XXIX

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Il fixait sa feuille pour l'instant vierge, ému.
Vendredi 21 juin, dernière journée d'examen. Il n'y arrivait plus. Cinq mois qu'il se plongeait dans ses révisions, constamment, dès qu'il avait cinq minutes de répit. Cinq mois qu'il ne mangeait plus vraiment, ayant perdu autant le goût de l'appétit que l'envie de se lever le matin. Cinq mois qu'il pleurait tous les soirs sans s'en remettre. Il faisait barrage. Faible. Il ne tournait pas la page. Cinq mois qu'il regardait les même photos, les mêmes conversations échangées avec lui, ses vidéos, son journal d'appels saturé de son nom. Cinq mois qu'il se sentait aussi pathétique que le jour où il était revenu chez lui, après avoir fui le garçon dans le parc. 134 jours qu'il se ressassait constamment cette même foutue question : lorsqu'il s'était retourné, pourquoi n'a-t'il pas fait demi-tour ? 3216 heures qu'il passait à s'en vouloir. 192,960 minutes qu'il se rongeait le frein. Pourquoi ? Parce que s'il était parti, c'était de son plein gré, son choix, son départ.
Jay revenait, lui. Tous les jours. Il avait le droit, illégitime, de recevoir un message d'encouragement pour cette nouvelle journée. Toujours à la même heures. Sept heures zéro sept. 707. Le chiffre que lui attribuait Jay. Un chiffre angélique signifiant l'individualité, pour se démarquer des autres. C'était un beau chiffre le 7. Non ? Jungwon voulait y croire lui. Et comme chaque jours, il écrivait un message avec un million d'excuses différentes, hésite et supprime. Jamais il ne lui a répondu. Jay lui semblait si loin, si distant maintenant. Bien qu'au lycée, des sourires se perdaient, le regard désolé ajouté au triste qui brisait encore plus celui en miette du brunet qui esquivait ses magnifiques yeux qu'ils avaient tant aimé regarder. Il serait le pire des menteurs en prétextant qu'il ne lui manquait pas. C'était le poignant dans sa vie : le manque. Sa voix lui manquait, celle près de son oreille, son touché lui manquait, sa proximité, son rire, sa chaleur, son côté commère et passionné, sa tendresse, son humour beauf, ses cheveux soyeux, son odeur, leurs conversations. Il lui manquait chaque jours plus. La mère de Jungwon était au courant. Après avoir vu son fils revenir en pleurs chez eux, son corps parcourus de spams douloureux, elle avait d'abord imaginé le pire mais quand il lui avait annoncé s'être séparé de lui, elle l'a prit pendant deux bonnes heures, sans broncher, dans ses bras à le bercer. Il était blessé et désespérément amoureux. Elle l'avait exclu de ses projets à la boutique, il n'aurait pas la tête à bosser et aurait été plus un poids qu'autre chose. Il n'avait pas révisé comme c'était prévu. Il était resté fixé les journées entières à la fenêtre du salon, à observer le temps grisâtre de l'hiver. À force des journées, il avait vu évoluer lentement le temps jusqu'au printemps. Il esquivait volontairement de regarder les couples passer en bas de sa rue, les oiseaux chanter, les animaux se courir après dans une sorte de séduction animale.
Cinq mois que ses amies le voyaIent s'enterrer dans un silence toujours plus impénétrable que profond, elle ne pouvait rien y faire, il n'y arrivait tout simplement pas. C'était long cinq mois, tout le monde lui disait que ce n'était pas normal que son état de déprime dure aussi longtemps. Il refusait de voir des psy pour l'aider, il refusait d'accéder à la requête de Cassandra qui était d'aller voir la cause du problème en lui-même pour en parler et faire le deuil. Ça aurait été le mieux à faire, non ? Non, il s'y refusait. Faire le deuil reviendrait à abandonner tout ce qu'il ne voulait pas voir partir : Jay. Son esprit tortueux et vicieux lui imaginait mille et un scénario qui le mettait en scène avec d'autres personnes, des filles principalement, à les embrasser à pleine bouche, les pelotés et prendre du plaisir maintenant qu'il n'était plus entravé par Jungwon. Il se réveillait toujours en pleurs et partait au lycée les yeux bouffies et l'esprit en compote. La famille de Carla avait apprit pour sa rupture et voyant son état peu stable pour s'occuper de la fillette, ils l'avaient mis en pause jusqu'à l'année prochaine. Oh non, il n'était pas interdit de la voir mais la garder n'était plus une bonne idée. Il avait donc tout son temps pour étudier comme il l'entendait. De toute façon, c'était tout ce qui lui restait : réviser et se plonger dans ses cours.
Un jour d'Avril, s'en fut trop pour lui. Il s'était enfuit de chez lui pour aller courir, se vider la tête. Il n'arrivait pas à se résoudre d'enlever le garçon de son esprit, c'était trop dur, il ne voulait pas l'oublier. Surtout pas. Mais s'accrocher au passé, c'était pas mieux non plus. Alors il avait suivit les conseils des filles et faisait du sport pour penser à autre chose. Il avait parcouru la ville entière avant de ralentir son pas de course et se s'arrêter pour enfin reprendre son souffle. Il avait pourtant tout donner, jusqu'à avoir l'impression qu'il pouvait s'effondrer au sol à tout moment. En relevant la tête, il remarquait que son inconscient l'avait emmené directement à sa rue. À un mètre de chez lui. Aucune des deux voitures de ses parents n'étaient là. Il n'y serait pas non plus. Mort de fatigue, à bout de souffle et les yeux secs à cause du vent, il s'était arrêter devant sa demeure. Son regard s'était immédiatement perdu sur sa prote d'entrée. Les souvenirs étaient douloureux. Que ce soit ceux quand ils allaient chez lui pour réviser, passer du temps à discuter ou encore jouer du piano, passer son allée à rigoler ou se charier. Ce n'était pas le pire. C'était ce fameux jour d'hiver, la vieille qu'il ne parte dans le sud pour aller voir sa famille. Ce soir où il lui avait offert son bracelet d'argent avec une gousse de vanille accroché à celui-ci. Il ne l'avait, ô grand jamais retiré. Il était toujours fermement scellé à son poignet. Il jouait avec le pendentif quand il était déconcentré ou stressé, il le voyait faire. Ce jour d'Avril, à six heures du soir, Jay était apparu à sa porte d'entrée, essoufflé comme s'il avait couru jusqu'au battant. De loin, leurs regards s'étaient croisés. Impossible pour Jungwon de bouger, il était paralysé. Lorsque Jay avait ouvert son portail pour courir jusqu'à lui, la douleur semblait avoir quadruplé tout au long de sa course. Le blond l'avait prit dans ses bras fortement, ne posant pas de questions sur le pourquoi il était là, devant chez lui. Il n'en avait pas besoin. Jungwon savait qu'il ne l'avait pas oublié, sinon à quoi bon lui envoyer des messages tous les matins pour faire acte de présence dans sa vie ? Lui aussi ne semblait pas tourner la page. Le brunet était resté bien dix bonnes minutes à pleurer contre sa clavicule, sans mot. À dire, il pleurait son saoul comme si cela ne faisait pas trois mois qu'il le faisait tout les jours. Un jour, Jay lui avait dit qu'il pourrait toujours l'appeler ou venir le voir si ça n'allait pas. À ce moment-là encore, il tenait sa promesse.
Jungwon l'avait vu aussi, il avait maigri, il était cerné et plus si lumineux. Paraissait-il qu'il avait disparu des réseaux un long temps avant de revenir avec une photo floutée représentant deux formes. Elle lui avait montré le cliché et il n'y avait pas de doute. Jungwon savait que c'était une photo du seul shooting où il l'avait emmené. Quand il l'avait prit dans ses bras pour le rassurer. Il avait vite détourné le regard dans le silence, mal. Là, devant chez lui, lorsqu'il s'était détaché de son torse, il sanglotait encore un peu mais il se souviendrait toujours de cette phrase qu'il lui avait dit : "Fais-moi oublié tout ça, fais-moi oublié la douleur". Et Jay avait tout de suite compris. Délicat, doux et attentionné, il l'avait porter jusqu'à sa chambre en haut de l'escalier, en essayant le moins possible d'avoir à détourner son regard de lui. Le baiser qu'il avait eut après trois mois avait été intense au point de faire tourner la tête du garçon. À ce moment-là encore, il avait fait extrêmement attention à lui, écoutant tout ses soupires, ses bruits, gémissements. Il n'avait jamais longtemps quitté ses lèvres, essuyé ses larmes de ses croissants rassurants qui semblaient un temps soit peu recollés les morceaux brisés de son palpitant. À sa demande, ils y avaient passé la soirée complète, et une partie de la nuit. Jay avait été plus que délicat et s'était plié aux demandes du brunet. Après la dernière danse, avant de sombrer dans un sommeil, fatigué, Jay lui avait donné ce regard qui lui tant manqué plus que tout autre chose : comme s'il était la septième merveille de monde. "Je t'aime, je t'aime tellement..", effleurant ses lèvres d'un baiser de papillon, il avait ensuite fermé les yeux contre son gré, une main toujours sur sa joue pour s'assurer qu'il était bien là, "je suis tellement désolé, chaton". Le laisser, deux heures après, avait été la pire des tortures. Mais il avait fauté et devait partir avant de rechuter. Le regardant dormir, il avait lutté contre lui-même pour ne pas rester dans ses bras de nouveau, ne plus en partir. Un mot sur l'oreille en s'excusant de partir ainsi, mais que cette folie n'aurait jamais dû arriver, il s'était ensuite enfuit, le coeur de nouveau en miette. La colle étant resté avec Jay, dans son lit.
Depuis, la situation, était pire. Jay était plus lumineux mais restait quand même dans son état dégradateur, il était épuisé aussi. Jungwon n'a jamais parlé de sa nuit avec quiconque hormis sa mère à qui il n'avait pas pu mentir sur son arrivée tardive à la maison. Elle ne l'avait pas jugé mais n'approuvait pas ce qu'il avait fait. Les jours étaient passé ensuite, interminables, il n'en voyait pas le bout. Il entendait des rumeurs dans la classe comme quoi aux examens blancs, Jay avait explosé les scores du lycée entier. Mais comme ses amies lui avaient dit : ce n'était qu'une rumeur, rien n'était prouvé. Mais Jungwon, lui, savait. Parce que le blond en question lui avait donné ses notes, s'inquiétant pour les siennes en lui souhaitant tous ses voeux de réussites. Et oui, il avait surpassé tous les élèves. Les professeurs avaient des suspicions de triches et avaient fait la moral aux classes comme quoi tricher n'apportait rien de bien dans la vie, que ce n'était pas honnête et qu'avait cette attitude, ils allaient se manger le sol dans la vie active. Même si le nom du coupable de cette moral n'avait pas été cité, Jungwon avait regardé Jay qui, stressé sûrement, tripotait son pendentif. Aujourd'hui, dernier jours d'examen, il lui souhaitait de ne pas trop être paniqué par la pression et de donner son meilleur. Il citait : "parce que tu es le gars le plus studieux et acharné que je connaisse, je sais parfaitement que tu vas tout exploser !". Vérité ou non, Jungwon l'avait pris car il en avait besoin. Oui, il en avait absolument besoin. Besoin de ses encouragements. Alors devant la salle, il faillit sourire de pure bonheur quand, étant dans la même salle car en bout de liste dans les noms de familles, Jay lui avait levé le pouce en l'air pour lui souhaité bonne chance. Même après tout ça, Jungwon l'aimait encore au point de vouloir tout réussir pour lui ?
Il commença à rédiger, ému.

Juste une raison              -- JayWonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant