement. Son corps parcouru de spams n'était qu'une douleur moindre face à cette déchirure progressive dans sa poitrine. Le destin semblait être venu lui enlever ce qui le gardait bien dans ses baskets jusqu'à présent. Il s'en était d'abord affreusement voulu de tout remettre en doute, ses gestes, ses paroles, ses regards, ses petites attentions. Il aurait tant voulu lui donner toute sa confiance mais son instinct, depuis le début lui hurlait de ne pas le faire, qu'il y avait anguille sous roche. Il s'était forcé à en faire abstraction, à l'étouffer sous une tonne de bons souvenirs avec lui, de rires merveilleux, de mots tendres. De la poudre aux yeux, ça n'avait pas apaisé son pressentiment et son inconfort. Après ce qu'il venait d'entendre, comment avait-il pu se contraindre ainsi à donner au blond ce qu'il voulait le plus : sa confiance totale et irrémédiable ? Jay n'avait jamais répondu à sa question de toute façon. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ainsi ? Il avait le mérite d'être bon acteur, il excellerait à Hollywood.
            Recroquevillé sur lui-même, il s'était arrêté de pleurer, parce que les brûlures glaciales sur ses joues devenaient de véritables tortures et qu'il ne voulait pas finir, à proprement parlé, brûlé. Endoloris, il s'était redressé, reniflant sans sortir de mouchoir pour autant. Le silence devenait presque terrifiant, il avait fini par sortir son téléphone, constatant que sa mère avait essayé de le joindre aussi. Sans réelle conviction, il l'avait rappelé, priant pour ne pas se faire gronder comme jamais, il n'aurait pas la force de l'entendre. Une, deux, trois, elle décrocha. La voix totalement affolée, elle l'appelait doucement :

Juste une raison              -- JayWonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant